Coronavirus : Emmanuel Macron promet « un plan massif » pour l’hôpital – Le Monde

Emmanuel Macron, mercredi 25 mars à Mulhouse.

Emmanuel Macron, mercredi 25 mars à Mulhouse. POOL / REUTERS

Emmanuel Macron a réactivé la posture de chef de guerre face au coronavirus. « Lorsqu’on engage une guerre, on s’y engage tout entier, on se mobilise dans l’union », a insisté le chef de l’Etat, mercredi 25 mars, devant les caméras de télévision, avec en toile de fond l’hôpital militaire de campagne de Mulhouse, qu’il venait de visiter. Les lieux accueillent depuis mardi de premiers malades en Grand-Est, une région durement touchée par l’épidémie. L’occasion pour Emmanuel Macron de rendre un hommage appuyé au « courage exceptionnel » des soignants, chez qui « la fatigue est présente, l’angoisse est là pour eux-mêmes, pour leurs collègues, pour leur famille ». « La nation tout entière est derrière, reconnaissante », a assuré le locataire de l’Elysée. Mais à l’approche du « pic » de l’épidémie qui se profile – près de 3 000 patients sont en réanimation, a annoncé le directeur général de la santé, Jérôme Salomon, et 1 300 personnes sont mortes depuis le début de la crise –, les mots ne suffisent plus. Emmanuel Macron a donc pris des engagements sonnants et trébuchants que les personnels hospitaliers n’attendaient plus.

Un an presque jour pour jour après le début du mouvement de grève dans les services d’urgences, le chef de l’Etat a assuré qu’« à l’issue de cette crise, un plan massif d’investissement et de revalorisation de l’ensemble des carrières sera construit pour notre hôpital ». Sans détailler à ce stade ni le montant ni les modalités, il a pris l’engagement que « cette réponse sera profonde et dans la durée », promettant notamment de « majorer les heures supplémentaires effectuées sous forme d’une prime exceptionnelle ».

« Beaucoup a été fait, sans doute pas suffisamment vite, pas suffisamment fort »

« Nos soignants qui se battent aujourd’hui pour sauver des vies se sont hier battus, souvent, pour sauver l’hôpital, notre médecine », a-t-il déclaré, contraint d’esquisser un léger mea culpa sur la façon dont la crise hospitalière avait été gérée : « Beaucoup a été fait, sans doute pas suffisamment vite, pas suffisamment fort. » Un reproche adressé en filigrane à Agnès Buzyn, l’ex-ministre de la santé, qui avait promis de « réenchanter » l’hôpital public, sans jamais réussir à mettre sur la table les budgets nécessaires pour accomplir une telle promesse.

Un premier plan en faveur des personnels des services d’urgences, comprenant notamment une prime de 100 euros par mois pour les paramédicaux y travaillant, avait bien été débloqué, puis un second de 200 millions d’euros, en novembre 2019, mais cela n’avait pas suffi. Résultat, c’est un hôpital en crise, affaibli par des années de restriction budgétaire, qui se retrouve depuis quelques semaines à devoir faire face en urgence à une crise sanitaire sans précédent. Dans les 39 établissements de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), des centaines de lits se trouvaient par exemple fermés par manque de candidats sur les postes infirmiers, plus suffisamment attractifs.

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« On attend de voir »

Les annonces du chef de l’Etat sont saluées avec prudence et amertume par le corps médical. « C’est dommage d’avoir dû attendre une catastrophe, mais mieux vaut tard que jamais », estime Anne Gervais, l’une des porte-parole du Collectif Inter-Hôpitaux (CIH), qui avait orchestré en janvier la démission de près de 1 200 médecins hospitaliers de leurs fonctions administratives pour réclamer davantage de moyens. Cette spécialiste plaide néanmoins pour l’adoption rapide d’une loi rectificative du budget de la Sécurité sociale : « Il faudra aussi du personnel en plus, et aussi augmenter de 30 % le nombre ­d’infirmières et en embaucher 50 000 supplémentaires pour atteindre les ratios des pays scandinaves ou anglo-saxons, où il y a une infirmière pour huit lits, contre un pour quatorze chez nous. »

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« C’est positif, mais après tous les plans qu’on nous a proposés et qui étaient en deçà de ce qui était nécessaire pour les soins, on attend de voir », nuance de son côté Hugo Huon, président du Collectif Inter-Urgences. Quelques heures plus tôt, le collectif avait annoncé son intention de porter plainte contre X auprès du procureur de Paris pour homicide involontaire et mise en danger de la vie d’autrui afin de dénoncer « l’absence d’équipements de protection individuelle, de tests, de moyens et de décisions à même de protéger le personnel hospitalier » exposé au coronavirus.

Emmanuel Macron, le 25 mars à Mulhouse.

Emmanuel Macron, le 25 mars à Mulhouse. MATHIEU CUGNOT / AFP

Lors de sa déclaration, Emmanuel Macron a par ailleurs annoncé le lancement de l’opération militaire « Résilience », « entièrement consacrée à l’aide et au soutien aux populations, ainsi qu’à l’appui aux services publics pour faire face à l’épidémie, en métropole et en outre-mer ». Une aide d’ordre « sanitaire », « logistique » ou encore de « protection » de sites sensibles, a-t-il précisé. Deux navires de guerre, les porte-hélicoptères Mistral et Dixmude, qui disposent d’hôpitaux embarqués, seront notamment mis à contribution pour venir en aide aux outre-mer. Le premier, qui assurait la « mission Jeanne-d’Arc » – consistant à embarquer les élèves officiers de la marine pour leur formation au moyen d’un tour du monde –, doit faire route vers La Réunion, où il arrivera samedi.

« Il faut voir les bateaux comme des pions de réserve, qu’on pourra exploiter le moment venu »

Le second, lui, sera à Toulon, vendredi 27 mars, de retour d’opération au Liban. Il aura une semaine pour se remettre en ordre, puis il lui en faudra une autre pour rejoindre les Antilles. Son rôle pourrait être d’accueillir des patients classiques pour soulager les hôpitaux locaux. « Il faut voir les bateaux comme des pions de réserve, qu’on pourra exploiter le moment venu », explique l’état-major de la marine nationale. Le porte-hélicoptères Tonnerre avait déjà été envoyé en Corse, le week-end dernier, pour évacuer 12 malades atteints du Covid-19 vers des hôpitaux marseillais.

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Si les outre-mer ont été touchés plus tardivement que la métropole par l’épidémie, celle-ci s’y propage à présent de manière exponentielle. Tous les professionnels de santé et les responsables politiques redoutent une catastrophe, compte tenu des fragilités du système sanitaire et de l’exposition aux risques que présentent les populations de ces régions, pour la plupart insulaires. L’inquiétude est notamment très forte à La Réunion et à Mayotte. La Réunion, où le premier cas a été détecté le 11 mars, en compte désormais 115, dont 21 enregistrés dans les vingt-quatre dernières heures. Alors que l’île ne dispose que d’une centaine de lits de réanimation, les personnels soignants réclament des moyens supplémentaires pour pouvoir faire face à la situation.

Masques inutilisables

L’agence régionale de santé (ARS) avait annoncé, dimanche, que 120 000 masques FFP2 provenant du stock « stratégique, régional et historique » allaient être débloqués dès mardi, mais une partie de ces lots, présentant des traces de moisissure, s’est révélée inutilisable. Devant les réactions indignées, la directrice de l’ARS, Martine Ladoucette, a annoncé mercredi que 18 000 masques défectueux allaient être remplacés.

A Mayotte, 35 cas ont pour l’heure été recensés. L’île ne compte que 16 lits de réanimation et les conditions d’hygiène sont déplorables. Des milliers de personnes s’entassent dans des bidonvilles, faisant craindre une explosion incontrôlable. Dans les Antilles, c’est à Saint-Barthélemy et à Saint-Barth que le premier cas s’est déclaré, le 1er mars. La Guadeloupe en compte à présent 76, la Martinique – où un décès a été enregistré – 66, et la Guyane 27. Au total, 365 cas avaient été enregistrés mercredi dans les outre-mer. Le ministère de la santé a lancé, mercredi soir, un appel à volontaires à tous les professionnels de santé, y compris les retraités, pour venir en appui au personnel soignant de leur région, mais aussi des zones les plus touchées par le coronavirus.

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