Covid-19 : pourquoi le variant identifié au Brésil, plus contagieux, inquiète en France – franceinfo

Un triste palmarès. Après les Etats-Unis et l’Inde, le Brésil est le troisième pays le plus touché par la pandémie de Covid-19. Et l’épidémie flambe dans ce pays d’Amérique du Sud, avec plus de 66 000 décès enregistrés au seul mois de mars, soit plus du double que le précédent triste record mensuel de juillet 2020.

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Autre particularité de ce pays : la variante du virus, nommée P.1, y est désormais majoritaire. Pourquoi ce variant dit “brésilien” inquiète-t-il en France, où il est encore, selon Santé publique France, très minoritaire ?

Parce qu’il serait plus dangereux

Selon une étude de l’Association brésilienne des soins intensifs (AMIB), dévoilée dimanche 11 avril, ce variant du virus identifié au Brésil est l’une des causes principales de la hausse spectaculaire du nombre des morts au mois de mars. Les chercheurs notent ainsi que des patients plus jeunes sont plus gravement atteints qu’avant. 

La majorité des Brésiliens (52,2%) souffrant du Covid-19 en soins intensifs ont désormais moins de 40 ans, selon ces travaux. Or ils n’étaient que 14,6% au début de la pandémie il y a un an, puis 45% entre septembre et février, selon le coordinateur de l’étude, Ederlon Rezende, cité par l’AFP. Le bond est notable, même si d’autres facteurs que ce variant peuvent expliquer le rajeunissement des patients en réanimation (et notamment la vaccination des plus âgés).

“Cette population (les moins de 40 ans) ne contractait auparavant qu’une forme moins grave de la maladie et n’avait pas besoin de soins intensifs. Une telle hausse pour ce groupe d’âge est très significative.”

Ederlon Rezende, médecin brésilien

à l’AFP

“Les malades plus jeunes, sans avoir eu d’autres maladies, présentent à leur arrivée aux soins intensifs des cas plus graves”, précise-t-il. Dans Le Parisien, la docteure Marie-Christine Duniau, médecin conseil auprès du consulat français au Brésil, renchérit et dresse un tableau inquiétant : “On voit beaucoup plus d’insuffisances respiratoires, d’embolies, d’accidents cardiaques alors que c’était très rare au début de l’épidémie”Depuis le début de la pandémie, plus de 350 000 personnes (sur 212 millions d’habitants) sont mortes de la maladie au Brésil. Seuls les Etats-Unis ont un bilan pire, avec plus de 560 000 morts.

Parce qu’il est plus transmissible et résistant aux vaccins

Selon les épidémiologistes, ce variant a observé une progression fulgurante au Brésil. “A la mi-décembre est arrivé à Manaus, en Amazonie, un variant appelé P.1, qui a ensuite circulé très vite sur l’ensemble du Brésil et qui est aujourd’hui majoritaire”, a rappelé mardi 13 avril, sur France Inter, le professeur Rémi Salomon, président de la commission médicale d’établissement de l’AP-HP. Il a ensuite énuméré les difficultés particulières liées à ce variant. Premier problème, selon lui, “ce variant porte la mutation E484K, comme le variant sud-africain, et cette mutation rend la souche qui le porte plus résistante aux vaccins”. Second problème : ce variant s’est avéré plus contagieux que la souche historique, et pourrait l’emporter sur le variant apparu en Angleterre, actuellement présent en France.

“Ce variant brésilien est manifestement nettement plus transmissible que la souche historique, mais également probablement que la souche britannique. S’il arrive sur le sol européen et français, il pourra connaître une croissance rapide.”

Rémi Salomon, professeur de médecine à l’AP-HP

à France Inter

Lundi sur France 2, il s’était montré encore plus alarmiste. “Il y a toutes les raisons d’être inquiet, s’il (le variant) vient et prend de l’ampleur en Europe, il peut faire une quatrième vague qui peut être très meurtrière”, a-t-il déclaré dans le journal de 20 heures (à partir de 1′ dans la vidéo).

“Rien ne dit qu’il ne sera pas la prochaine souche à se développer”, affirme encore dans Le Parisien l‘épidémiologiste Antoine Flahault, assurant qu’il peut monter très vite”. D’autant que, selon Benjamin Davido, infectiologue à l’hôpital Raymond-Poincaré de Garches et interrogé par BFMTV, ce variant P.1 semble avoir “une capacité de réinfection”. Autrement dit, au Brésil ou dans d’autres pays d’Amérique du Sud où il s’est propagé, “on voit que ce variant sévit alors même qu’un certain nombre de la population a déjà été atteint” par le Covid-19. 

Parce que les mesures prises par la France sont jugées insuffisantes

Face à ce virus jugé très contagieux, l’exécutif est pointé du doigt depuis quelques jours pour ses mesures jugées trop légères, bien que ce virus soit encore minoritaire en France – il représente moins de 5% des contaminations, avec le variant identifié en Afrique du Sud. “Il est toujours possible de voyager entre le Brésil et la France malgré l’inquiétude autour du variant brésilien”, souligne ainsi la cellule Vrai ou Fake de franceinfo

Certes, les passagers arrivant quotidiennement par avion du Brésil à Paris doivent se munir au départ d’un test PCR négatif de moins de 72 heures, et subissent parfois à leur arrivée un test antigénique, comme le montre ce reportage de France 2. Ils doivent aussi s’engager “sur l’honneur” à respecter une quarantaine de sept jours. Mais, dans les faits, les contrôles font défaut. En Europe, plusieurs pays ont pourtant pris des mesures bien plus drastiques pour tenter d’empêcher la recrudescence de ce variant P1. La plus radicale a été décidée par le Portugal, qui a suspendu les vols avec le Brésil. 

Pour nombre de médecins, à commencer par le professeur Rémi Salomon, les mesures prises par la France s’avèrent donc insuffisantes face à cette menace. Lorsque les tests sont réalisés trop tôt, détaille le spécialiste, ils ne dépistent pas encore la maladie. Des personnes infectées risquent ainsi de continuer à circuler sans s’isoler.

“Si vous vous contaminez la veille ou l’avant-veille de votre départ et que vous faites un test PCR juste avant de prendre l’avion, ce test sera négatif. Il ne devient positif qu’au bout de quatre, cinq ou six jours après la contamination. De même, le test antigénique qu’on ferait à l’arrivée à Paris serait tout aussi négatif. Donc on va manquer toute une partie des gens qui se seront contaminés dans les jours qui précèdent leur départ.”

Rémi Salomon, professeur de médecine à l’AP-HP

à France Inter

Il juge donc nécessaire de bloquer les vols ou d’imposer aux passagers arrivant du Brésil une quarantaine réelle d’une dizaine de jours, avec des tests à l’issue de cette période d’isolement. A l’instar de ce qui se passe, notamment, en Grande-Bretagne. Du côté du ministère des Affaires étrangères français, contacté par la cellule Vrai ou Fake, on compte plutôt sur “l‘engagement et la responsabilité de chacun (…) pour limiter la diffusion du virus en France et en Europe”.

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