Contre le coronavirus, l’arme de l’union sacrée – Le Monde
Editorial du « Monde ». L’intervention télévisée d’Emmanuel Macron, jeudi 12 mars, marque un tournant dans la gestion de la crise provoquée par la pandémie de Covid-19. Alors que de plus en plus de pays adoptent des mesures de confinement et que les Bourses mondiales dévissent, le président de la République n’a pas tergiversé. Il a reconnu que la France était confrontée à « la plus grave crise sanitaire depuis un siècle ». Il a prévenu que nous n’en étions « qu’au début de cette épidémie » et constaté que, « partout en Europe, elle s’intensifie ».
L’accélération de la contagion ces derniers jours est nette : 61 morts et plus de 2 800 cas recensés en France. Le président de la République a donc renoncé aux décisions au cas par cas, qui visaient jusqu’ici à freiner la propagation de l’épidémie tout en préservant autant que possible la vie économique et sociale. Il a annoncé plusieurs mesures fortes, comme la fermeture, à partir de lundi, de toutes les crèches, écoles et universités, et ce faisant signifié que le pays entrait dans une phase de combat complètement inédite.
La guerre est là, déclarée. Mais plutôt que de désigner un ennemi extérieur, comme l’a fait Donald Trump mercredi en accusant l’Union européenne d’avoir « échoué face au virus », le chef de l’Etat a cherché à faire nation : rassembler l’ensemble des forces politiques et le corps social dans la perspective de batailles à répétition. En se référant constamment à l’expertise scientifique, il n’a pas caché que l’épidémie, qui fait aujourd’hui peser le plus de risque sur les personnes âgées, pouvait revenir au cours d’une possible deuxième vague frappant alors des personnes plus jeunes.
Une épreuve redoutable
L’épreuve, par son caractère vital, sa longueur et ses implications à la fois sanitaires, économiques et sociales, s’annonce redoutable. Elle sollicite un système de soins déjà en forte tension et frappe un pays qui n’a cessé ces dernières années de se fracturer. Plus le nombre de décès va augmenter, plus l’unité du pays risque d’être mise à mal.
Emmanuel Macron l’a compris, et c’est à l’aune de l’impérieux besoin d’unité nationale qu’il faut saluer son discours et comprendre ses annonces, y compris celle, extrêmement délicate, de maintenir, dans ce contexte de crise sanitaire majeure, les scrutins municipaux des 15 et 22 mars. Le report de ces élections avait été évoqué dans la journée mais, faute de consensus avec la droite, il risquait de donner naissance à des accusations de manipulation politique et, plus grave, portait le risque de créer un mouvement de panique. L’hypothèse a finalement été écartée pour afficher, coûte que coûte, le maintien de la vie démocratique.
La crise est si grave qu’elle rebat, par ailleurs, toutes les cartes politiques. Au nom de l’« union sacrée », le chef de l’Etat n’avait pas d’autre choix que d’effectuer un virage politique sur le plan budgétaire et économique. Après avoir rendu un vibrant hommage au personnel de santé, Emmanuel Macron s’est dit prêt à mobiliser « tous les moyens financiers ». L’hôpital, qui dénonce l’insuffisance des financements depuis des mois, est désormais assuré de recevoir les moyens nécessaires.
Fortement critiqué pour avoir réduit les droits de certaines catégories de chômeurs, le président s’est engagé à ce que l’Etat indemnise les salariés contraints de rester chez eux. Le gouvernement, de son côté, est chargé de préparer un substantiel plan de relance « national et européen ». L’Etat providence n’est plus en berne. La guerre contre le virus l’a, au contraire, sanctuarisé.