Coronavirus: accord au forceps des Européens sur le plan de sauvetage à 500 milliards d’euros – Le Figaro

Une étape cruciale a été franchie jeudi soir par les ministres des Finances de l’Union européenne. Au terme de plusieurs heures de discussions et après un premier échec deux jours plus tôt, ils sont parvenus au cours d’une nouvelle visioconférence à trouver un accord sur le paquet de mesures destiné à soutenir les économies du bloc mises à rude épreuve par la crise du coronavirus.

Ce plan représentent plus de 500 milliards d’euros et comporte trois éléments principaux : une ligne de crédits de 240 milliards d’euros via le mécanisme européen de stabilité pour les dépenses de santé, 100 milliards d’euros pour les mesures de chômage partiel et un fond de garantie permettant à la Banque européenne d’investissement de prêter jusqu’à 200 milliards aux entreprises. Au travers de ces éléments, ce sont donc les États, les travailleurs privés d’emploi et le business que l’Union veut soutenir. S’ajoute à ce paquet le plan de relance, voulu par la France une fois la crise finie. Ce fameux «quatrième pilier» que pousse par le ministre des Finances, Bruno Le Maire.

Les Vingt-Sept ne sont pas passés loin de la catastrophe sur ce dossier empoisonné. Les ministres ont d’ailleurs applaudi à la fin de la réunion jeudi soir. Après quoi, les uns et les autres ont vanté le compromis, soucieux de montrer leur unité après avoir exhibé leurs divisions. C’«est un grand jour pour la solidarité européenne», a déclaré l’Allemand Olaf Scholz quand son homologue français, Bruno Le Maire, a souligné que l’accord entre les 27 «marque un jour important pour l’UE». . «Nous pouvons tous nous souvenir de la réponse à la crise financière de la dernière décennie, lorsque l’Europe a fait trop peu, trop tard. Cette fois-ci, c’est différent», s’est félicité le président de l’Eurogroupe et ministre portugais des Finances, Mario Centeno.

Incapables de se mettre d’accord il y a deux semaines, les chefs d’État et de gouvernement avaient demandé à l’Eurogroupe de leur faire des propositions. Mais les discussions entre les ministres n’ont pas été plus paisibles. Bien au contraire. Les pays du Nord de l’Europe -Pays-Bas en tête- restaient sur une ligne très orthodoxe quand ceux du Sud, notamment l’Italie qui s’est en outre sentie lâchée par les Vingt-Sept au début de la crise du coronavirus, appelaient à davantage de solidarité financière. Les premiers reprochaient en substance aux seconds de ne pas avoir su gérer leurs finances publiques et conduit les réformes nécessaires au point d’être maintenant incapables de faire face à la crise du coronavirus. Une position morale très critiquée par la France mais aussi par l’Allemagne.

Les deux principaux points de blocages ont finalement été levés. Les Pays-Bas souhaitaient que les Etats membres ayant recours aux lignes de crédit du MES s’engagent à conduire, une fois la crise passée, des réformes. Des conditions dont Rome ne voulait pas entendre parler. Cela aurait été assimilé à une perte de souveraineté et aurait constitué une brèche dans laquelle se seraient engouffrés les populistes, Matteo Salvini en tête. Dans les conclusions de l’Eurogroupe, aucune condition n’apparaît. Tout au plus, est-il précisé que «par la suite, les États membres de la zone euro resteraient déterminés à renforcer les fondamentaux économiques et financiers, conformément aux cadres de coordination et de surveillance économiques et budgétaires de l’UE».

«Pas de bon compromis sans bonnes ambiguïtés»

En revanche, il est stipulé que «les États membres de la zone euro qui demandent un soutien s’engagent à utiliser cette ligne de crédit pour soutenir le financement national des coûts directs et indirects de soins de santé, de guérison et de prévention en raison de la crise Covid-19 ». Après la réunion des ministres, au cours d’un entretien en visioconférence avec quelques journalistes, le ministre néerlandais des Finances, Wopke Hoekstra, a d’ailleurs mis les points sur les «i». «Ce qui a été décidé nous convient. Mais pour chaque euro du MES qui sera dépensé sur l’économie, les règles normales de la conditionnalité devront pleinement s’appliquer», a-t-il prévenu.

L’autre point de blocage portait sur les coronabonds ou dettes mutualisées. La France, l’Italie et l’Espagne notamment, y sont favorables. Mais l’Allemagne, les Pays-Bas et d’autres pays ne veulent pas entendre parler. Ainsi, le fond de solidarité proposé par la France il y a une semaine a-t-il été quelque peu édulcoré. Il est désormais question d’«un fonds de relance pour préparer et soutenir la reprise, en accordant un financement par le biais du budget de l’UE à des programmes conçus pour relancer l’économie conformément aux priorités européennes et en garantissant la solidarité de l’UE avec les États membres les plus touchés».

Ce fonds serait, selon les conclusions de la réunion, «temporaire, ciblé et proportionné aux coûts extraordinaires de la crise actuelle et aiderait à les répartir dans le temps grâce à un financement approprié». Mais tout reste à définir : «les aspects juridiques et pratiques, ses sources de financement et, les instruments financiers innovants» sur lesquels il pourrait éventuellement déboucher. «Il n’y a pas de bons compromis sans bonnes ambiguïtés», a admis Bruno Le Maire, qui table sur un fond de 500 milliards d’euros et semble convaincu que le terme d’«instruments financiers innovants» renvoie aux eurobonds.

Sur ce sujet éminemment politique du financement de la reprise et des coronabonds, la balle est, désormais, dans le camps des leaders. Angela Merkel a rappelé jeudi qu’elle y était opposé. Et Wopke Hoekstra ne voit pas le sujet prospérer. «Il y a une majorité contre les coronabonds parmi les 19» membres de la zone euro, a-t-il assuré. «Certains États membres ont estimé que cela devrait être fait par le biais d’instruments de dette communs. D’autres États membres ont déclaré qu’il fallait trouver d’autres moyens», a également admis Mario Centeno. Bruno Le Maire veut croire que la gravité de la crise changera la donne à mesure que les Etats membres prendront conscience de son ampleur. Le sujet sera au menu de la prochaine visioconférence des Vingt-Sept dont la date n’est pas encore connue.

Après leur échec de mercredi matin, les contacts bilatéraux s’étaient multipliés pour arriver à un compromis. Il fallait infléchir les positions de La Haye et adoucir celles de Rome. «Chacun a été très marqué par les seize heures de négociation de la nuit derrière. Passées l’émotion et la fatigue, chacun a vu qu’il n’était pas possible de continuer comme ça. C’était soit un accord, soit un risque de dislocation européenne », expliquait jeudi soir Bruno Le Maire. Emmanuel Macron et Angela Merkel se sont donc employés à faire entendre raison au premier ministre néerlandais, Mark Rutte.

Une seconde nuit de discussions aurait été dévastatrice pour l’Union. Il fallait donc trouver un accord avant que ne débute la réunion. La visioconférence des ministres des Finances de l’Union, prévue à 17 heures, a ainsi été reportée une première fois d’une heure, avant d’être à nouveau décalée. Et c’est finalement à 21 heures 30 que le huis clos a commencé. Peu après 22 heures l’affaire était entendue. Certes, le chemin a été sinueux. Mais, comme l’a souligné Bruno Le Maire, il s’agit là «du plan économique le plus important et le plus rapide que l’Union ait adopté».

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