Confinement : le délit de non-respect est validé par le Conseil constitutionnel – Le Monde

Le Conseil constitutionnel a validé vendredi 26 juin le délit de non-respect du confinement qui avait été fortement contesté pendant l’état d’urgence sanitaire. Il était saisi de trois questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) au sujet de ce délit créé par la loi du 23 mars instaurant l’état d’urgence sanitaire.

L’article 3136-1 alors introduit dans le code de la santé publique au cours des débats parlementaires conduits dans les jours suivant l’entrée du pays en confinement total, prévoyait qu’après trois verbalisations pour non-respect du confinement, une nouvelle violation dans les trente jours devenait un délit puni de six mois d’emprisonnement et 3 750 euros d’amende.

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La Cour de cassation avait transmis ces trois QPC au Conseil constitutionnel le 13 mai en estimant la disposition « susceptible de porter atteinte au principe de légalité des délits et des peines », selon lequel un délit doit être clairement défini, et au « principe de la présomption d’innocence ». La procédure de QPC permet à tout citoyen d’interroger la constitutionnalité d’une disposition qui lui est opposée dans une procédure. L’avocat général avait été très critique au sujet de la définition de ce délit en évoquant « le manque de précision du texte », notamment concernant « la marge d’appréciation des forces de l’ordre, qui comporte un risque important qui confine à l’arbitraire ».

« Imprécision du texte »

Lors de l’audience du 17 juin devant le Conseil constitutionnel, l’avocat Bertrand Périer avait aussi dénoncé un texte « qui souffre d’un triple péché originel : précipitation, surenchère, affichage ». Il avait rappelé les conditions d’apparition dudit, estimant que le gouvernement voulant afficher la plus grande fermeté pour faire respecter l’interdiction de sortir de chez soi, en dehors de quelques exceptions dûment justifiées, avait bricolé ce délit avec le seuil de six mois de prison, celui qui permet de renvoyer les contrevenants en comparution immédiate devant le tribunal.

Raphaël Kempf, avocat d’un des autres requérants avait souligné que « l’imprécision du texte laissait aux forces de l’ordre une marge d’appréciation qui contient un risque d’arbitraire ». « Qu’est-ce qu’un motif familial impérieux ? », avait-il demandé aux membres de l’institution présidée par Laurent Fabius, se rapportant à l’une des exceptions que le citoyen pouvait mentionner sur son attestation avant de sortir. La définition d’un « achat de première nécessité », n’étant guère plus précise et ayant donné lieu à des scènes ubuesques avec des agents de l’Etat vérifiant ici ou là les contenus des cabas au sortir de supermarchés. Selon M. Kempf, cela revenait « à confier aux forces de l’ordre le pouvoir de déterminer ce qui est légal ou non ».

L’avocat Bertrand Périer avait aussi dénoncé un texte « qui souffre d’un triple péché originel : précipitation, surenchère, affichage »

Au cour du premier mois de confinement, Christophe Castaner, ministre de l’intérieur, avait annoncé que 1 733 gardes à vue avaient eu lieu pour des cas de violations répétées du confinement. 12,6 millions de contrôles avaient été effectués par les policiers et gendarmes depuis la mi-mars, ayant donné lieu à 762 106 verbalisations.

Présomption d’innocence

Dans sa décision de vendredi, le Conseil constitutionnel estime que « ni la notion de verbalisation, qui désigne le fait de dresser un procès-verbal d’infraction, ni la référence aux “déplacements strictement indispensables aux besoins familiaux et de santé” ne présentent de caractère imprécis ou équivoque. Par ailleurs, en retenant comme élément constitutif du délit le fait que la personne ait été précédemment verbalisée “à plus de trois reprises”, le législateur n’a pas adopté des dispositions imprécises. »

Selon les gardiens de la Constitution, la loi était donc claire, le citoyen savait qu’il n’avait pas le droit de sortir au nom de l’état d’urgence sanitaire. Le législateur « a défini les éléments essentiels de cette interdiction. Il y a ainsi apporté deux exceptions pour les déplacements strictement indispensables aux besoins familiaux et de santé », lit-on dans la décision. Le Conseil se prononce sur la conformité d’un texte par rapport aux principes constitutionnels et conventionnels, pas sur la manière dont le gouvernement ou les forces de l’ordre le mettent en œuvre.

La décision de vendredi écarte un autre grief soulevé au sujet de la présomption d’innocence, les droits de la défense et le droit à un recours juridictionnel effectif. De fait, la loi fait passer la violation du confinement d’une simple contravention à un délit au bout de la quatrième violation dans les trente jours… sans laisser la possibilité de contester éventuellement la réalité des premières infractions devant un juge. Les avocats avaient rappelé que le délai légal de contestation d’une contravention, de quarante-cinq jours habituellement, avait été porté à quatre-vingt-dix jours pendant l’état d’urgence.

Le Conseil constitutionnel leur rétorque qu’il n’y a aucune présomption de culpabilité, puisque le tribunal correctionnel saisi en comparution immédiate « apprécie les éléments constitutifs de l’infraction et notamment la régularité et le bien-fondé des précédentes verbalisations ».

Si ce délit n’est plus en vigueur depuis le 11 mai et la fin du confinement, il reste inscrit dans la loi. Le gouvernement est donc en mesure de l’actionner de nouveau en cas de restrictions de déplacement imposées à une partie du territoire, comme l’y autorise jusqu’à l’automne la loi organisant la sortie de l’état d’urgence sanitaire.

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