Coronavirus : des étudiants en pharmacie à Marseille ont-ils dû trancher le débat sur l’hydroxychloroquine … – franceinfo

La faculté de pharmacie de la Timone confirme que deux sujets portant sur cette molécule ont été proposés en troisième et sixième années, mais explique qu’aucune prise de position sur son efficacité n’était demandée aux candidats.

Ce sont deux sujets d’examen qui ont relancé la polémique sur l’utilisation de l’hydroxychloroquine dans la prise en charge médicamenteuse contre le coronavirus. Deux intitulés sur lesquels ont planché les étudiants de troisième et de sixième année de pharmacie de l’université de la Timone, à Marseille, portaient sur cet antipaludéen. 

Un utilisateur de Twitter a publié mardi 23 juin une capture d’écran d’un énoncé d’examen proposé à ces étudiants (en pharmacie et non en médecine, comme indiqué dans ce tweet). On peut y voir une ordonnance médicale à commenter, sur laquelle figure une prescription de Plaquenil, le nom commercial en France de l’hydroxychloroquine. Le sujet lui a été envoyé par un étudiant qui dénonce un “forcing”, une façon d’obliger les candidats à donner leur opinion sur un sujet polémique. Et ce, bien que rien n’indique dans l’énoncé qu’il faille prendre parti en faveur du traitement proposé par le professeur Didier Raoult, directeur de l’IHU de Marseille et grand défenseur de cette molécule contre le Covid-19.

A ce jour, la vente de Plaquenil est interdite dans les officines pour le traitement de la maladie due au Sars-CoV-2, ce médicament étant toujours au cœur d’une controverse scientifique. Le sujet destiné aux étudiants de sixième année en filière “officine” a été imaginé par Stéphane Honoré, président de la Société de pharmacie clinique et cosignataire en avril d’un article avec Didier Raoult sur l’utilisation de l’hydroxychloroquine dans le traitement du Covid-19.

Doit-on voir dans ce sujet d’examen une “pression sur les étudiants”, comme s’en indignent certains internautes ? “C’est un sujet tout à fait normal”, affirme à franceinfo un étudiant concerné par l’examen. Deux sujets portaient bien sur l’hydroxychloroquine, confirme la faculté. L’un était adressé aux candidats de troisième année dans un sujet de pharmacocinétique (qui étudie le sort des médicaments dans l’organisme) ; l’autre était un “commentaire d’ordonnance” destiné aux étudiants de sixième année de la spécialité “officine”.

Le sujet de troisième année portait bien sur l’administration d’hydroxychloroquine, mais ne traitait pas de son efficacité. Qu’était-il donc attendu des étudiants ? “De comprendre que, quand on prend un médicament à telle heure, avec telle dose, il va passer par tel compartiment et va se dégrader”, explique François Devred, vice-doyen de l’UFR de pharmacie.

Ce dernier tient à rassurer : “La nature des molécules choisies n’a aucun impact sur la résolution du problème. Le professeur aurait pu parler d’une molécule A et d’une molécule B.” Dans cette matière, les étudiants ne devaient pas s’exprimer sur l’efficacité du traitement mais expliquer comment il était géré par l’organisme. “Dans le sujet, le professeur dit même que le traitement ne marche pas”, souligne François Devred.

Mais c’est le deuxième sujet, le “commentaire technique d’ordonnance”, qui a le plus fait parler de lui. “C’est un exercice classique qui consiste à donner une ordonnance réelle ou fictive aux étudiants pour qu’ils en fassent l’analyse critique sur le fond et sur la forme”, explique le vice-doyen. Les étudiants devaient “regarder les interactions médicamenteuses, la signature du médecin, s’assurer que le traitement prescrit soit légal, etc.” détaille-t-il. “C’était un exercice très classique”, confie un étudiant concerné. Le but était de dire pourquoi “il ne fallait pas délivrer ce type d’ordonnance”.

“C’était assez clair, là : la dispensation était interdite en officine”, commente Stéphane Honoré, leur professeur. Pour quelles raisons ? L’ordonnance n’était pas signée, présentait de nombreuses contre-indications médicales et enfreignait la législation, puisque la prescription et la délivrance de Plaquenil sont restreintes en officine depuis fin mars aux traitements de certaines maladies chroniques ou auto-immunes. Stéphane Honoré souligne que le commentaire devait “rester factuel. En aucun cas ils ne devaient entrer dans la polémique et dire si cela marche ou si cela ne marche pas.”

“A posteriori, je comprends que cela ait pu inquiéter les étudiants”, concède Stéphane Honoré, dont la position dans le débat scientifique sur l’efficacité de l’hydroxychloroquine, qu’il qualifie de “guerre”, est au centre de la polémique. Comment voulez-vous qu’ils puissent sereinement répondre à cet examen ?” s’inquiétait un internaute. Stéphane Honoré se veut rassurant : “Je ne suis pas le seul correcteur, et les grilles de correction sont décidées collectivement.” “Ce qui est important, c’est que la réponse soit argumentée” et que les trois éléments suivants soient donnés et justifiés : “Il fallait appeler le médecin, refuser la dispensation et conseiller les patients.”

Le choix de la molécule d’hydroxychloroquine dans les sujets d’examen en 2020 à Marseille est plutôt “normal”, se défend François Devred, le vice-doyen. “On est tous des enseignants-chercheurs, donc on essaie de donner des sujets qui collent à l’actualité”, explique-t-il. “Cela nous arrive souvent d’avoir un sujet d’actualité”, confirme une élève de quatrième année.

Beaucoup d’étudiants travaillent en officine, il est normal de contrôler nos connaissances sur des pathologies et molécules que nous serons amenés à rencontrer et délivrer.Une étudiante en pharmacieà franceinfo

C’était justement l’intention du sujet, affirme Stéphane Honoré : “J’ai trouvé que c’était un cas de comptoir [de pharmacie]

Conséquence de ces critiques, la faculté de pharmacie de la Timone a annoncé dans un premier temps que la question serait “neutralisée” et ne serait pas prise en compte dans l’évaluation finale. La direction est revenue depuis sur sa décision, explique François Devred : “Les étudiants ayant correctement traité l’exercice, la question ne se pose plus.” Pour le chercheur, cette polémique inédite a au moins un effet positif : celui de lever le voile sur le rôle des pharmaciens en officine, qui, dans le cas de l’exercice proposé, devaient s’opposer à la prescription d’hydroxychloroquine. “Ce sont les derniers remparts avant l’erreur médicale”, insiste-t-il. 

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