Coronavirus : Comment la France se prépare-t-elle à une campagne de vaccination massive ? – 20 Minutes

Avec l’arrivée prochaine d’un ou plusieurs vaccins anti-Covid sur le marché, la France se prépare à lancer une campagne massive de vaccination. — Alexander Demianchuk/TASS/Sipa U/SIPA
  • La France pourrait lancer la vaccination contre le coronavirus dès le premier semestre 2021.
  • Une vaste campagne qui requiert d’importants moyens logistiques.
  • Et qui nécessite l’adhésion et la confiance de la population dans un vaccin nouveau.

Ils seront bientôt là : les vaccins anti-Covid. Alors la France se prépare d’ores et déjà à une campagne de vaccination massive. Le gouvernement est ainsi « dans les starting-blocks pour être prêt pour distribuer un vaccin contre le Covid-19 » dès janvier s’il est validé, et a budgété pour cela « 1,5 milliard d’euros pour 2021 pour acheter une première série de vaccins », a assuré mardi son porte-parole, Gabriel Attal.

Après l’annonce, la semaine dernière par les laboratoires américain Pfizer et allemand BioNTech, d’un vaccin efficace à 90 %, la société Moderna a affirmé lundi que le sien avait une efficacité de 94,5 %. Mais quand ces vaccins recevront-ils leur autorisation de mise sur le marché ? Comment la France assurera-t-elle leur conservation ? Qui vaccinera-t-elle en premier et comment surmontera-t-elle la méfiance d’une partie de l’opinion pour convaincre de l’intérêt d’une vaccination de masse ?

D’abord passer par l’Europe

Pour l’heure, aucun vaccin n’a reçu son autorisation de mise sur le marché, préalable indispensable à sa distribution. « A ce stade, je rappelle que la phase III n’est pas terminée, que ce sont des résultats préliminaires, qu’il vaut mieux être prudent », a rappelé le porte-parole du gouvernement. La campagne vaccinale française se joue donc d’abord à l’échelle de l’Europe. L’Agence européenne du médicament (EMA) a mis sur pied une procédure accélérée qui lui permet d’examiner les données de sécurité et d’efficacité des vaccins au fur et à mesure de leur parution, avant même qu’une demande formelle d’autorisation soit déposée par le fabricant. Moderna est devenu lundi le troisième projet de vaccin soumis à cet « examen continu », après ceux d’Oxford/AstraZeneca puis de Pfizer/BioNTech début octobre. Les vaccinations dans l’UE pourraient ainsi commencer « au premier trimestre 2021 » dans un scénario « optimiste », indiquait la semaine dernière Andrea Ammon, directrice du Centre européen de prévention et de contrôle des maladies.

« On prépare une campagne pour être prêt au moment où un vaccin sera validé par les autorités de santé européennes et nationales », a renchéri ce mardi Gabriel Attal sur France 2, en acquiesçant à la possibilité d’une campagne dès le début de l’année. Et niveau commande des vaccins, là encore, cela passe par l’Europe. « Il faut anticiper, ça veut dire réserver des doses, a-t-il ajouté. On le fait au niveau européen : plusieurs centaines de millions ont été réservées auprès des différents laboratoires ». Pas moins de 300 millions de doses, pour être plus précis.

A travers les précommandes européennes, la France aurait déjà sécurisé 90 millions de doses, rapportent Les Echos. De quoi assurer deux injections à 45 millions de Français.

Des super-congélateurs pour conserver les vaccins

Si le vaccin tant attendu de Pfizer et BioNTech pourrait être le premier disponible sur le marché, il requiert une logistique importante à anticiper bien en amont. Il nécessite en effet une conservation à – 70 °C, ce qui implique d’investir dans un équipement ad hoc. « Nous avons conçu un contenant thermique spécifique, utilisant de la glace sèche, pour maintenir tout au long du transport et sur le site de vaccination les conditions de stockage recommandées », indique Pfizer.

Et comment les conserver une fois qu’ils ont été livrés ? « Nous nous préparons pour débuter le plus tôt possible une campagne vaccinale », a assuré le ministre de la Santé, Olivier Véran, lors de son dernier point sur l’épidémie. Ainsi, « s’agissant du vaccin commercialisé par Pfizer et BioNTech, nous avons déjà acheté cinquante super-congélateurs qui permettent de stocker des produits de santé qui sont reliés à des alarmes, qui seront entreposés dans des endroits sécurisés à partir desquels des équipes pourront se déployer pour ensuite alimenter tous ceux qui seront amenés à être vaccinés, c’est un chantier monumental ». Un chantier coûteux, puisqu’un seul de ces super-congélateurs coûte entre 6.000 et 12.000 euros.

Et une fois sorti de ces congélos high-tech, comment assurer la distribution en toute sécurité ? Le vaccin pourra être conservé deux semaines dans le conditionnement prévu par Pfizer et BioNTech, une sorte de malle qui devrait contenir jusqu’à 5.000 doses. BioNTech a également assuré qu’une fois en dehors de ces mêmes congélateurs spéciaux, le vaccin pouvait être conservé pendant cinq jours dans un réfrigérateur. Si le vaccin Moderna reçoit son autorisation de mise sur le marché, sa distribution devrait être moins compliquée, puisqu’il peut être conservé dans des frigos classiques, entre 2 et 8 °C. Tout comme celui de Sanofi.

Déterminer les populations prioritaires

Mais y aura-t-il des vaccins pour toute la population française ? Probablement pas avant de longs mois, puisque seules quelques dizaines de millions de doses devraient être produites sur la planète avant la fin de cette année. Alors, qui vacciner en premier ? Le Conseil scientifique devrait rendre son avis sur la question dans les prochaines semaines, mais n’a pas attendu les annonces de Pfizer-BioNTech et Moderna. Il a ainsi opté, dans son avis du 27 juillet, pour « un ciblage des populations prioritaires », qu’il considère comme « une composante cruciale de la stratégie vaccinale » contre le Covid-19.

« Tous les pays qui élaborent leur stratégie vaccinale face au Covid-19 s’orientent vers une priorisation de la vaccination, parce que les doses ne seront pas produites d’un bloc, mais progressivement », indique à 20 Minutes le Pr Daniel Floret, vice-président de la Commission technique des vaccinations, rattachée à la  Haute Autorité de santé (HAS). C’est pourquoi le Conseil scientifique préconise « une priorisation d’accès en fonction des risques sanitaires, des populations à risques professionnels, des emplois stratégiques ainsi que de caractéristiques socio-éco-démographiques ». En clair, « le vaccin serait administré en priorité aux personnes exposées au virus dans le cadre de leur activité professionnelle : les personnels soignants, ceux qui travaillent au contact du public ou dans un environnement exposé, mais aussi toutes celles et ceux qui sont vulnérables en raison de leur âge ou de leur état de santé », avance le Pr Floret.

Pour l’heure, les modalités du déploiement de la campagne ne sont pas encore connues. Ce qui est sûr, c’est qu’avec un vaccin nouveau et qui, pour le germano-américain, doit être conservé à très basse température, atteindre toutes les personnes prioritaires sera un vrai défi. « Dans l’état actuel des échanges que nous avons avec la DGOS et le ministère de la Santé, il est établi que puisqu’il s’agira d’une primovaccination avec de possibles réactions, la présence d’un médecin sera obligatoire lors de l’inoculation, explique à 20 Minutes le Dr Luc Duquesnel, médecin généraliste et président du syndicat Les généralistes – Confédération des syndicats médicaux français (CSMF). Ce point n’est pas sans poser de problème, puisqu’a été évoquée l’idée que soient écartées des personnes prioritaires les gens vulnérables qui sont à domicile et ne peuvent se déplacer. Mais les représentants des médecins généralistes ont indiqué qu’il était hors de question de laisser ce public prioritaire de côté : nous nous organiserons pour aller vacciner les gens vulnérables à domicile. Nous n’avons pas de super-congélateurs, mais nous devrions recevoir de petits conditionnements pour assurer la vaccination en ville. Pas question de reproduire le fiasco de la vaccination H1N1, avec plus de vaccins qui ont fini à la poubelle que de personnes vaccinées ».

Associer les professionnels de santé de ville pour rétablir la confiance

Reste à savoir si les Français se rueront sur le vaccin – avec un risque de pénurie à prévoir — ou s’ils le bouderont, en leur qualité de champions du monde de la défiance à l’égard des vaccins. Selon un sondage réalisé par Odoxa pour franceinfo et Le Figaro publié jeudi dernier, seuls 50 % des Français disent avoir l’intention de se faire inoculer le vaccin s’il était prochainement déployé sur le territoire. Et 60 % des personnes interrogées s’opposent à ce qu’il soit rendu obligatoire.

« Que les gens se posent des questions sur un vaccin que l’on ne connaît pas, c’est normal », estime le Dr Duquesnel. Concernant le choix du ou des futurs vaccins, « il y a une batterie de critères et c’est pour ça qu’on a des autorités de santé qui peuvent nous éclairer », et « évidemment, il y a un critère sur lequel on ne dérogera pas, c’est celui de la sécurité et celui du moindre risque » pour la santé, a assuré Gabriel Attal. « On prendra le vaccin qui est disponible le plus rapidement possible et qui garantit une efficacité importante », a-t-il ajouté.

« Ce qui importe pour la population, comme pour moi qui suis médecin, c’est d’avoir une lisibilité parfaite sur l’efficacité de la vaccination et ses éventuels effets secondaires, insiste le Dr Duquesnel. Quand on lancera la vaccination, ce devra être en toute sécurité. La confiance passe par une information claire ». Et aussi par les professionnels de santé de ville, qui font de la pédagogie auprès de leurs patients. « Quand les gens verront que les professionnels de santé se vaccinent contre le coronavirus comme ils le font contre la grippe saisonnière, cela enverra un signal fort de confiance et de sécurité, pense le médecin généraliste. On pourrait même porter un petit badge sur nos blouses pour indiquer qu’on s’est fait vacciner. Quand j’aurai été vacciné, je l’afficherai. Et à la fin, il ne restera de réfractaires que les complotistes anti-vaccins. Et ce sera nous, vaccinés contre le Covid, qui les protégerons ».

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