Coronavirus : on vous explique la polémique autour du vaccin que Sanofi veut livrer “en premier” aux Etats-… – franceinfo

Paul Hudson, le patron du groupe pharmaceutique français, a estimé que les Etats-Unis seraient prioritaires pour bénéficier du vaccin, en raison des efforts financiers du gouvernement américain dans la recherche. Ces propos ont déclenché de vives réactions au sein de la classe politique.

Les Etats-Unis “obtiendront les vaccins en premier”. En lâchant cette petite bombe, mercredi 13 mai, le directeur général du groupe français Sanofi a déclenché un flot de réactions indignées.

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Alors que le monde entier cherche un remède pour stopper l’épidémie de coronavirus, Paul Hudson a justifié cette priorité donnée aux Etats-Unis par les efforts financiers du gouvernement américain dans la recherche pour un vaccin, qui pourrait être prêt d’ici 18 à 24 mois.

Qu’a déclaré le patron de Sanofi ?

Le gouvernement américain “a le droit aux plus grosses précommandes” de vaccins, a déclaré le patron du groupe Sanofi, Paul Hudson. Dans un entretien à l’agence Bloomberg (en anglais), il explique que les autorités américaines ont pris leur part de risque en investissant aux côtés du géant pharmaceutique. Selon lui, l’avance des Etats-Unis dans l’obtention du vaccin pourrait être de quelques jours ou quelques semaines sur le reste du monde. 

Le Britannique, qui a pris ses fonctions en septembre 2019 à la tête du groupe français, a justifié ses propos en se plaçant du point de vue de Washington, résumant ainsi les attentes des Américains : “Si nous prenons des risques pour vous aider à fabriquer les doses, nous nous attendons à obtenir les doses en premier.”

Concrètement, qu’ont fait les Etats-Unis pour mériter une telle faveur ? Dans cette interview à Bloomberg, Paul Hudson loue le “modèle” de collaboration que Sanofi a noué avec la Barda, l’autorité sanitaire américaine chargée de la recherche biomédicale, qui a versé 30 millions de dollars à un programme de recherche de vaccin mené par Sanofi.

Pourquoi cela fait-il polémique ?

“Pour nous, ce serait inacceptable qu’il y ait un accès privilégié de tel ou tel pays sous un prétexte qui serait un prétexte pécuniaire”, a réagi la secrétaire d’Etat à l’Economie Agnès Pannier-Runacher sur Sud Radio. D’autant que Sanofi, premier groupe pharmaceutique français, n’est pas le dernier à bénéficier de l’argent public, comme le soulignent des personnalités de tous bords politiques.

Chaque année, selon les syndicats, Sanofi touche en effet “110 à 130 millions d’euros” de la part de l’Etat au titre du crédit impôt recherche et du crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE), cet allègement fiscal controversé mis en place sous François Hollande.

Les détracteurs du groupe pharmaceutique soulignent également que les recettes de Sanofi en France dépendent largement de ses ventes de médicaments remboursés par l’Assurance maladie, et donc payés indirectement par la solidarité nationale.

Cette nouvelle polémique n’arrange pas le cas de Sanofi, critiqué à de nombreuses reprises ces dernières années pour avoir mis en place plusieurs plans de licenciements et d’importantes restructurations malgré ses bénéfices. Sanofi a d’ailleurs annoncé récemment le versement de 4 milliards d’euros à ses actionnaires. Le groupe est également mis en examen pour “tromperie aggravée” et “blessures involontaires” dans l’affaire de la Dépakine, un anti-épileptique responsable de malformations et de troubles neurodéveloppementaux.

Comment le groupe tente-t-il de rassurer ?

Quelques heures après la sortie de son directeur général, Sanofi a tenté de rassurer dans un communiqué. “Sanofi dispose d’un ancrage industriel diversifié et international. Nous avons des capacités de production aux Etats-Unis, en Europe, notamment en France, et ailleurs dans le monde. La production sur le sol américain sera principalement dédiée aux Etats-Unis et le reste de nos capacités de production sera alloué à l’Europe, à la France et au reste du monde”, précise le groupe. “Nous nous sommes toujours engagés à ce que dans ces circonstances sans précédent, notre vaccin soit accessible à tous”, ajoute le laboratoire.

“Evidemment, si Sanofi découvre un vaccin efficace contre le Covid-19, il sera accessible à tous”, a assuré Olivier Bogillot, patron de Sanofi France, sur franceinfo. “Les Américains et les Européens l’auront en même temps. (…) Pour moi, le débat est clos : le vaccin, s’il est découvert, sera mis à disposition des patients français”, a-t-il ajouté sur BFMTV.

L’Europe doit-elle s’inquiéter ?

Malgré ce léger rétropédalage, l’annonce du groupe sonne comme un coup de semonce pour l’Europe. “Les Américains sont efficaces en cette période. Il faut que l’UE soit aussi efficace en nous aidant à mettre à disposition très vite ce vaccin”, a d’ailleurs déclaré Olivier Bogillot.

Fin avril, Paul Hudson, cité par L’Usine nouvelle (article réservé aux abonnés), avait regretté le manque de coopération européenne et d’engagement de la Commission européenne dans la recherche d’un vaccin. “Il n’y a personne d’autre que nous et GSK pour le faire en Europe”, alertait-il. Sanofi s’est en effet allié à son grand rival, le britannique GlaxoSmithKline, pour mener à bien l’un de ses deux projets de recherche sur un vaccin. C’est ce projet qui bénéficie du soutien financier de l’administration américaine.

“On sait bien que, quand on va sortir le vaccin, c’est faux de dire qu’il y en aura pour tout le monde. Evidemment qu’il va y avoir une file d’attente !” s’inquiète l’eurodéputé écologiste Yannick Jadot, qui appelle l’Europe à “se doter d’une souveraineté en matière de médicaments”.

Dans le communiqué transmis mercredi soir, Sanofi salue “des avancées encourageantes depuis plusieurs semaines par la mobilisation de la Commission européenne pour envisager des mesures similaires et accélérer le développement des vaccins et la mise à disposition des citoyens européens”, et “des discussions très constructives avec les institutions européennes ainsi qu’avec les gouvernements français et allemand”.

La Commission européenne réfléchit ainsi à mobiliser un fonds d’urgence de 2,4 milliards d’euros pour renforcer la capacité des laboratoires pharmaceutiques en Europe, selon un document interne relayé par l’agence Reuters. Reste à savoir si cela suffira à éviter que le Vieux Continent ne se retrouve démuni lorsqu’un vaccin contre le Sars-CoV-2 aura été trouvé.

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