Coronavirus : pourquoi le bilan réel de l’épidémie en France est sans doute bien plus lourd – LaDepeche.fr

l’essentiel Si le bilan des contaminations et des décès dus au coronavirus en France s’alourdit chaque jour, il serait au final assez éloigné de la réalité, compte tenu du mode de recensement des victimes. Basé uniquement sur les chiffres hospitaliers, il exclut en effet notamment les décès en Ehpad et à domicile…

1 100 morts, 10 176 patients hospitalisés dont 2 516 en réanimation, 22 300 personnes contaminées… Ces chiffres donnent déjà le tournis. Or, le professeur Jérôme Salomon, directeur général de la santé, a été très clair ce mardi, tandis qu’il délivrait ce bilan : les chiffres nationaux annoncés quotidiennement depuis le début de l’épidémie de coronavirus ne prennent en compte que les patients pris en charges et décédés au sein des hôpitaux habilités à les recevoir. Avant d’ajouter une petite phrase qui fait froid dans le dos : “Les décès en milieu hospitalier ne représentent qu’une faible part de la mortalité” dans le pays.

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N’est donc notamment pas comptabilisé le nombre de morts survenues dans les Ehpad… Or, ces établissements se révèlent depuis quelques jours de véritables clusters (regroupements de cas), souvent à la faveur du manque criant de moyens en matériel adapté (masques, lunettes de protection, charlottes, surblouses, gel hydroalcoolique) dénoncé avec force par l’ensemble des personnels soignants. 

Hécatombe dans les Ehpad ?

Parmi les 7 000 Ehpad et maisons de retraite de France, qui hébergent au total 800 000 personnes âgées et donc vulnérables, plusieurs ont ainsi déjà payé un lourd tribut à la maladie, resté jusqu’ici hors statistiques : 21 résidents sont décédés dans un Ehpad de Cornimont (Vosges), 7 à l’Ehpad de Sillingy (Haute-Savoie), 5 dans celui de Mauguio (Hérault), 12 dans celui de Thise (Doubs), 13 à Saint-Dizier (Haute-Marne), 16 à l’Ehpad Rothschild de Paris… Ces exemples ne sont que la partie visible de l’iceberg, bon nombre de pensionnaires décédés dans ce type d’établissements n’étant par ailleurs pas testés post-mortem au Covid-19 et donc pas déclarés officiellement victimes de la pandémie.

Qui plus est, dans chacun des Ehpad endeuillés, des dizaines de personnes à risques ont également contracté le virus au contact des malades, ainsi que de nombreux personnels soignants, cette propagation laissant craindre une possible hécatombe dans les jours et semaines à venir.

“On ne sait pas aujourd’hui mesurer l’étendue des dégâts”

Dans un courrier adressé vendredi dernier au ministre de la Santé, Olivier Véran, les principales fédérations du secteur alertaient sur l’éventualité de “plus de 100 000 décès”. À ce stade déjà, “ça ne se compte plus en dizaines, mais en centaines de morts”, confirmait ainsi Dominique Chave, secrétaire général de l’Union fédérale santé privée, faisant le point sur ses remontées du terrain.

À l’Assemblée nationale, Olivier Véran a assuré ce mardi avoir donné des “instructions très claires aux agences régionales de santé (ARS) pour faire chaque jour l’état des lieux dans les différents Ehpad”.

Le résultat risque d’être douloureusement cruel. “On sait que rien qu’en Île-de-France, sur les 700 Ehpad, il y en a à peu près entre 100 et 150 qui pourraient être déjà touchés par le Covid-19, a déclaré sur France Info Frédéric Valletoux, président de la Fédération hospitalière de France. On ne sait pas aujourd’hui mesurer l’étendue des dégâts dans les maisons de retraite, il faut avoir la lucidité de le dire”, a-t-il insisté, évoquant “une zone d’ombre”. Néanmoins, “on a des témoignages de situations très tendues”, a-t-il ajouté.

Quid des décès à domicile ?

Ne sont donc pas comptabilisés non plus dans les bilans officiels les décès à domicile de personnes potentiellement atteintes du Covid-19 sans le savoir. Or, depuis l’entrée du pays en stade 3, le gouvernement a fait le choix de ne pas dépister systématiquement les cas les moins graves, ce qui, au final, peut aboutir à la fois à sous-évaluer le nombre de contaminations et à sous-estimer le nombre de décès dus à l’épidémie.

Il est en effet probable que beaucoup de personnes, par ailleurs atteintes d’autres pathologies ou de faiblesses immunitaires, aient fini par succomber à cause du Covid-19 et pas seulement de leurs maladies initiales. Là non plus, pas de dépistages post mortem ni d’autopsie, excepté lorsque les cas semblent suspects, par exemple lorsqu’il s’agit d’une personne jeune.

Fatalement, de nombreux décès échappent donc là encore aux statistiques. “Depuis plusieurs jours, affirme Michel Kawnik, président fondateur de l’Association française d’information funéraire, sur une vingtaine d’appels journaliers, deux à trois concernent des décès liés au Covid-19, dont les trois quarts se sont produits à domicile”. 

Comme nos voisins italiens et espagnols ?

Le professeur Salomon s’est engagé mardi à mettre en place dans les tout prochains jours “un suivi quotidien de la mortalité” dans l’ensemble des établissements pour personnes âgées. Il y a fort à craindre que les courbes nationales des décès et des contaminés, même si elles ne reflèteront pas encore complètement la réalité, vont continuer de grimper en flèche.

La France est malheureusement sans doute moins loin qu’elle ne le pense de la situation dramatique de ses voisins italiens (près de 70 000 contaminés et 6 800 morts) et espagnols (près de 48 000 contaminés et 3 500 morts), deux pays où le nombre de tests au Covid-19 réalisés quotidiennement est, depuis l’arrivée de l’épidémie sur le sol européen, effectué à bien plus grande échelle que dans le nôtre. Ce qui devrait changer dans les jours qui viennent, puisque le directeur général de la santé a annoncé mardi que “de 9 000, le nombre de tests devrait passer à 29 000 par jour d’ici à la fin de la semaine prochaine”.

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