Coronavirus à bord du Charles de Gaulle : que s’est-il passé ? Un marin raconte – Le HuffPost

CORONAVIRUS – Un bilan temporaire amené à évoluer et de nombreuses questions en suspens. Selon des données publiées par le ministère des Armées, au 14 avril, au moins plus d’un tiers des marins du porte-avions Charles de Gaulle a été testé positif au nouveau coronavirus. “1767 marins [sur les quelque 1900 ndlr] du groupe aéronaval ont été testés. La grande majorité de ces tests concerne à ce stade des marins du porte-avions. 668 se sont révélés positifs”, indique ainsi le ministère. Une vingtaine sont actuellement à l’hôpital dont un en réanimation.

Ces chiffres pourraient être amenés à évoluer puisque pour 30% des tests, les résultats ne sont pas encore connus. 

Depuis dimanche et l’arrivée à Toulon de l’imposant bâtiment, les marins ont été confinés dans des sites répartis sur le Var et la région PACA. Isolés de leur famille, certains vivent plus ou moins bien cette situation. Sous couvert d’anonymat, un militaire confie notamment à France Bleu Provence avoir l’impression “d’être, tel un mouton, parqué dans une chambre”. Particulièrement remonté contre sa hiérarchie, il estime que “l’Armée a joué avec notre vie”. 

Le marin n’hésite pas à tancer ainsi les décisions qui ont été prises en haut lieu, au regard des difficultés à appliquer les gestes barrières sur le porte-avions.

“On l’a tous chopé”

Contacté par Le HuffPost, Marc*, un autre marin qui a souhaité rester anonyme déplore le manque de considération et décrit une hiérarchie débordée.

Il a ressenti les symptômes du coronavirus dès le 2 avril, notamment la perte de l’odorat. Le médecin à bord reste évasif et lui donne du doliprane. Dans le même temps, seuls les marins présentant une forte fièvre sont mis en quarantaine, les autres étant simplement surveillés.

Marc qui occupe un poste stratégique n’est pas confiné et continue de se mélanger aux autres. “En plus de ça, dans le cadre d’un exercice début avril, on a fait une surpression du bateau, un exercice de routine qui fait qu’aucun air extérieur ne peut entrer. Résultat on a donc un air vicié qui a circulé en vase clos dans les conduits”, raconte-t-il. Les conséquences sont rapides selon lui: une recrudescence de marins avec des symptômes. “Tous les jours, on en avait des nouveaux qui faisaient la queue devant l’infirmerie. Notre hiérarchie a été complètement débordée. On l’a tous chopé”, ajoute-t-il.

Selon Marc, la veille de l’arrivée à Toulon, 200 personnes ont été testées, 197 résultats se sont révélés positifs. “Franchement c’est une honte ce qu’il s’est passé, même notre commandant de base a été extrêmement choqué. On n’a pas été respectés. On était tous persuadés qu’on l’avait chopé, ça s’est répandu comme la gale”, ajoute-t-il.

Une contamination à Brest ?

Pour tenter de faire la lumière sur le déroulé des faits, deux enquêtes sont en cours. Le chef d’État major de la Marine, l’amiral Christophe Prazuck, a ordonné une enquête de commandement “afin de tirer tous les enseignements de la gestion de l’épidémie au sein du groupe aéronaval”. En parallèle fait savoir au HuffPost, le ministère des Armées, une enquête épidémiologique est également en cours. “Elle est destinée à déterminer la chronologie des faits en ce qui concerne la contamination et la propagation du virus”.

Plusieurs éléments laissent à penser que la contamination aurait pu avoir lieu lors d’une escale à Brest, entre le 13 et le 16 mars, au moment du premier tour des élections municipales. Les proches des membres de l’équipage n’ont pas été autorisés à monter sur le navire pour la traditionnelle “sortie des familles” mais les marins ont pu descendre à terre en respectant les gestes barrières et l’interdiction des rassemblements de plus de cent personnes. 

“Je ne vois pas pourquoi on aurait imposé aux marins un traitement plus restrictif que celui qu’on imposait à tous les Français. Je n’identifie aucune erreur d’appréciation”, expliquait d’ailleurs à cet égard le porte-parole de la Marine nationale, le capitaine de vaisseau Éric Lavault, à l’AFP.

Parallèlement, une relève d’une cinquantaine de personnes a embarqué lors de cette escale, de source proche du dossier. Pas moins de 2500 marins de nationalités étrangères étaient par ailleurs présents à ce moment-là dans la rade, via notamment la frégate portugaise Corte-Real, l’allemande Lübeck, la belge Leopold Ier, et le destroyer lance-missiles espagnol Blas-de-Lezo.

Selon le militaire interrogé par France Bleu Provence, certains de ses collègues présentaient des signes du nouveau coronavirus dès le 13 mars, alors que le bâtiment se trouvait encore à Brest. Or ce n’est que le 8 avril que le ministère des Armées a confirmé qu’une quarantaine de marins présentaient “depuis peu” des symptômes compatibles avec le covid-19. 

Toujours d’après le marin anonyme, le commandant du Charles de Gaulle aurait proposé d’annuler la mission pour confiner l’équipage à Brest, mais il se serait vu opposer un refus par le ministère des Armées. 

La frégate belge ?

Le ministère n’a pas précisé au HuffPost si les enquêtes se feraient notamment en concertation avec la Belgique. De fait, de tous les bâtiments qui accompagnaient le Charles de Gaule à Brest, seule la frégate belge a confirmé des cas de nouveau coronavirus. 

Le 5 mars dernier, ce bateau a rejoint le bâtiment français dans le cadre de l’opération Foch pour une durée initiale de trois semaines. 

De fait, la mission du Leopold Ier a été écourtée à la fin mars après que le 20 mars, un militaire belge a été testé positif au nouveau coronavirus et évacué. Un autre cas a été confirmé après le retour de la frégate. L’origine de ces contaminations n’est pas connue non plus. Avant de rejoindre le Charles-de- Gaulles début mars, la frégate belge avait fait escale à Malaga, en Espagne, fin février. 

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