Coronavirus en Italie : cinq minutes pour comprendre le confinement total de la péninsule – Le Parisien

« Toute l’Italie sera une zone protégée ». Les mots du Premier ministre italien Giuseppe Conte ont résonné contre les murs du Palazzo Chigi, créant un véritable choc dans le pays ce lundi soir. Une mesure exceptionnelle pour une situation inédite. Tous les déplacements sont donc interdits dans la botte et en Sicile sauf pour les besoins « avérés ».

Les autorités italiennes évoquent une « homogénéisation progressive des règles sur l’ensemble du territoire national », ces mesures drastiques étant en vigueur jusque-là seulement dans les 14 provinces où l’épidémie de coronavirus est la plus virulente. Ces nouvelles mesures ne prévoient toutefois pas « de limiter les transports publics, afin de garantir la continuité » de l’activité économique « et de permettre aux gens d’aller travailler », a assuré Giuseppe Conte.

L’Italie, membre du G7, devient ainsi le premier pays de la planète à généraliser des mesures aussi draconiennes pour tenter d’enrayer la progression du coronavirus, qui a déjà fait 463 morts et plus de 9 000 cas dans la péninsule.

Restriction de déplacement

Selon le décret édicté par le Premier ministre, la première restriction concerne les déplacements. Des restrictions de voyage sont imposées à toute la population. C’est fortement déconseillé, mais il n’y a cependant pas d’interdiction absolue de rejoindre les zones rouges, les foyers les plus touchés par l’épidémie.

Il sera donc possible de continuer de se déplacer pour « son travail, des situations de première nécessité ou des raisons de santé ». Il est toutefois obligatoire de se soumettre à un « contrôle de certification » attestant de la raison de déroger à la directive pour réduire autant que possible les déplacements d’une zone à l’autre (et ainsi réduire les risques de propagation de la contagion). Les limitations concernent uniquement les personnes et non les marchandises.

Les autorités fournissent un formulaire pour faire sa demande de déplacement notamment pour les Italiens qui avaient prévu un déménagement.

La seule interdiction absolue de se déplacer et ce sans exception, est pour les personnes en quarantaine ou les personnes qui ont été testées positives au coronavirus.

Plus de rassemblement public

Autre mesure d’exception, tous les rassemblements sont également prohibés, quelle que soit leur taille. « Sur tout le territoire national est interdite toute forme de rassemblement de personnes dans des lieux publics ou ouverts au public », lit-on dans le décret.

Le décret précise également que sont annulés tous les événements sportifs, « de tout niveau et toute discipline ». Seules les compétitions organisées par des institutions internationales pourront se tenir, mais à huis clos, selon ce texte officiel. Le championnat de football, la Série A, véritable institution dans le pays, a lui été suspendu jusqu’au 3 avril.

Les contrôles

Les contrôles seront effectués le long des grandes lignes de communication (autoroutes, routes nationales) et des grandes infrastructures (aéroports, gares) par la police et le long du réseau routier ordinaire également par les Carabiniers et les forces de police locales.

Toujours selon le décret, la police des chemins de fer veillera, avec la collaboration du personnel de l’État, des autorités sanitaires et de la protection civile, au « respect des règles par tous les passagers entrant et sortant des gares ». Ils effectueront des contrôles de santé des voyageurs avec des thermoscanners. Même en gare, comme aux « check-points » le long des routes, il sera possible pour les citoyens de remplir les formulaires de certification.

Même dispositif dans les aéroports. Les passagers au départ et à l’arrivée seront contrôlés et, dans ce cas également, il sera nécessaire de faire preuve d’une autorisation pour quitter les zones de confinement renforcées. Pour les vols au départ, ces « autocertifications », comme les appellent les Italiens, ne sont requises que pour les résidents des « zones de confinement renforcées ». Pour les passagers arrivant en Italie, ils devront absolument justifier de l’objet de leur voyage.

Les moyens de coercition

Le décret établit que quiconque contrevient aux nouvelles règles est passible d’une arrestation. D’une peine pouvant aller jusqu’à trois mois de prison et d’une amende pouvant aller jusqu’à 206 euros, conformément aux dispositions « de l’article 650 du Code pénal pour non-respect d’une disposition des autorités ».

Mais des sanctions plus sévères peuvent être imposées à ceux qui adoptent des comportements jugés dangereux pour la santé publique, tels que la fuite de la quarantaine pour les positifs au coronavirus. La notion de « crime contre la santé publique » a ainsi été définie pour l’occasion.

Sur place, l’inquiétude…

Si le nord de l’Italie était déjà confronté à la crise depuis plusieurs semaines, dans le sud, et particulièrement à Rome, cette situation a pris de court les habitants. « À Rome, de ce que j’ai pu voir ce matin, il y a une sensation d’inquiétude, les rues sont beaucoup moins fréquentées, les gens plus attentifs », confie Lucas Duran, journaliste à Radio Vatican, joint par Le Parisien. « C’est un changement énorme du jour au lendemain. Ça devient sérieux », ajoute cet habitant de la ville éternelle. « Ce décret, ça change la vie. Les gens ne rigolent plus. Ici on est dans le sud de l’Europe, on a une attitude plus ouverte plus amicale, on aime faire la bise et se balader bras dessus bras dessous. Tout cela créé un problème, on est désorienté ! L’incertitude a gagné la population, il y a une peur que ça affecte notre manière de vivre et nos relations humaines », analyse le journaliste italien.

« C’est bizarre tout le monde est en quarantaine ou presque,. La rue où j’habite est d’ordinaire hyperfréquentée. Il n’y a personne ce matin. Les gens ont compris même s’il y a eu un petit vent de panique dans les supermarchés » lundi soir, confie Franco Maselli, un journaliste romain joint au téléphone. « La mesure semble comprise, il faut agir, il faut éviter que les hôpitaux arrivent à ne plus pouvoir soigner les gens » ajoute l’habitant de la capitale. « Le gouvernement veut éviter que la maladie explose au sud où la population est globalement plus âgée, et les hôpitaux moins performants, ce serait encore plus grave » analyse encore Franco Maselli.

Le flou qui a entouré les premières décisions en Italie du nord, a engendré un vrai casse-tête pour les Transalpins, et parfois un manque de civisme et de respect des règles dans les zones les plus touchées. « Il y a une vraie fracture dans la population. Il y a des gens qui s’en foutent complètement et qui ont continué à vivre normalement et une autre partie qui essaie de faire passer le message : restez chez vous. Il faut dire que l’on a été abreuvé de messages contradictoires de la part des politiques eux-mêmes, dont certains du gouvernement » constate ce fin connaisseur de la politique de l’autre côté des Alpes.

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