Coronavirus : “le risque d’une deuxième vague doit être considéré”, selon le président du Conseil scientifique – Sud Ouest
Après Jérôme Salomon, le directeur général de la Santé, c’était au tour du professeur Jean-François Delfraissy de passer devant la commission d’enquête parlementaire destinée à “tirer les leçons” de la crise du coronavirus.
Ce mercredi matin, le président du Conseil scientifique, créé pour aider le gouvernement à gérer la crise sanitaire, est revenu sur plusieurs décisions, comme le confinement, mais aussi sur l’éventualité d’une deuxième vague en France. Il était entouré de trois autres membres de cet organe : Arnaud Fontanet, Bruno Lina et Lila Bouadma. Voici ce qu’on peut en retenir.
Une prise de conscience tardive
Devant la commission, l’immunologue le reconnaît lui-même : il a mis du temps à prendre conscience de la gravité de la crise, “aux alentours du 20 février”. Ce jour-là, Jean-François Delfraissy participe à une réunion à l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) et est marqué par l’attitude des représentants de la Chine, d’où est partie l’épidémie de coronavirus en décembre 2019. “J’avais été frappé par le fait que les Chinois ne disaient rien et que donc, s’ils ne disaient rien, c’est qu’ils nous masquaient quelque chose.” C’est aussi à ce moment-là qu’il prend connaissance des données italiennes et de celles des services de réanimation.
J.-F. Delfraissy “reconnaît volontiers” n’avoir “pris conscience de la gravité de la crise que relativement tardivement, vers le 20 février”
> Après une réunion à l’OMS, “j’avais été frappé que les Chinois ne disaient rien et donc qu’ils nous cachaient des choses”#DirectAN pic.twitter.com/HaFUAAZUhe— LCP (@LCP) June 18, 2020
Confinement : “Je n’ai pas dormi pendant 3–4 nuits”
Le président du Conseil scientifique a également évoqué la difficile décision du confinement décrété à partir du 17 mars en France. “On était dans quelque chose qui nous a nous-mêmes sidérés”, confie Jean-François Delfraissy qui s’interroge : “Comment on aide à prendre une décision aussi difficile ?”
Devant la commission d’enquête, il admet volontiers n’avoir pas “dormi pendant trois-quatre nuits à la suite de ça. […] C’est quelque chose de très difficile d’aider à prendre cette décision en notre âme et conscience.”
Mise en place du confinement : “Je n’ai pas dormi pendant trois-quatre nuits à la suite de ça. C’est aucune certitude. C’est quelque chose de très difficile pour aider à prendre cette décision en notre âme et conscience”, assure J.-F. Delfraissy.#DirectAN #COVID19 pic.twitter.com/53dNRsZjNh
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“On n’avait pas le choix”
Arnaud Fontanet, épidémiologiste et membre du Conseil scientifique, est aussi revenu sur la décision du confinement. Pour lui, “on n’avait pas le choix”.
Dans le Grand-Est comme dans les hôpitaux du nord de Paris, on avait vu affluer des patients dans un nombre tout à fait inhabituel et avec des formes cliniques extrêmement sévères qui nous montraient qu’une situation grave était en développement.”
Vague de malades graves, expérience italienne… “Le confinement, à la date où la décision a été prise, on n’avait pas le choix”, confirme Arnaud Fontanet.#DirectAN #COVID19 pic.twitter.com/STLNpqD85U
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Avoir plus de tests n’aurait pas empêché le confinement
Même si la France avait pu réaliser davantage de tests de dépistage du coronavirus début mars, cela n’aurait pas évité la nécessité d’un confinement généralisé, d’après Arnaud Fontanet. Les seuls pays qui ont “réussi à maîtriser” l’épidémie “sans confinement” l’ont fait “grâce à toute une série de mesures” et “pas seulement les tests”, a déclaré l’épidémiologiste.
“On a demandé qu’il y ait plus de tests” mais “il faut voir la réalité de ce qu’on avait la capacité de faire”, a observé de son côté Jean-François Delfraissy, estimant que même avec une stratégie de dépistage plus active “de toute façon nous aurions eu la pandémie en France”.
Le virologue Bruno Lina a pour sa part estimé que l’impossibilité de réaliser davantage de tests était liée à des difficultés d’approvisionnement dans un contexte d’explosion de la demande mondiale, plutôt qu’à des lenteurs ou une mauvaise organisation des laboratoires français.
Test PCR: “Une des difficultés auxquelles on a été confronté dans le déploiement de ce test c’est que pour utiliser ces tests il faut des outils que la plupart des laboratoires de diagnostic n’ont plus, parce qu’ils ont des automates” explique le virologue Bruno Lina#DirectAN pic.twitter.com/te3gkk0INO
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Un risque de deuxième vague
Devant la commission, Jean-François Delfraissy a assuré qu’une deuxième vague du coronavirus n’était pas impossible cet hiver. L’immunologue prend en considération l’évolution du Covid-19 dans l’hémisphère sud où le virus fait des ravages, notamment au Brésil.
On considère que le risque d’une vraie deuxième vague venant de l’hémisphère sud vers le Nord, et notamment l’Europe, fin octobre, en novembre ou en décembre, est un risque qui doit être considéré.”
Le président du Conseil scientifique a précisé avoir communiqué sa position au gouvernement. “Il faut se préparer”, ajoute-t-il pour éviter de connaître à nouveau la même situation qu’en mars. Enfin, d’après lui, en cas de seconde vague, “un confinement généralisé ne serait ni possible ni souhaitable. Il ne serait pas accepté par les Français.” Il préconise plutôt un confinement “partiel” pour les seniors et les personnes à risque.
“L’ensemble du conseil scientifique considère que le risque d’une vraie deuxième vague, venant de l’hémisphère sud, est un risque qui doit être considéré”, met en garde J.-F. Delfraissy. Il juge qu’un 2ème confinement généralisé ne serait ni souhaitable ni accepté.#DirectAN pic.twitter.com/1ZR85V1aiO
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Concernant cette seconde vague, l’Académie de médecine est aujourd’hui dans le flou. Pour Gérard Dubois, l’un de ses membres interrogé par France Info, il y aura bien une résurgence de cas à un moment donné. Mais impossible d’en savoir plus. “Mi-août, septembre, décembre ? Il (NDLR : le coronavirus) va nous revenir dessus mais il n’est pas certain que la vague soit plus petite ou plus grande.”