Commission européenne : on vous explique pourquoi le rejet de la candidature de Sylvie Goulard plonge la Fr… – Franceinfo

L’ancienne ministre désignée par Emmanuel Macron n’a pas été retenue pour le poste de commissaire européen, jeudi. Un camouflet pour la France, qui doit rapidement proposer un nouveau candidat. 

Recalée après l’oral de rattrapage. La candidature de la Française Sylvie Goulard au poste de Commissaire européen au Marché intérieur a été rejetée, jeudi 10 octobre, lors d’une seconde audition. Parmi les eurodéputés, 82 ont voté contre sa nomination, 29 pour, et un s’est abstenu. 

Enarque, polyglotte, experte des institutions européennes, l‘ancienne et éphémère ministre française des Armées, avait, à première vue, le CV idéal pour le poste de commissaire. Motifs du rejet, réaction de la France, nouvelle candidature… Cette décision soulève plusieurs interrogations. 

Pourquoi sa candidature a-t-elle été rejetée ?

L’ancienne députée européenne (2009-2017) est sous le coup de deux enquêtes, une de la justice française et une de l’Office européen de lutte anti-fraude (Olaf). Elles concernent l’affaire des emplois présumés fictifs des eurodéputés du MoDem, qui avait entraîné la démission de Sylvie Goulard du gouvernement d’Edouard Philippe le 21 juin 2017, après un mois d’exercice. 

Les eurodéputés avaient également des réserves sur un possible conflit d’intérêts, concernant son travail de “consultante”, entre 2013 et janvier 2016, pour l’Institut Berggruen, alors qu’elle était députée européenne. Pour ces activités au sein du think tank fondé par le milliardaire américano-allemand Nicolas Berggruen, elle a reçu “plus de 10 000 euros” brut par mois, a indiqué l’Olaf.

Les doutes exprimés sur son intégrité et son indépendance lui ont imposé de répondre à des questions écrites après sa première audition le 2 octobre. Elles ont été jugées insuffisantes et l’ont obligée à se soumettre à l’épreuve d’une seconde audition, jeudi, à l’issue de laquelle elle n’est pas parvenue à lever le scepticisme des eurodéputés. Sylvie Goulard avait de nouveau fait valoir que si “l’usage” veut en France qu’un ministre mis en examen démissionne, “un tel usage n’existe pas dans les institutions européennes”.

Ce rejet n’est pas une réelle surprise. “Tout le monde est contre Goulard sauf Renew Europe”, la formation à laquelle elle appartient, avait indiqué à l’AFP une source parlementaire avant le vote. Sa nomination au poste de commissaire européen au Marché intérieur était compromise depuis la décision des conservateurs du PPE, première force politique du Parlement européen, de voter contre sa candidature. 

Pourquoi ce rejet met-il la France dans une position délicate ?

C’est la première fois qu’un candidat présenté par la France pour un poste de commissaire est recalé par le Parlement européen. A l’annonce du rejet de la candidature de Sylvie Goulard, Emmanuel Macron n’a pas caché son agacement“J’ai besoin de comprendre ce qui s’est joué de ressentiment, peut-être de petitesse, mais j’ai besoin de comprendre”, a-t-il lancé lors d’une conférence de presse à Lyon. “C’est le vote des mauvais perdants”, a estimé sur franceinfo l’eurodéputée LREM Nathalie Loiseau.

Emmanuel Macron a rejeté la responsabilité du choix de la candidate française sur la présidente de la nouvelle Commission, Ursula Von der Leyen. “Je me suis battu pour un portefeuille, j’ai soumis trois noms. On m’a dit ‘votre nom est formidable, on le prend’ et puis on me dit finalement ‘on n’en veut plus’. Il faut qu’on m’explique”, a lancé le président français.

Proposer une candidature entachée par deux affaires était “risqué”, analyse Richard Stock, directeur général du Centre européen Robert Schuman, contacté par franceinfo. “Une partie des eurodéputés en veulent au chef de l’Etat d’avoir eu la peau, en juin, du système des Spitzenkandidaten qui voulait que la tête de la liste arrivée en tête aux européennes devienne président de la Commission. D’où la nécessité d’envoyer à Bruxelles une personnalité inattaquable”, rapporte Libération. Emmanuel Macron s’était opposé à la nomination à la présidence de la Commission européenne de Manfred Weber, chef de file du PPE, arrivé en tête des élections législatives européennes.

Ce n’est cependant pas la première fois qu’un candidat présenté par un des pays fondateurs de l’Union européenne (Allemagne, Belgique, France, Italie, Luxembourg, Pays-Bas) est recalé. Les élus avaient refusé en 2004 le candidat italien. En revanche, la situation actuelle est “exceptionnelle par le nombre”, indique Richard Stock. Sylvie Goulard est la troisième candidate recalée par les députés européens après le conservateur Hongrois Laszlo Trocsanyi (PPE) et la socialiste roumaine Rovana Plumb.

Et maintenant, que va-t-il se passer ?

Emmanuel Macron a indiqué qu’il demanderait des “explications” à Ursula von der Leyen. Il doit désormais désigner un nouveau candidat, qui sera également soumis à un vote des eurodéputés. “Tant que l’ensemble des commissaires n’a pas eu la confiance du Parlement européen, la nouvelle Commission n’entre pas en fonction”, explique Richard Stock.

Ursula von der Leyen a pressé la France, la Hongrie et la Roumanie de désigner de nouveaux candidats. “Nous devons maintenant organiser sans délai la suite du processus avec le Parlement, afin que l’Europe soit rapidement en mesure d’agir”, a-t-elle insisté. Le Parlement doit voter l’investiture de la nouvelle Commission le 24 octobre lors de sa session plénière à Strasbourg. L’entrée en fonction de la Commission est prévue le 1er novembre. “C’est un calendier serré, mais c’est jouable”, confie Richard StockSi toutefois la nouvelle Commission n’est pas formée d’ici là, alors l’actuelle Commission aura la tâche d’“expédier les affaires courantes”, détaille le spécialiste.

Outre le planning, une autre difficulté s’impose à la France. Celle du portefeuille. En plus du Marché intérieur, le portefeuille pour lequel était candidate Sylvie Goulard regroupait également l’Industrie, la Défense, l’Espace, le Numérique et la Culture, doté de budgets de plusieurs dizaines de milliards d’euros. Les groupes politiques, qui ont jugé que les attributions confiées à l’ancienne ministre française était trop nombreuses, plaident pour une redistribution.

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