Covid-19 : des réponses locales à une dégradation globale ? – Libération

Nouveaux ajustements en perspective dans la stratégie nationale de lutte contre le Covid-19. Anticipant l’issue du Conseil de défense qu’il réunit ce vendredi à l’Elysée, le chef de l’Etat a confirmé jeudi son intention de prendre les «décisions» qui s’imposent pour «donner de la visibilité sur les prochaines semaines». Principal arbitrage au menu : ramener de quatorze à sept jours l’isolement réclamé (sur la base du volontariat) aux personnes testées positives et leurs cas contact, tout en améliorant l’accompagnement des autoconfinés.

«Décalage»

Dans un avis remis le 3 septembre au ministre de la Santé, le conseil scientifique avait dressé un constat d’échec de ce pilier de la lutte contre l’épidémie : à l’en croire, la stratégie d’isolement en vigueur n’a «ni cahier des charges ni budget à l’échelle nationale, des recommandations assez peu relayées auprès du public, un manque de données précises sur les conditions et le suivi de l’isolement». Mercredi, le président du conseil, Jean-François Delfraissy, a pressé l’exécutif de réagir «dans les huit à dix jours maximum». Faute de quoi, le scientifique alerte sur le risque d’une résurgence problématique de l’épidémie : «La France se situe à un niveau qui n’est pas celui de l’Espagne mais qui n’est pas loin, avec un décalage d’une quinzaine de jours, et qui est beaucoup plus sévère que celui de l’Italie», a-t-il indiqué à Libération.

De fait, les signaux d’alerte s’allument un peu partout. «En France métropolitaine, l’ensemble des indicateurs de suivi de l’épidémie démontrent une nette dégradation de la situation avec un impact sanitaire croissant», insistait mardi la Direction générale de la santé (DGS) dans son communiqué de presse quotidien. D’abord, le nombre de nouveaux cas confirmés grossit à l’échelle du pays, malgré les disparités et inflexions locales. En début de semaine, les chiffres provisoires quotidiens tournaient autour d’une moyenne de 8 000 nouvelles détections par jour, alors que les données se fixaient autour de 7 000 cas quotidiens la semaine du 24 août, et 4 000 avant le 15 août… Le taux de positivité (la proportion du nombre de personnes positives au sein de l’ensemble des personnes testées) continue lui aussi de grimper : mercredi, il avait atteint les 6 %, un taux inégalé depuis que cet indicateur existe (il était de 5 % le 23 août, de 4 % le 19 août et de 3 % le 9 août).

L’autre grande inquiétude concerne le nombre d’hospitalisations et d’admissions en réanimation, sur une courbe ascendante et de plus en plus raide, ce qui met déjà sous pression certains hôpitaux, notamment dans le sud-est de la France. «Les projections que nous avons en Paca nous font craindre une mise sous tension des réanimations hospitalières en octobre», confirme Jean-François Delfraissy.

«Grand soir»

Pour la période allant du 2 au 9 septembre, le département des Bouches-du-Rhône affichait le taux d’incidence le plus fort du territoire métropolitain, et bien au-dessus du seuil d’alerte, avec 195 cas pour 100 000 habitants, suivi de la Gironde (158 cas), Paris (150 cas) et le Val-de-Marne (125 cas). Outre-mer, la Guadeloupe présente de son côté un taux extrêmement élevé de 229 cas pour 100 000 habitants.

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Pour Emmanuel Macron, pas question toutefois de «céder à quelque panique que ce soit». Ou d’affoler inutilement des Français tétanisés à la seule idée d’avoir à se reconfiner massivement. Les décisions prises en Conseil de défense, «ce ne sera pas le grand soir», a assuré le chef d’Etat jeudi en marge d’un déplacement à Ajaccio, une ville sous surveillance sanitaire étroite depuis la découverte début septembre d’un gros cluster consécutif à une soirée festive de plusieurs centaines de jeunes dans une paillote. S’il martèle son ambition de «ralentir au maximum et stopper la circulation du virus», le président de la République entend aussi permettre aux Français de «continuer à vivre». Une double nécessité qui devrait conduire le gouvernement à «décliner territorialement» sa parade sanitaire. Soit à arrêter des recommandations et restrictions de rassemblements au plus près du terrain.

Nathalie Raulin , Anaïs Moran

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