Covid-19 : comment la communication brouillonne de la Maison Blanche sème le doute sur l’état de santé de D… – franceinfo

Imprécisions, erreurs, coups de communication… En dépit des conférences de presse du médecin de Donald Trump, les Américains peinent à obtenir des informations précises sur l’état de santé de leur président, qui brigue un second mandat. 

Contaminé par le Covid-19, Donald Trump n’en est pas moins un chef d’état en campagne pour sa réélection. Hospitalisé depuis vendredi, le président des Etats-Unis s’est offert, dimanche 4 octobre, une brève sortie en voiture, masque sur le visage, afin de saluer ses partisans rassemblés aux abords de l’hôpital militaire Walter Reed, qu’il pourrait quitter dès lundi si son état le permet. Son état de santé, justement, fait l’objet de toutes les spéculations. 

Selon le dernier bulletin de santé de son médecin, le docteur Sean Conley, délivré quelques heures plus tôt, il “s’améliore”. Pourtant, la veille, le médecin détaillait le lourd traitement suivi par Donald Trump, qui laissait penser qu’il souffrait d’une forme grave de la maladie. A cause de cette communication brouillonne et des déclarations contradictoires de son médecin, l’état de santé de Donald Trump est l’objet de toutes les rumeurs et spéculations. Franceinfo revient sur les éléments qui alimentent le doute.

Une épidémie de couacs

Dans son premier point presse, samedi, Sean Conley enchaîne les erreurs et imprécisions. Face à la presse, il assure que le président va “très bien”, qu’il souffre “d’une légère toux, de fièvre et de fatigue” et n’a pas présenté de difficultés à respirer. Le médecin laisse aussi entendre que le président a été testé positif au coronavirus 72 heures plus tôt, soit 24 heures avant l’annonce de la Maison Blanche. Autant d’informations fausses, démenties dans les heures qui ont suivies.

Quelques minutes après l’allocution de Sean Conley, ce dernier est contredit par d’autres sources au sein de la Maison Blanche. “Les signes vitaux du président ces dernières 24 heures ont été très inquiétants, et les prochaines 48 heures seront critiques en termes de soins”, déclare l’une d’elle, alors sous couvert d’anonymat.

Quant à la date à laquelle le président a été diagnostiqué positif, elle est fausse aussi. Dans un communiqué publié dans la soirée, Sean Conley corrige lui-même : “J’ai utilisé l’expression ’72 heures’ au lieu de ‘jour 3’ et ‘quarante-huit heures’ au lieu de ‘jour 2′”, s’explique-t-il. Or, il s’agit d’une correction de taille : si le président américain avait bien été diagnostiqué le mercredi, et non le jeudi, cela signifie qu’il aurait participé à des événements de campagne en public et sans masque, alors qu’il se savait malade.

Le lendemain de cette conférence de presse bâclée, Sean Conley tente de rectifier le tir : il fait volte-face et admet devant les journalistes que l’état de Donald Trump s’est bien dégradé vendredi à la Maison Blanche, au point de requérir une supplémentation en oxygène, pendant environ une heure. Samedi matin, un autre épisode de baisse de saturation en oxygène est même survenu, sans toutefois descendre sous 94%, précise encore le médecin. Difficile, dans ces conditions, de restaurer la confiance.

Une opération de communication ratée

Pressé par les journalistes, le docteur a admis dimanche avoir donné des nouvelles “trop optimistes”. “Je ne voulais pas donner d’informations susceptibles d’orienter le cours de la maladie dans une autre direction”, a-t-il indiqué. L’explication, qui défie toute logique scientifique et médicale, n’a pas convaincu les journalistes accrédités à la Maison Blanche. En privilégiant la communication aux faits, le médecin du président est apparu comme indigne de confiance aux yeux du “pool” de reporters, stupéfaits par la différence des sons de cloches entre le “on” (la conférence de presse) et le “off” (les déclarations de sources anonymes).

Donald Trump lui-même s’est inquiété de ce décalage. Dès samedi, Mark Meadows, chef de cabinet de la Maison Blanche, a été identifié comme la source des déclarations contraires à celles de Sean Conley. Selon le journaliste de CNN, Jim Acosta, citant “deux sources proches de la situation”, le chef de cabinet en a pris pour son grade. Rudy Giuliani, ami et ancien avocat de Donald Trump, s’est quant à lui chargé de passer au New York Post le message d’un président en pleine forme, qui “sonne comme du Trump vintage au téléphone”.

Enfin, la Maison Blanche publie dans la soirée deux photos et une vidéo dans laquelle le chef d’Etat apparaît en train de travailler dans son bureau de l’hôpital militaire. Sur cette dernière, il déclare aller “beaucoup mieux.” Là encore, le message intrigue la presse américaine qui relève, à l’aide d’experts du montage, que la vidéo a été éditée avec un logiciel de sorte à “gommer” un incident fâcheux : vraisemblablement une toux, suggère le Washington Post, un scénario conforme aux déclarations du médecin du président.

Quant aux deux photos, elles relèvent également de la mise en scène, décrypte le quotidien. Et pour cause : censées montrer Donald Trump à différents moments de la journée (en témoignent le changement de pièce, de tenue et la présence des dossiers), elles ont en fait été prises à 10 minutes d’intervalles, explique le Washington Post. Le quotidien s’est appuyé sur les données IPTC, qui accompagnent automatiquement chaque image mise en ligne sur le site de l’agence AP.

Donald Trump travaille dans une suite présidentielle de l\'hôpital Walter Reed, à Bethesda, dans la Maryland, samedi 3 octobre 2020.  
Donald Trump travaille dans une suite présidentielle de l’hôpital Walter Reed, à Bethesda, dans la Maryland, samedi 3 octobre 2020.   (EYEPRESS NEWS / AFP)
Donald Trump travaille dans une suite présidentielle de l\'hôpital Walter Reed, à Bethesda, dans la Maryland, samedi 3 octobre 2020.  
Donald Trump travaille dans une suite présidentielle de l’hôpital Walter Reed, à Bethesda, dans la Maryland, samedi 3 octobre 2020.   (EYEPRESS NEWS / AFP)

Un traitement lourd pour un patient qui “va bien”

Dès vendredi, Sean Conley a communiqué sur le traitement administré au président. Dans un courrier, il indiquait que ce dernier avait pris une dose d’un traitement expérimental développé par la firme Regeneron réalisé à partir d’anticorps de synthèses. Il mentionnait également le Remdesivir, un traitement antiviral. Dimanche, le médecin a expliqué à la presse que le président avait reçu une deuxième dose de Remdesivir, sans que cela n’engendre d’effet secondaire. Surtout, il a ajouté que Donald Trump avait reçu samedi une dose de dexaméthasone, un corticoïde.

Ce traitement ne correspond pas à un cas “léger” de Covid-19, relève sur Twitter un journaliste du magazine spécialisé Science. Surtout la dexaméthasone, qui “a montré des résultats très prometteurs uniquement pour les patients gravement malades et dans un état critique”, selon l’OMS. De même, “le traitement avec corticostéroïde ne doit pas être utilisé chez des patients ne présentant pas de forme sévère” du Covid-19, poursuit le journaliste.

Craig Spencer, urgentiste à New York et professeur de santé publique à l’université de Columbia confirme, également sur Twitter, citant une étude sur cette molécule publiée en juillet dans la revue New England Journal of Medicine : “Nous n’avons trouvé aucun bénéfice chez les patients qui ne sont pas suppléés en oxygène”. Autrement dit : pourquoi prescrire de la dexaméthasone, du Remdesivir et un traitement expérimental à base d’anticorps de synthèse à un patient qui ne présenterait qu’une forme légère du Covid-19 ? “Je ne laisserai pas rentrer chez lui quelqu’un qui prend trois traitements dont un en intraveineuse. Bien sûr, il n’est pas un patient ordinaire et je ne doute pas qu’il puisse faire beaucoup de chose depuis la Maison Blanche”, a-t-il relevé, demandant la “transparence totale” sur l’état de santé du président.

Une litanie de questions sans réponse

Dès la fin de la conférence de presse de dimanche, sur Twitter, des médecins posent les questions restées sans réponse. Céline Gounder, médecin et consultante pour CNN, liste : “Les reins et le foie du président fonctionnent-ils normalement ? Sa fonction cardiaque est-elle normale ou s’améliore-t-elle ? A-t-elle été anormale ? Nous savons qu’il a passé une échographie. Etait-ce une échographie du cœur ?”

Jonathan Lemire, journaliste de l’agence AP qui suit la Maison Blanche, estime que Sean Conley n’a pas apporté de réponses suffisamment précises : “Quand on lui a demandé si le niveau d’oxygène du président était descendu sous 90, le docteur Conley a brièvement tourné autour du pot avant de dire qu’il n’avait jamais atteint ‘les 80′”. Ce qui ne répond pas à la question”, s’agace-t-il sur le réseau social.

Outre les doutes qui subsistent sur l’état de santé de Donald Trump, la presse et le corps médical s’interrogent aussi sur le contexte de la transmission de la maladie au président en campagne : “Quand le président a-t-il été testé positif pour la première fois ? A qui a-t-il été exposé ? Lui a-t-on donné le traitement expérimental de Regeneron dans l’espoir qu’il ne développe pas de symptômes ? De sorte à pouvoir cacher le diagnostic du président ?”, s’interroge encore Céline Gounder. Et de conclure : “En fait, à quel point est-il malade ?”

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