Covid-19 : pourquoi la Russie connaît une nouvelle vague épidémique – franceinfo

“Cela faisait un moment que nous en parlions. Maintenant, on y est”, a expliqué mercredi 30 juin l’épidémiologiste Alexander Gorelov, cité par l’agence russe Tass (en anglais). Une nouvelle vague épidémique de Covid-19 est arrivée en Russie et son bilan humain s’annonce encore plus lourd qu’en janvier. Pour le cinquième jour d’affilée, samedi 3 juillet, le triste record du nombre de morts du Covid-19 est battu : 697 nouveaux décès liés au Covid-19 ont été enregistrés en 24 heures par les autorités russes. La Russie a aussi enregistré 24 439 nouveaux cas samedi, ce qui correspond au nombre le plus haut depuis la mi-janvier.

Les services hospitaliers se remplissent de malades du Covid-19 et pourraient bientôt être saturés. Les chiffres avancés par ces derniers sont toutefois à prendre avec précaution : depuis le début de l’épidémie, des démographes accusent les autorités de minimiser le bilan de la pandémie, pointant l’écart entre les morts recensés par le Kremlin et ceux des instituts de statistiques, rappelle la BBC (en anglais).

Parce que les variants Delta et Delta plus circulent vite

Minimisés ou non, les chiffres illustrent une tendance préoccupante : depuis mi-juin, le virus circule plus vite et tue davantage. Ce regain épidémique pourrait s’expliquer en grande partie par la progression du variant Delta, identifié en premier lieu en Inde. Présent en Russie, mais aussi en France ou encore au Royaume-Uni, ce variant est considéré par les scientifiques comme 40 à 60% plus contagieux que le variant dit Alpha, qui s’est répandu en Europe en début d’année 2021, déjà bien plus contagieux que la souche originelle du Sars-CoV-2.

Encore minoritaire il y a quelques semaines, le variant Delta est désormais prédominant à Moscou, principal de foyer de l’épidémie en Russie, où il constituait fin juin près de 90% des nouveaux cas, selon le maire de Moscou, Sergueï Sobianine. Il est en passe de devenir “le variant le plus prévalent en Russie, car il est le plus contagieux”, explique Alexander Gorelov à l’agence russe TASS (en anglais).

Par ailleurs, le variant Delta plus, issu de la souche Delta, a été identifié sur le territoire russe. Le premier cas d’infection par cette souche a été détecté en Russie, a annoncé le 29 juin une responsable du Rospotrebnadzor, l’agence de santé publique fédérale, rapporte le Moscow Times (en anglais). Ce nouveau variant préoccupe particulièrement les autorités qui craignent qu’il ne soit encore plus contagieux ou encore plus résistant aux vaccins.

Parce que les Russes sont peu vaccinés

Si ces variants sont pointés du doigt, la faible couverture vaccinale est aussi en cause. Trop peu de Russes ont été vaccinés, regrettent les autorités. Au 2 juillet, seulement 16,60% de la population russe avait reçu au moins une première dose de vaccin selon Our World in Data et 12,06% de la population était complètement vaccinée.

Pourtant, la Russie a été le premier pays au monde à approuver un vaccin anti-Covid-19 en août 2020 et le pays a même produit son propre vaccin, le Spoutnik V. Mais la campagne de vaccination lancée en décembre patine. Si bien que le Kremlin a dû reconnaître dans la semaine qu’il ne serait pas en mesure d’atteindre l’objectif de 60% de vaccinés d’ici août, qu’il s’était fixé au printemps. “Il est évident qu’on n’atteindra pas les 60%”, a déclaré le porte-parole de la présidence russe, Dmitri Peskov. “Le taux d’acceptation a malheureusement été faible”, a-t-il regretté. Le Kremlin a rendu la vaccination gratuite et plusieurs régions, dont Moscou, ont mis en place des mesures incitatives comme l’introduction d’un pass sanitaire pour aller au restaurant. Mais ces dernières s’avèrent insuffisantes. D’autant plus que le marché de faux certificats de vaccination se développe à travers le pays.

Parce que le pays est l’un des plus vaccino-sceptiques du monde

Face à cet échec, le président Vladimir Poutine a exhorté mercredi 30 juin en direct à la télévision russe ses concitoyens à “écouter les experts” et non les rumeurs sur le Covid-19. Le pays est touché par une épidémie de méfiance : en janvier, le Moscow Times (en anglais) expliquait que la Russie était l’un des pays les plus vaccino-sceptiques au monde, citant un sondage du Kommersant, selon lequel 30% des Russes interrogés déclaraient qu’ils pensaient que leurs concitoyens se feraient vacciner. La moyenne mondiale s’élevait alors à 50%.

L’élaboration d’un vaccin “maison” n’a rien changé, au contraire : 62% des Russes ne souhaitent pas être vaccinés avec le vaccin Spoutnik V, relevait en mars un sondage du Centre analytique Levada (en anglais), une organisation russe indépendante. Le vaccin russe est boudé par une grande partie de la population, qui craint qu’il n’ait été élaboré trop vite. Si, pour l’instant, le président russe continue à se dire opposé à une obligation vaccinale à l’échelle nationale, il peine à convaincre.

Parce que le gouvernement privilégie l’économie face à la pandémie

Face à cette méfiance, le gouvernement tarde à prendre des mesures sanitaires et préfère préserver la situation économique très fragile. En avril, Vladimir Poutine avait d’ailleurs affirmé que “le plus important maintenant [était] d’assurer la croissance des revenus des citoyens”. Le 2 juillet, le quart de finale de l’Euro 2021 qui opposait l’Espagne et la Suisse, et devait réunir des milliers de supporters dont des étrangers, a été maintenu à Saint-Pétersbourg, bien que la ville soit également frappée par ce regain épidémique.

“Personne ne veut de confinement”, a tranché le même jour le porte-parole de la présidence russe, écartant la mise en place de mesures aussi radicales que celles du printemps 2020, lors de la première vague. Les gros événements sont toutefois restreints dans la majorité des régions et des restrictions plus importantes ont été ordonnées à Moscou. Le télétravail y est en partie imposé et un pass sanitaire a été créé pour aller au restaurant.

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