Coronavirus : ce que contient la loi instaurant un « état d’urgence sanitaire » votée par le Parlement – Le Monde

A l’Assemblée nationale, le 21 mars.

A l’Assemblée nationale, le 21 mars. LUDOVIC MARIN / AFP

Le Parlement a définitivement adopté, dimanche 22 mars, des mesures instaurant un état d’urgence sanitaire pour deux mois. Au terme de quatre heures de débat, la commission mixte paritaire (CMP), composée de sept députés et sept sénateurs, était auparavant parvenue à s’accorder sur un texte commun du projet de loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19.

« Une CMP marquée par une recherche par tout le monde du consensus et la volonté de trouver le bon compromis. Un très, très bon travail parlementaire, salue Yaël Braun-Pivet, présidente de la commission des lois de l’Assemblée nationale. Il fallait qu’on puisse avoir un texte ce soir. » « Chacun savait la responsabilité collective de parvenir à un accord, sans hypothéquer les libertés fondamentales ni le contrôle du Parlement, pour donner les moyens au gouvernement de combattre ce fléau », approuve son homologue de la commission des lois du Sénat, Philippe Bas.

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Ce projet de loi donne un cadre légal aux dispositions d’exception qui ont commencé à être mises en œuvre depuis le 16 mars. Outre les dispositions relatives à l’état d’urgence sanitaire et au soutien économique, il prévoit que, si le second tour des élections municipales ne pouvait pas se tenir avant la fin de juin, dans les communes qui n’auraient pas été pourvues dès le premier tour, les électeurs seraient convoqués pour les deux tours des élections municipales. Le premier tour serait donc annulé pour ces seules communes ; les résultats seront en revanche acquis pour celles pourvues dès le premier tour.

Que contient le texte issu de la CMP soumis à l’approbation des deux chambres ?

  • L’état d’urgence sanitaire

– L’état d’urgence sanitaire est déclaré par décret en conseil des ministres pris sur le rapport du ministre chargé de la santé. Les données scientifiques disponibles sur la situation sanitaire qui ont motivé la décision sont rendues publiques ;

– la prorogation de l’état d’urgence sanitaire au-delà d’un mois ne peut être autorisée que par la loi, après avis du comité de scientifiques. Cependant, par dérogation, l’état d’urgence sanitaire est déclaré pour une durée de deux mois à compter de l’entrée en vigueur de la présente loi ;

– là où l’état d’urgence sanitaire est déclaré, le premier ministre peut, par décret, restreindre ou interdire la circulation des personnes et des véhicules ; interdire aux personnes de sortir de leur domicile, sous réserve des déplacements strictement indispensables aux besoins familiaux ou de santé ; ordonner des mesures ayant pour objet la mise en quarantaine des personnes susceptibles d’être infectées ; ordonner des mesures de placement et de maintien en isolement des personnes infectées ; ordonner la fermeture provisoire d’une ou plusieurs catégories d’établissements recevant du public ainsi que des lieux de réunion, à l’exception des établissements fournissant des biens ou des services de première nécessité ; limiter ou interdire les rassemblements sur la voie publique ainsi que les réunions de toute nature ; ordonner la réquisition de tous biens et services nécessaires à la lutte contre la catastrophe sanitaire ; prendre des mesures temporaires de contrôle des prix de certains produits rendues nécessaires pour prévenir ou corriger les tensions constatées sur le marché de ces produits ; prendre toute mesure permettant la mise à disposition des patients de médicaments appropriés pour l’éradication de la catastrophe sanitaire ; prendre par décret toute autre mesure réglementaire limitant la liberté d’entreprendre ;

– les mesures prises en application de l’état d’urgence sanitaire peuvent faire l’objet de recours devant le juge administratif ;

– il est réuni sans délai un comité de scientifiques. Son président est nommé par décret du président de la République. Ce comité comprend deux personnalités qualifiées respectivement nommées par le président de l’Assemblée nationale et le président du Sénat ainsi que des personnalités qualifiées nommées par décret. Ses avis sont rendus publics. Ce comité est dissous lorsque prend fin l’état d’urgence sanitaire ;

– toute violation des interdictions ou obligations est punie d’une amende de 135 euros. En cas de récidive dans un délai de quinze jours, la contravention peut aller de 1 500 à 3 000 euros. Si les violations se répètent à plus de trois reprises dans un délai de trente jours, les faits sont punis de six mois d’emprisonnement et de 3 750 euros d’amende ainsi que d’une peine complémentaire de travail d’intérêt général ;

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– les agents de police municipale, agents de surveillance et gardes champêtres peuvent également procéder à la constatation de ces infractions.

  • Les mesures d’urgence économique

– Le gouvernement est habilité à prendre par ordonnance, dans un délai de trois mois, toute mesure permettant de faire face aux conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie afin de prévenir et limiter la cessation d’activité des personnes physiques et morales exerçant une activité économique ;

– cela passe par des mesures de soutien à la trésorerie ainsi que d’un fonds dont le financement sera partagé avec les régions ;

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– en matière de droit du travail, plusieurs mesures dérogatoires sont envisagées : facilitation du recours à l’activité partielle ; possibilité d’autoriser l’employeur à imposer ou à modifier les dates de prise d’une partie des congés payés dans la limite de six jours ouvrables, en dérogeant aux délais de prévenance, ou d’imposer ou de modifier unilatéralement les dates des jours de réduction du temps de travail, des jours de repos prévus par les conventions de forfait et des jours de repos affectés sur le compte épargne-temps du salarié ; autorisation donnée aux entreprises particulièrement nécessaires à la sécurité de la nation ou à la continuité de la vie économique et sociale de déroger aux règles d’ordre public et aux stipulations conventionnelles relatives à la durée du travail, au repos hebdomadaire et au repos dominical ; à titre exceptionnel, les dates limites et les modalités des versements au titre de l’intéressement ou de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat pourront être modifiées ;

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– il sera possible de reporter intégralement ou d’étaler le paiement des loyers, des factures d’eau, de gaz et d’électricité afférents aux locaux professionnels et commerciaux ;

– plusieurs dispositions dérogatoires sont envisagées en matière de droits sociaux pour permettre la continuité des droits des assurés sociaux et de leur accès aux soins ainsi que pour adapter les conditions d’ouverture, de reconnaissance ou de durée des droits relatifs à la prise en charge des frais de santé et aux prestations d’assurances sociales, de prestations familiales, d’aides personnelles au logement, de la prime d’activité et des droits à la protection complémentaire en matière de santé.

Devant un supermarché de Nice, le 16 mars.

Devant un supermarché de Nice, le 16 mars. ERIC GAILLARD / REUTERS
  • Les dispositions électorales

– Pour les communes qui n’ont pas été pourvues d’un conseil municipal au premier tour des élections municipales, dimanche 15 mars, le second tour est reporté, au plus tard, à juin 2020. Au plus tard le 23 mai sera remis au Parlement un rapport du gouvernement fondé sur une analyse du comité de scientifiques se prononçant sur l’état de l’épidémie de Covid-19 et sur les risques sanitaires liés à la tenue du second tour. La date sera fixée par décret en conseil des ministres, pris au plus tard le mercredi 27 mai, si la situation sanitaire permet l’organisation des opérations électorales. Les déclarations de candidature à ce second tour seront déposées au plus tard le mardi suivant la publication du décret de convocation des électeurs. La campagne électorale pour le second tour est ouverte à compter du deuxième lundi qui précède le tour de scrutin ;

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– si le second tour, en raison de la situation sanitaire, ne peut être organisé au mois de juin 2020, le mandat des conseillers municipaux et communautaires, des conseillers d’arrondissement, des conseillers de Paris et des conseillers métropolitains concernés est prolongé pour une durée fixée par la loi. Les électeurs seront alors convoqués pour les deux tours de scrutin – les résultats du premier tour, qui s’est tenu le 15 mars, seront annulés –, qui devront avoir lieu dans les trente jours précédant l’achèvement des mandats ainsi prolongés ;

– dans tous les cas, l’élection régulière des conseillers municipaux et communautaires, des conseillers d’arrondissement, des conseillers de Paris et des conseillers métropolitains de Lyon élus dès le premier tour organisé le 15 mars 2020 reste acquise.

D’ores et déjà, le président du Sénat, Gérard Larcher, a annoncé qu’il s’adresserait lundi de manière solennelle au premier ministre par un courrier lui demandant que le Parlement puisse exercer son contrôle sur les modalités d’application de l’état d’urgence sanitaire, dont bon nombre relèvent d’habilitations données au gouvernement de légiférer par ordonnance.

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