Coronavirus : le pari de la prise de conscience citoyenne – Le Monde

Editorial du « Monde ». Face à la croissance exponentielle de l’épidémie de Covid-19 en France, Emmanuel Macron a dû se résoudre, lundi 16 mars, à opter pour des mesures de confinement, comme l’ont déjà fait en Europe les gouvernements italien et espagnol. Le président de la République, qui avait laissé se dérouler, dimanche, le premier tour des élections municipales, faute de consensus pour l’annuler, a cette fois pris la mesure de la gravité de la crise. Le second tour, qui devait avoir lieu dimanche prochain, est reporté.

« Nous somme en guerre », a-t-il répété six fois, en empruntant à Georges Clemenceau, le « Père la victoire », le vocabulaire mobilisateur qui sied aux périodes historiques. Et pourtant, à aucun moment dans l’intervention présidentielle, le mot « confinement » n’a été prononcé. Emmanuel Macron a préféré annoncer aux Français que dès mardi « midi et pour quinze jours au moins, nos déplacements ser[aient] très fortement réduits », comme s’il ne voulait pas complètement endosser l’habit du premier policier de France.

C’est Christophe Castaner qui a été chargé, quelques heures plus tard, de détailler le dispositif retenu. Le ministre de l’intérieur a eu moins de pudeur. Oui, il s’agit bien d’un confinement, dont le respect sera contrôlé par les forces de l’ordre – 100 000 policiers et gendarmes seront mobilisés pour effectuer des contrôles sur des points fixes et mobiles. Toute personne sortant dans la rue devra se munir d’une attestation sur l’honneur pour justifier le motif de son déplacement.

En cas de violation des règles édictées, l’amende sera de 38 euros, mais pourra à terme être portée à 135 euros. Le dispositif se veut à la fois sévère et souple, car, si le mot d’ordre est clair – « Restez chez vous ! » –, des déplacements resteront autorisés lorsque le télétravail est impossible ou pour des achats de première nécessité, des visites au médecin, la garde des enfants, le soutien aux personnes vulnérables et même l’exercice physique pourvu qu’il soit pratiqué à titre individuel. « L’objectif n’est pas de sanctionner, mais nous le ferons s’il le faut », a résumé Christophe Castaner, en appelant de ses vœux un « civisme collectif » qui tarde pourtant à se manifester.

A plusieurs reprises dans son intervention, Emmanuel Macron a dénoncé l’insouciance coupable de ceux qui se rassemblaient encore dimanche dans « les parcs ou des marchés bondés », sans prendre conscience qu’ils mettaient en danger leur vie et celle des autres. Le président de la République a aussi souligné « les phénomènes de panique en tous sens » qui se traduisent, ces derniers jours, par de longues files d’attente devant les magasins et la mise à nu de rayons entiers dans les supermarchés. Mais, face à ces comportements inciviques, Emmanuel Macron a préféré actionner la corde de la responsabilité individuelle plutôt que celle de l’Etat autoritaire, en s’appuyant sur l’héroïsme des personnels de santé et les ressorts de l’Etat-providence qui ne laissera personne sur le carreau.

Tabler sur la lente prise de conscience citoyenne est un pari. Tous les professionnels de santé le disent : une course de vitesse est engagée contre la maladie et la mort. Pour ne pas submerger les services de santé et pour diminuer le nombre de contaminations, il est impératif que les mesures de confinement soient immédiates, massives et durent le temps qu’il faut. La conclusion est claire : si la pédagogie ne suffit pas, il faudra rapidement changer de registre.

Le Monde

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