Coronavirus : « L’objectif est d’éviter à tout prix un nouveau confinement généralisé » – Le Monde

Devant « La Joconde » de Léonard de Vinci, au Musée du Louvre, à Paris, le 6 juillet.

« Nous sommes à la merci d’une reprise de l’épidémie [de Covid-19] en France », a alerté dans un entretien au Monde, jeudi 9 juillet, le président du conseil scientifique, le professeur Jean-François Delfraissy. Le premier ministre, Jean Castex, avait fait savoir, la veille, que l’exécutif se préparerait à une éventuelle deuxième vague dans le pays.

De quelles informations dispose-t-on sur une potentielle reprise de l’épidémie en France ? Comment le gouvernement s’y prépare-t-il ? Quels scénarios sont envisagés ? Chloé Hecketsweiler, journaliste au service santé du Monde, a répondu à vos questions.

Laure : Si deuxième vague il y a, risque-t-on un second confinement, ou les mesures seront-elles plus légères à cause de la crise économique ?

Chloé Hecketsweiler : L’objectif de l’exécutif est d’éviter à tout prix un nouveau confinement généralisé. En revanche, des mesures de confinement ciblé sont envisagées : pour certains territoires ou certaines populations.

Dans l’entretien qu’il nous a accordé, hier, le président du conseil scientifique, Jean-François Delfraissy, a rappelé que l’âge était le principal facteur de risque pour les formes graves de Covid-19. Il a appelé les « anciens » à se protéger pour que le reste de la population puisse continuer à participer à la vie du pays. Selon lui, il s’agit cependant d’un « choix citoyen », rien ne doit être imposé.

Marre, vraiment : Pourquoi le gouvernement et le conseil scientifique ne souhaitent pas un port du masque obligatoire pour toute la population ? La « responsabilisation des Français » est constamment évoquée, et pourtant j’observe très peu de masques et de distance sociale partout où je vais.

Le port du masque est obligatoire dans les transports en commun et recommandé dans tous les lieux publics ou la distanciation physique n’est pas possible. Cette obligation est bien respectée dans le métro parisien par exemple, mais semble, elle, plus difficile à faire appliquer dans les commerces.

Les recommandations des autorités pourraient évoluer car les scientifiques s’inquiètent d’une possible transmission aérienne du virus. Des expériences ont montré qu’une personne ne portant pas de masque pouvait émettre des microgouttelettes, susceptibles de rester en suspension dans l’air, et de circuler bien au-delà d’un mètre.

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Précautionneuse : Pourquoi parle-t-on d’une résurgence à l’automne, et non avant ?

La saisonnalité du SARS-CoV-2 n’est pas établie, et il semble très bien s’adapter aux températures estivales, donc une reprise épidémique pendant l’été est possible. Les « clusters » détectés en France, mais aussi dans d’autres pays européens montrent que le virus circule toujours et qu’il ne faut pas baisser la garde. Au-delà de cette reprise possible, les scientifiques craignent une deuxième vague à l’automne par analogie avec la grippe saisonnière, mais il n’y a aucune certitude.

Perplexe : Est-il vrai que le virus serait moins dangereux en été ? Et dans ce cas ne vaut-il pas mieux le laisser circuler avant l’automne ?

Le virus n’est pas plus ou moins dangereux l’été, mais sa circulation peut ralentir. Il y a encore beaucoup d’incertitudes concernant sa saisonnalité, toutefois on observe aux Etats-Unis une reprise épidémique forte, notamment au Texas, où il fait plus de 35 °C dans la journée. La ville de Houston, réputée pour la qualité de ses hôpitaux, est ainsi complètement débordée, et n’arrive plus à faire face à l’afflux de patients graves en réanimation.

Aurore : Le virus a-t-il évolué ?

Une étude publiée le 2 juillet dans la prestigieuse revue Cell, indique que le SARS-CoV-2 a bien évolué. La principale souche qui circule dans le monde est plus infectieuse mais pas plus dangereuse. Ces recherches sont fondées sur l’analyse des séquences génétiques du virus, à partir d’échantillons prélevés dans le monde entier. Des dizaines de milliers de séquences ont été partagées par les chercheurs depuis le début de l’épidémie.

Orion : Peut-on considérer que l’Europe – et la France – soit parvenue à maîtriser l’épidémie sur son sol ?

L’épidémie a marqué le pas en France et en Europe, mais l’émergence de clusters montre bien la nécessité de maintenir des mesures de contrôle contraignantes. Le dépistage systématique des cas et de leurs contacts est indispensable pour casser les chaînes de contamination dès qu’elles apparaissent.

Yanis : Quelle est la situation aujourd’hui en France en termes de nombres de cas/clusters identifiés, et dans quelles régions ?

Selon le dernier point épidémiologique de Santé publique France, daté du 2 juillet, 304 clusters ont été identifiés depuis le déconfinement. « Le nombre hebdomadaire de clusters signalés est stable sur les quatre dernières semaines », est-il précisé. Ils sont disséminés dans toute la France, avec des concentrations plus importantes en région parisienne. Je vous invite à regarder la carte réalisée par Santé publique France pour davantage de détails.

Michaël : J’ai entendu des discours indiquant que la France était davantage préparée à affronter une deuxième vague. Comment peut-on affirmer une chose pareille sans traitement connu, ni vaccin disponible ?

La France est davantage prête pour différentes raisons : la population a en partie adapté son comportement (port du masque, distanciation physique, etc.) et des outils sont en place pour éviter une diffusion incontrôlée du virus (dépistage, contact tracing).

Par ailleurs, différents indicateurs ont été développés pour suivre au quotidien l’évolution de la situation : une base de données avec tous les résultats de tests doit notamment permettre de repérer une inflexion de la courbe épidémique. Enfin, même s’il n’existe aucun traitement spécifique, les médecins connaissent bien mieux la maladie et ont développé des protocoles de prise en charge plus adaptés.

Totor92 : A-t-on aujourd’hui identifié des « signaux faibles » qui indiqueraient une possible reprise de l’épidémie ?

Le virus continue de circuler, mais tous les indicateurs sont au vert. Le nombre de personnes hospitalisées en réanimation continue de baisser, et à l’exception de certains départements l’incidence de la maladie semble se stabiliser en France.

André : Pourquoi les tests de sérologie ne sont-ils pas suffisamment mis en avant alors qu’ils permettraient de faire de la pédagogie sur l’importance des gestes barrières, a fortiori pour un test négatif ? Ils sont déjà considérés par les autorités sanitaires, mais uniquement pour un diagnostic de rattrapage.

Les autorités ont beaucoup changé de « doctrine » concernant les tests sérologiques, ce qui soulève beaucoup d’interrogations sur leur utilisation. Il a d’abord été suggéré que ces tests pourraient être utilisés pour savoir qui était protégé et qui ne l’était pas, puis cette hypothèse a été écartée car on ne sait finalement pas quel niveau d’anticorps protège d’une seconde infection et pour combien de temps.

Aujourd’hui, ils sont utilisés comme diagnostic de rattrapage, mais avec un objectif peu clair, et avec la crainte que les personnes « immunisées » abandonnent toute précaution.

Egout : On parle du Covid-19 retrouvé dans les égouts de Paris. A-t-on pu en comparer la quantité par rapport aux périodes du confinement ? Est-il possible d’en tirer une approximation du nombre de cas actuel ? Les égouts d’autres villes sont-ils testés ?

L’analyse des eaux usées est un indicateur intéressant pour détecter une possible reprise épidémique mais les virologues sont très prudents sur l’interprétation de ces données, car les méthodologies doivent encore être affinées. L’agence régionale de santé d’Ile-de-France, la Ville de Paris et les entreprises chargées du traitement des eaux usées sont en discussion pour déployer des capteurs à des endroits bien précis.

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L’idée est à la fois d’avoir une surveillance globale de la ville, mais aussi des signaux d’alerte sur ce qui peut se passer dans tel ou tel quartier.

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