Corruption au Parlement européen et lien avec le Qatar : ce que l’on sait – Le HuffPost

Le Parlement européen lors de la cérémonie marquant son 70e anniversaire, le 22 novembre 2022.
AFP Le Parlement européen lors de la cérémonie marquant son 70e anniversaire, le 22 novembre 2022.

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Le Parlement européen lors de la cérémonie marquant son 70e anniversaire, le 22 novembre 2022.

INTERNATIONAL – Séisme dans la capitale belge. Une vaste opération anticorruption de la police belge au Parlement européen, en lien avec le Qatar, suscite depuis vendredi 9 décembre de très vives réactions à Bruxelles, où élus et ONG appellent désormais à débattre en urgence pour une amélioration des règles d’éthique au sein de cette grande institution de l’Union européenne.

Au total, cinq personnes ont été arrêtées vendredi à Bruxelles à l’issue d’au moins 16 perquisitions dans cette enquête sur des soupçons de versements d’argent « conséquents » par un pays du Golfe pour influencer les décisions des eurodéputés.

Eva Kaili dans le viseur des enquêteurs

Le dossier a pris une dimension supplémentaire quand a été confirmée l’identité de la cinquième personne interpellée vendredi soir : l’eurodéputée grecque et ex-présentatrice télé Eva Kaili. Devenue à 44 ans une figure importante de la social-démocratie dans son pays, elle est également vice-président du Parlement européen comme 13 autres élus.

La politicienne grecque et vice-présidente du Parlement européen Eva Kaili le 7 décembre lors de la cérémonie de remise du Prix du livre européen à Bruxelles.
AFP La politicienne grecque et vice-présidente du Parlement européen Eva Kaili le 7 décembre lors de la cérémonie de remise du Prix du livre européen à Bruxelles.

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La politicienne grecque et vice-présidente du Parlement européen Eva Kaili le 7 décembre lors de la cérémonie de remise du Prix du livre européen à Bruxelles.

Une fois son nom révélé, Eva Kaili a immédiatement été écartée du Parti socialiste grec (Pasok-Kinal). Le groupe Socialistes et Démocrates (S&D) du Parlement européen a par ailleurs annoncé sa suspension « avec effet immédiat ».

Ce samedi 10 décembre, une nouvelle sanction est tombée pour l’eurodéputée grecque, qui s’est vu retirer provisoirement les tâches que lui avait déléguées la présidente du Parlement européen Roberta Metsola. Parmi ces missions se trouvait notamment la représentation du Parlement européen dans la région Moyen-Orient.

« À la lumière des enquêtes judiciaires en cours menées par les autorités belges, la présidente Metsola a décidé de suspendre avec effet immédiat tous les pouvoirs, devoirs et tâches qui ont été délégués à Eva Kaili en sa qualité de vice-présidente du Parlement européen » , a ainsi annoncé un porte-parole de Roberta Metsola.

Ce samedi les auditions de cinq suspects se poursuivaient à Bruxelles, selon un porte-parole du parquet fédéral. Alors qu’un éventuel placement en détention provisoire par le juge d’instruction pourra être décidé dans un délai de 48 heures après l’interpellation, soit d’ici à dimanche soir au plus tard concernant la vice-présidente du Parlement européen.

« Valises » et « sacs de billets »

L’enquête du juge belge Michel Claise, ouverte dès mi-juillet, vise essentiellement des faits de « corruption » et de « blanchiment d’argent » en bande organisée, selon le parquet.

Dans le même temps, le journal belge L’Écho affirmait que « plusieurs sacs remplis de billets » ont été découverts au domicile bruxellois d’Eva Kaili, que la police a décidé de perquisitionner après avoir surpris le père de l’élue lui-même en possession d’une grosse quantité d’argent liquide dans « une valise ».

Selon des informations de presse confirmées à l’AFP, au moins trois suspects interpellés vendredi sont italiens ou d’origine italienne : l’ancien eurodéputé socialiste Pier-Antonio Panzeri, le secrétaire général de la Confédération syndicale internationale (CSI) Luca Visentini, ainsi que Francesco Giorgi, un assistant parlementaire du groupe S&D et compagnon d’Eva Kaili.

Outre les cinq en Belgique, deux interpellations ont également eu lieu Italie, d’après les agences de presse italiennes, identifiant l’épouse et la fille de Pier-Antonio Panzeri.

L’affaire fait grand bruit en raison de l’implication du Qatar. Le parquet fédéral n’a pas nommé directement le pays, mais une source judiciaire proche du dossier a confirmé à l’AFP qu’il s’agissait bel et bien de l’émirat, comme le révélaient déjà les médias Le Soir et Knack depuis vendredi.

La révélation de cette enquête éclate donc en plein Mondial-2022 de football, alors que le pays hôte doit déjà déployer de grands moyens pour défendre sa réputation décriée en matière de respect des droits humains et d’écologie. Une nouvelle ombre au tableau dont le petit État du Golfe persique se serait bien passé au moment d’entamer la dernière semaine de sa Coupe du monde.

L’obscur rôle du Qatar à Bruxelles

Eva Kaili s’était rendue début novembre au Qatar où elle avait salué en présence du ministre qatari du Travail les réformes de l’émirat dans ce secteur.

« Le Qatar est un chef de file en matière de droits du travail », avait aussi affirmé la Grecque le 22 novembre à la tribune du Parlement européen. Ces propos avaient suscité des remous dans les rangs de la gauche. De quoi faire réagir l’eurodéputée française Manon Aubry (gauche radicale) qui a dénoncé samedi « le lobbying agressif du Qatar », et exigé un débat sur le sujet la semaine prochaine à Strasbourg, où le Parlement se réunit en session plénière.

Parmi les faits reprochés au Qatar, son ingérence et son influence sur les décisions du Parlement européen en matière d’économie et de politique. Une influence discrète mais bien réelle permise grâce au versement de « grosses sommes d’argent ou en offrant des cadeaux importants à des tiers avec une position politique et/ou stratégique significative au sein du Parlement européen », comme le révèle un communiqué du procureur fédéral du royaume belge.

« Nous ferons tout ce qui est notre pouvoir pour coopérer avec la justice », a tweeté pour sa part la présidente du Parlement, la Maltaise Roberta Metsola.

Côté investigations, des téléphones et du matériel informatique saisis vendredi doivent être analysés. Par ailleurs, la police a déjà placé sous scellés des bureaux au sein du Parlement anciennement utilisés par Pier-Antonio Panzeri (qui siégea comme eurodéputé de 2004 à 2019) ou ses collaborateurs.

Comme le souligne Le Parisien, la révélation de cette enquête menée par cet ancien avocat et spécialiste des affaires financières et de blanchiment ne tombe pas de nulle part. Rendue publique depuis vendredi, l’enquête coïncide avec la journée internationale de lutte contre la corruption.

« Il ne s’agit pas d’un incident isolé », a réagi l’organisation Transparency international. « Depuis plusieurs décennies, le Parlement a laissé se développer une culture de l’impunité (…) et une absence totale de contrôle éthique indépendant ». Ce contrôle dans l’institution est « défectueux », a renchéri sur Twitter Alberto Alemanno, professeur de droit au Collège d’Europe à Bruges.

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