Conflit Israël-Palestine : pourquoi la communauté internationale se contente-t-elle d’appels au calme ? – franceinfo

“La spirale de la violence doit cesser au Proche-Orient.” Emmanuel Macron a condamné jeudi 13 mai les affrontements meurtriers entre Palestiniens et Israéliens, appelant “au cessez-le-feu et au dialogue”. Un peu plus tôt dans la journée, le président russe, Vladimir Poutine, et le secrétaire général des Nations unies (ONU), António Guterres, avaient eux aussi appelé à l’arrêt des hostilités qui ont fait des dizaines de morts et de blessés depuis lundi.

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A ce jour, la réaction internationale semble pour l’instant se limiter à des appels au calme. Une frilosité qui pourrait durer, selon plusieurs experts joints par franceinfo.

“La réaction de la communauté internationale est très timide”, confirme Hugh Lovatt, chargé de recherche sur le Moyen-Orient au Conseil européen des relations internationales. Plusieurs raisons l’expliquent, parmi lesquelles la mise en retrait des Etats-Unis sur le sujet. “Les Américains ne se pressent pas pour réagir, ils ne veulent pas utiliser leur capital politique sur ce sujet”, observe-t-il. “Joe Biden ne veut pas se positionner face à ce qui se passe à Gaza et en Cisjordanie”, estime également Marie Kortam, chercheure associée à l’Institut Français du Proche-Orient (IFPO – Beyrouth). 

“Ils n’étaient pas prêts à cette éventualité, ils n’ont même pas d’ambassadeur à Jérusalem. Depuis son arrivée au pouvoir, Joe Biden n’a pas donné de priorité à ce dossier.”

Hugh Lovatt

expert au Conseil européen des relations internationales, à franceinfo

Il faut dire que l’administration démocrate doit composer avec l’héritage laissé par Donald Trump, qui avait reconnu Jérusalem comme capitale de l’Etat hébreu et demandé à y transférer l’ambassade américaine. “Joe Biden voulait se concentrer sur l’Iran, ce qui explique cette frilosité à intervenir, souligne Hugh Lovatt. Mais malgré ce désinvestissement, les Etats-Unis penchent clairement du côté israélien aujourd’hui”. Pour preuve, les propos d’Antony Blinken, le secrétaire d’Etat américain qui, mercredi, a jugé que si “Israël a un devoir supplémentaire d’essayer de faire tout son possible pour éviter les victimes civiles”, l’Etat hébreu avait “le droit de défendre sa population”.

Les diplomates américains ont bloqué deux fois, cette semaine, une résolution commune du Conseil de sécurité de l’ONU sur les violences, provoquant la frustration de quatre membres européens du conseil, la Norvège, l’Estonie, la France et l’Irlande. Dans un communiqué cité par The Times of Israël, ils ont qualifié jeudi d’“inquiétants et inacceptables” le “grand nombre de victimes civiles, dont des enfants, dues à des frappes aériennes israéliennes à Gaza” et “les morts israéliennes causées par des roquettes lancées de Gaza”. Ils ont également appelé Israël “à cesser les activités de colonisation, de démolition et d’expulsion [de Palestiniens], y compris à Jérusalem-Est”

Toutes les capitales européennes ne sont cependant pas prêtes à dénoncer l’action d’Israël, ce qui limite les capacités d’intervention, comme l’organisation d’un sommet. L’Allemagne a par exemple estimé qu’Israël avait “le droit de se défendre”, a rapporté l’AFP mercredi. La réaction européenne est timide et honteuse”, juge Marie Kortam. “Tant que les Etats-Unis ne bougeront pas, rien ne se passera en Europe”, ajoute-t-elle. 

“Fondamentalement, les Européens n’ont pas beaucoup de leviers vis-à-vis du Hamas. L’Union européenne ne parle pas au Hamas [elle le considère comme une organisation terroriste], analyse pour sa part Hugh Lovatt. Elle a des leviers vis-à-vis d’Israël, mais elle ne veut pas les utiliser.”

Si un dialogue peut s’engager entre Israël et le Hamas, celui-ci passera sans doute par d’autres Etats. “L’Egypte a été plusieurs fois l’acteur principal de l’obtention d’un cessez-le-feu lors de précédentes crises entre les Palestiniens et Israéliens”, rappelle Marie Kortam. Le pays avait notamment organisé des négociations au Caire entre le Hamas et Israël, qui avaient abouti à un cessez-le-feu après des violences en 2014. Le procédé s’était répété au moment d’affrontements en 2019.

“Le Qatar a aussi eu un rôle très important dans plusieurs escalades de violences ces dernières années”, ajoute Hugh Lovatt. Selon des sources diplomatiques citées par l’AFP, Doha et Le Caire, qui disposent de bonnes relations avec l’Etat hébreu, ont engagé, avec l’aide de l’ONU, une médiation avec les parties “concernées” en début de semaine.

Si en coulisses les diplomates s’activent, un retour au calme à très court terme risque d’être complexe. “Précédemment, ni le Hamas, ni Israël ne voulaient vraiment une guerre, juge Hugh Lovatt. Ici, leurs calculs ne sont pas les mêmes, à cause de changements politiques en Israël, avec l’échec de la formation d’un gouvernement, et en Palestine avec les prochaines élections [pour l’heure reportées].”

De son côté, Marie Kortam note que la flambée de violences “est partie de la colère face à l’expulsion de Palestiniens et de la colonisation de territoires palestiniens”. Ce contexte différencie la crise actuelle des précédentes, selon la chercheuse.

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