Coronavirus: après Wuhan, la Chine place une deuxième ville en quarantaine – Le Figaro

Correspondant à Pékin

Uniforme vert olive, casquette militaire et masque noir au visage. Le cordon de sentinelle au regard sévère encercle la gare de Hankou, au cœur de Wuhan depuis 10 heures ce matin (3 heures en France). Interdiction d’embarquer à bord d’un train, ou de s’envoler pour les onze millions d’habitants de cette ville, épicentre de l’épidémie du mystérieux virus, qui fait trembler la Chine, et le monde. Les habitants de cette agglomération grande comme l’île de France sont contraints de passer leurs vacances du Nouvel an lunaire sur place, ont décrété les autorités, la nuit dernière prenant la population par surprise. «Les habitants ne doivent pas quitter Wuhan sans raison spécifique» a annoncé le quartier général de la lutte contre l’épidémie, récemment mise en place. Tous les moyens de transport reliant la ville au monde, mais aussi les bus et métro ont été suspendus jusqu’à nouvel ordre, et le port du masque y est obligatoire dans les lieux publics. La mairie de Huanggang, une ville de 7,5 millions d’habitants située à 70 km à l’est de Wuhan, a également annoncé ce jeudi que la circulation des trains allait être interrompue jusqu’à nouvel ordre.

De longs embouteillages

Dès la nouvelle de la mise en quarantaine de Wuhan connue, des habitants ont pris la fuite en voiture sur les autoroutes, qui n’étaient pas encore fermées dans la matinée, formant de longs embouteillages. «Nous qui travaillons pour le gouvernement, avons reçu l’interdiction de partir de la ville. Mais il y a des gens d’autres secteurs qui partent. Un ami a réussi à partir en voiture, après 10h. Si tu n’as pas de fièvre, tu peux passer» a confié au Figaro, par téléphone, un fonctionnaire de 36 ans. Dans l’après-midi, les autoroutes étaient progressivement fermées, et les conducteurs refoulés vers la ville souricière en balcon sur l’immense fleuve Yangzi Kiang, plaque tournante de l’industrie automobile chinoise. Dans l’agglomération aux avenues désertées, les rayons de fruits et légumes, et les pharmacies sont dévalisés. La population redoute d’être abandonnée, dénonçant l’envolée des prix des victuailles, sur les réseaux sociaux.

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Dans le reste du pays, la nouvelle du blocus semble plus favorablement accueillie, avec l’espoir qu’elle endiguera l’épidémie. «Courage Wuhan! Allez la Chine! Tout le peuple est avec toi. on va y arriver» affirme un commentaire d’internaute, très apprécié sur Weibo, le tweeter chinois, étroitement surveillé par la censure. «Il s’agit d’une décision pour le bien du pays. Mais nous, dans les autres provinces, ne devons pas sauter de joie» ajoute un autre internaute. Car l’inquiétude est palpable à travers le pays le plus peuplé du monde. «Ce virus se cache peut-être partout et se propage trop vite. Il faut bien se protéger, en portant le masque» s’inquiète un autre internaute.

Contenir la pandémie

Cette mise en quarantaine de la capitale de la province du Hubei, est la mesure la plus drastique prise par Pékin depuis le début de la crise, sous le regard inquiet de la communauté internationale. Elle vise à endiguer la propagation du virus 2019-nCoV à l’heure de la grande migration célébrant l’arrivée de l’année du Rat, le 25 janvier, où des centaines de millions de chinois se déplacent vers leur ville d’origine, ou en vacances à l’étranger, dans des trains et avions bondés. Le virus a déjà contaminé plus de 500 personnes à travers le pays, et fait 17 victimes, toutes dans la province du Hubei, selon les chiffres officiels.

Ce blocus hors norme vise à contenir la pandémie dans son noyau d’origine, en prévenant les contacts de ses habitants avec le reste de la population du pays, ou l’étranger. Les autorités affirment que la lutte contre la maladie officiellement signalée à l’OMS le 31 décembre dernier est à un stade «crucial». L’enjeu est de taille pour le régime communiste, sous pression internationale, alors que l’organisation basée à Genève poursuit aujourd’hui une réunion de crise, avec à la clé une possible déclaration d’urgence de santé publique internationale USPPI. le directeur de l’Organisation Tedros Adhanom Ghebreyesus, a salué les mesures «très, très fortes» prises par la Chine, estimant qu’elles allaient «diminuer» les risques de propagation hors de ses frontières. «C’est du 50/50» affirme une source de l’organisation, quelques heures avant la reprise des discussions en vue d’une éventuelle USPPI. Avec à la clé de lourdes répercussions économiques pour la deuxième puissance mondiale, dont la croissance est en plein ralentissement.

Trop tard?

Certains experts craignent que le blocus n’arrive trop tard pour prévenir une pandémie. «Je ne suis pas optimiste sur son efficacité. On a manqué la fenêtre idéale pour enrayer le virus» déplore Guan Yi, expert chevronné à l’Université de Hongkong, qui s’est exprimé auprès du magazine Caixin. Tout juste de retour de Wuhan, ce ponte exprime «sa peur» que l’épidémie se révèle «plus grave que le SRAS» qui avait fait 700 morts en 2003. En Chine, des voix s’élèvent pour pointer le retard de la réaction des autorités. Et des voix médicales, comme des journalistes mettent en doute les chiffres officiels, jugeant le nombre de victimes bien plus élevé. Des médecins de Wuhan jugent qu’il y aurait en réalité «6000» malades, rapporte le magazine Caixin, l’un des médias chinois les plus libéraux.

La crise représente un test sans précédent pour le président Xi Jinping, qui affirme une autorité sans partage depuis son arrivée au pouvoir en 2013. Le dirigeant le plus autoritaire depuis Mao a appelé à la «mobilisation de toutes les forces» lors d’une intervention rare lundi, plaçant les officiels sous pression. Hier, il a promis de coopérer avec la communauté internationale pour endiguer l’épidémie, lors d’entretien téléphonique avec le président français Emmanuel Macron, et la chancelière allemande Angela Merkel. L’entrée dans l’année du Rat samedi, s’annonce délicate.

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