Covid-19 : un couvre-feu avancé à 18 heures, est-ce efficace ? – Le Parisien

L’épidémiologiste Mahmoud Zureik le répète : « Toute mesure qui aboutit à une réduction des contacts sera efficace. » Et c’est donc celle du couvre-feu avancé, grignotant deux heures par jour de notre vie sociale, largement appauvrie, qui a été retenue par le gouvernement face aux risques d’aggravation de l’épidémie de Covid-19. Cette restriction était déjà en vigueur dans 25 départements. Désormais, toute la France métropolitaine restera chez elle dès 18 heures à partir de ce samedi 16 janvier, « pour au moins quinze jours », a annoncé jeudi le Premier ministre, Jean Castex, lors de sa conférence de presse sur la situation sanitaire.

Si les fêtes de fin d’année n’ont pas entraîné, comme le craignaient les autorités, une flambée épidémique, cette injonction à rester chez soi doit répondre à une situation « maîtrisée » mais « fragile » avec près de 16 000 nouvelles contaminations par jour actuellement, selon le Premier ministre, alors que 24 983 malades étaient hospitalisés jeudi soir à cause du Covid-19. Cette fois-ci, le gouvernement a fait le choix d’une mesure nationale, car il n’y a plus un département où le taux d’incidence se situe en dessous du premier seuil d’alerte, c’est-à-dire moins de 50 nouvelles contaminations sur 100 000 habitants en une semaine. Et la dynamique virale est désormais la plus forte dans la moitié ouest, jusqu’alors épargnée.

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C’est donc sur la méthode du « freinage préventif » qu’a misé le gouvernement, espérant ainsi éviter un troisième reconfinement. Mais quel est l’impact réel du couvre-feu? Que disent les chiffres?

Entre 20 % et 25 % de chute de la mobilité

Si peu d’études existent en France sur le sujet, l’une d’entre elles, réalisée par l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), apporte un nouvel éclairage et révèle son efficacité. L’équipe d’experts, qui vient de communiquer ses résultats au conseil scientifique, s’est appuyée sur des données téléphoniques, en collaboration avec l’opérateur Orange, pour comparer les déplacements nocturnes des habitants vivant dans des départements sous couvre-feu ou non, avant le second confinement décidé fin octobre.

« On a constaté que la mobilité avait chuté de 20 % à 25 % dans les endroits où cette mesure avait été prise, nous explique l’une des autrices, Vittoria Colizza, directrice de recherches à l’Inserm. Et une semaine après, le taux de croissance de l’épidémie diminuait de 0,06 à 0,02 par jour. Ce qui renforce l’interprétation d’un lien de causalité entre couvre-feu, baisse de la mobilité et diminution de la circulation du virus », conclut cette spécialiste de la modélisation des épidémies, alors que l’étude est toujours en cours.

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Cependant, cette baisse ne peut être attribuée qu’au seul couvre-feu, les vacances scolaires ont également joué un rôle, sans qu’on puisse dire lequel des deux facteurs a eu un rôle prédominant. « Il y a eu un double effet », constate Vittoria Colizza. Dès lors, une question se pose : ce couvre-feu sera-t-il aussi efficace que le premier ? Le contexte n’est pas le même. D’abord, il ne coïncide pas avec les vacances, durant lesquelles les élèves et les salariés ont déserté écoles et bureaux, cette fois-ci, les restaurants sont fermés et il ne s’agit que de l’avancer de deux heures.

«Un impact sur l’heure de l’apéritif»

« Je suis persuadée qu’abaisser l’heure de sortie à 18 heures va encore faire diminuer l’épidémie, avance l’épidémiologiste Dominique Costagliola. Mais je ne sais pas si ce sera suffisant, à ce sujet, une petite incertitude demeure », concède-t-elle, rappelant que la menace des variants britannique et sud-africain doit nécessiter des mesures fortes. « Un confinement par région, ça aurait du sens ». L’infectiologue au CHU de Grenoble Jean-Paul Stahl, lui, se veut optimiste. « C’est deux heures de contaminations potentielles en moins et cela aura un impact sur l’heure de l’apéritif ».

Mais pour l’épidémiologiste Mahmoud Zureik, « celui-ci ne sera probablement pas très important ». D’autant que la concentration de la population avant 18 heures l’inquiète « si on s’entasse dans le métro pour rentrer du travail ou faire ses courses ».

Le Premier ministre, lui, l’affirme, cette mesure a déjà fait ses preuves dans les départements où le couvre-feu a été avancé dès le 2 janvier : « la hausse du nombre de nouveaux cas y est deux, voire trois fois, plus faible que dans les autres départements ». Dans l’un d’eux, au centre hospitalier intercommunal Nord-Ardennes, « il a permis, nous dit-on, d’éviter un rebond post-fêtes que l’on pouvait craindre. En revanche, on ne ressent pas encore ce desserrement au niveau des services de réanimation. »

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