Coronavirus. Le Covid-19 est-il « très dangereux » ? – Ouest-France

« Nous sommes à un moment décisif. Si vous agissez maintenant de manière agressive, vous pouvez endiguer ce coronavirus. Mon conseil est d’agir rapidement », a déclaré le Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus, jeudi 27 février, en conférence de presse. Le chef de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a insisté en qualifiant de « très dangereux » le coronavirus apparu en décembre 2019 dans la province chinoise du Hubei.

Quelques heures plus tard, le bilan français communiqué par le ministère de la Santé a doublé, passant de 18 cas, à 38. Depuis, trois premiers cas ont été confirmés dans l’Ouest, à Nantes, Brest et Rouen, alors que le prochain bulletin officiel des autorités est attendu dans la soirée de ce vendredi 28 février.

La France se rapproche petit à petit de la situation de l’Italie, où ce nouveau coronavirus a déjà contaminé plus de 600 personnes et fait 17 morts, avec des chaînes de transmission du nouveau virus sur son territoire. Mais « très peu de cas restent sans explication », a insisté, jeudi, le directeur général de la Santé Jérôme Salomon.

Face à ces chiffres qui bondissent, une question revient : ce virus, que l’on appelle Covid-19, est-il grave ? En somme, faut-il vraiment s’inquiéter ? Ouest-France fait le point sur ce que l’on sait et ce qu’on l’ignore encore à ce stade, afin de vous aider à y voir plus clair.

Un taux de mortalité supérieur à la grippe, mais inférieur au Sras

Selon les derniers chiffres compilés dans la carte en temps réel de l’université américaine Johns-Hopkins, plus de 83 707 cas étaient confirmés pour 2 858 décès, ce vendredi 28 février à 12 h. Le gros des victimes se situe en Chine : 78 497 cas pour 2 784 morts.

Cela donne un taux de mortalité d’environ 3,5 %. C’est moins que le Sras, également apparu en Chine. Ce syndrome respiratoire avait contaminé 8 098 personnes entre 2002 et 2003 et tué 774 personnes, soit un taux de mortalité d’environ 9,6 %. Mais c’est plus que la grippe saisonnière, dont le taux de mortalité est inférieur à 0,5 %.

Doit-on pour autant en déduire que le Covid-19 est moins dangereux que le Sras et plus que la grippe ? Rien n’est moins sûr car le Sras a fait moins de victimes et la grippe saisonnière en fait beaucoup plus. En moyenne, elle tue 10 000 Français et Françaises chaque année. Et les méthodes de calcul du taux de mortalité ne sont pas tout à fait les mêmes entre le Covid-19 et la grippe saisonnière.

Il faut aussi noter que la dangerosité d’une maladie ne dépend pas seulement du taux de mortalité, mais aussi de sa faculté à se répandre plus ou moins largement. « Même si seuls 3 % des cas décèdent, ça peut faire des chiffres importants si 30 % ou 60 % d’une population sont infectés », illustre le Dr Simon Cauchemez, de l’Institut Pasteur à Paris. Les estimations globales de taux de mortalité doivent d’ailleurs être prises avec prudence car on ignore combien de personnes sont réellement infectées. Si certaines ont été infectées mais pas détectées, mathématiquement, cela diminue le taux de mortalité.

Une maladie bénigne dans 80 % des cas et qui épargne les plus jeunes

Les analyses du Centre chinois de contrôle et prévention des maladies sur 72 314 premiers cas confirmés dans le pays montrent aussi des tendances plus fines : la maladie est bénigne dans 80,9 % des cas, « grave » dans 13,8 % des cas et « critique » dans 4,7 % des cas. La dangerosité du virus augmente avec l’âge et les plus de 80 ans sont les plus à risque, avec une mortalité de 14,8 %. « Les études rapportent des cas sévères sur des gens de plus 50 ans avec le coronavirus, ce qui est très rare pour la grippe », complète dans le journal Le Parisien la docteure Sibylle Bernard-Stoecklin, de Santé publique France.

Les patients déjà atteints de maladies cardiovasculaires sont les plus menacés par une issue fatale, devant les diabétiques ou les personnes souffrant de maladies respiratoires chroniques ou d’hypertension. C’est qui s’est passé pour les deux personnes mortes en France : le touriste chinois de 80 ans décédé le 14 février et l’enseignant français de 60 ans décédé cette semaine. « Les deux avaient soit une co-morbidité, soit une autre pathologie », a souligné face à Emmanuel Macron le professeur Éric Caumes, chef de service des Maladies Infectieuses et Tropicales, à l’hôpital parisien de la Pitié Salpêtrière, lors de la visite du président jeudi. « Les malades qui meurent en Italie ont souvent 80 ans, des cancers ou d’autres pathologies », ajoute-t-il dans une interview au Parisien .

À l’inverse, les enfants font partie des moins menacés par ce nouveau coronavirus et ses complications. « Ils sont épargnés pour les formes graves. Et on compte peu de cas graves chez les jeunes de moins de 20 ans » quand « la grippe provoque parfois des complications importantes chez les moins d’un an », note la docteure Sibylle Bernard-Stoecklin.

Un niveau de contagion équivalent au Sras et au rhume

Les spécialistes semblent s’accorder sur le fait que chaque malade infecterait entre deux et trois personnes en l’absence de mesures de contrôle (ce qu’on appelle dans le jargon médical le « taux de reproduction de base » de la maladie, ou R0). C’est plus que la grippe (1,3) et comparable au Sras (3) et au rhume (2). Mais faible si l’on regarde du côté de maladie très contagieuse comme la rougeole (plus de 12) et les rotavirus à l’origine de la gastro (environ 18).

Certains mettent cependant en garde sur une sous-estimation possible du nombre de cas. Des chercheurs de l’Imperial College de Londres ont estimé le 21 février « qu’environ les deux tiers des cas de Covid-19 sortis de Chine sont restés indétectés au niveau mondial, avec pour résultat potentiel de multiples chaînes non-détectées de transmission humaine hors de Chine ». Dans d’autres travaux parus lundi, une équipe anglo-américaine estime que « plus de la moitié des personnes infectées échappe au dépistage ».

« Une des difficultés que pose ce virus, c’est le fait qu’il y a […] tout un spectre de manifestations cliniques », dont des formes légères, explique Daniel Lévy-Bruhl, de l’agence sanitaire française Santé publique France. Les personnes qui ne présentent que peu de symptômes peuvent donc passer hors des radars.

Sans parler des malades encore moins détectables : ceux qui ne développent aucun symptôme. Les scientifiques jugent toutefois que leur poids dans la propagation de la maladie est sans doute limité. « Peut-être (que ces personnes) y contribuent un petit peu, en tout cas certainement moins que quelqu’un qui éternue, qui tousse », commente le Dr Lévy-Bruhl.

En outre, la période d’incubation, qui sépare l’infection et l’apparition des symptômes, est relativement longue et sujette à discussion. Ce qui n’aide pas non plus à détecter facilement la maladie. Elle est estimée « entre un et 14 jours » par l’OMS, selon qui le cas le plus fréquent est « autour de cinq jours ». Mais sur la base de certains cas, des experts chinois ont estimé que la durée d’incubation pouvait aller jusqu’à 24 voire 27 jours. Cette hypothèse laisse pour l’heure les autres scientifiques sceptiques.

Un coronavirus parmi d’autres

Cette difficulté de détection inhérente aux symptômes du Covid-19 est à double tranchant : les gens qui n’ont pas de formes graves sont tentés de se précipiter dans les hôpitaux pour se faire dépister, augmentant les risques d’épidémie. « Aujourd’hui, on nous épuise avec des gens qui ont le nez qui coule alors que leur présence à l’hôpital peut contaminer des personnes plus fragiles », constate le professeur Éric Caumes dans son interview au Parisien.

Or, « le Covid-19 n’est qu’un coronavirus de plus », dédramatise-t-il. Même son de cloche à l’Institut Méditerranée Infection, à Marseille. « Depuis le début de l’année nous n’avons toujours pas détecté le moindre Covid-19 ici, mais nous avons diagnostiqué 2 500 infections virales au total, dont 500 coronavirus, d’autres souches. Et au total nous avons eu 16 morts, dont trois de la grippe, sans que cela ne dérange personne », glisse le directeur Didier Raoult.

Pour rappel, le Covid-19 se transmet essentiellement par voie respiratoire et par contact physique. La transmission par voie respiratoire se fait dans les gouttelettes de salive expulsées par le malade, quand il tousse. Les scientifiques estiment que cela nécessite une distance de contact rapprochée. Il faut donc garder une distance minimale de sécurité d’environ un mètre avec une personne infectée.

Afin de se prémunir d’une contamination, les autorités sanitaires insistent sur l’importance d’autres mesures-barrière : se laver les mains fréquemment, tousser ou éternuer dans le creux de son coude ou dans un mouchoir jetable, et porter un masque si on est malade. Reste la question du traitement…

Ni vaccin, ni médicament

C’est une donnée importante pour cerner la dangerosité du coronavirus : son remède. Il n’existe ni vaccin ni médicament contre le coronavirus. La prise en charge consiste seulement à traiter les symptômes, comme la fièvre et les difficultés respiratoires. Certains patients se voient malgré tout administrer des antiviraux ou d’autres traitements expérimentaux, dont l’efficacité est en cours d’évaluation.

Un traitement contre le paludisme, la chloroquine, a notamment montré des signes d’efficacité, selon une étude préliminaire menée en Chine. La chloroquine est un anti-paludique peu cher utilisé depuis plusieurs décennies et commercialisé notamment sous le nom de Nivaquine. Mais plusieurs experts appellent à la prudence en l’absence d’études plus poussées et en raison de ses effets indésirables qui peuvent être graves.

« Il faut faire attention car la chloroquine […] a un certain nombre d’effets indésirables […], affections du système immunitaire, affections gastro-intestinales, nausées, vomissements, des troubles au niveau hépatique voire hématologique », avertit le professeur Jean-Paul Giroud, l’un des spécialistes les plus reconnus en pharmacologie et membre de l’Académie nationale de Médecine. C’est « un produit important contre le paludisme mais cela ne signifie pas pour autant qu’il faut l’utiliser contre n’importe quelle infection sans avoir la sécurité que ce produit entraîne une amélioration », ajoute-t-il, notant le manque de données de l’étude chinoise.

Mercredi 26 février dans la soirée, le numéro 2 du ministère français de la Santé, Jérôme Salomon, en a rajouté une couche au cours du point presse hebdomadaire du ministère. « Aujourd’hui, la communauté scientifique n’est pas très convaincue. Ce qui ne veut pas dire qu’il ne faut pas s’y intéresser », a-t-il dit, mais avec des recherches bien plus poussées.

Quand aura-t-on alors un véritable vaccin ? « Nous espérons disposer d’un candidat-vaccin en phase préclinique d’ici à huit mois », estimait fin janvier Christophe d’Enfert, directeur scientifique de l’Institut Pasteur. « Le vaccin est quelque chose sur le long terme, car cela pourrait prendre jusqu’à 12 ou 18 mois. C’est se préparer à la pire des situations », a commenté de son côté, le directeur général de l’OMS.

Partager cet article Un technicien dans un laboratoire à Wuhan, dans la province chinoise du Hubei, où le virus s’est déclaré, le 6 février 2020.

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