Comment le coronavirus exacerbe les tensions entre Macron et Philippe – RTL.fr

La fin d’un compte-à-rebours et le début d’une mission hautement périlleuse. C’est ainsi que se dessine l’avenir des prochaines heures pour Édouard Philippe. Le Premier ministre présente, ce mardi 28 avril, le tant attendu plan de déconfinement qui devrait débuter le 11 mai prochain, selon les volontés d’Emmanuel Macron. Attendu au tournant, le chef du gouvernement devra dévoiler les modalités d’une reprise de l’activité en France et les conditions d’un semblant de retour à la “vie normale” des Français. 

Mais pas que. Cette crise sanitaire liée au coronavirus est devenue une crise économique mais aussi politique à plusieurs niveaux. L’unité nationale tant souhaitée par Emmanuel Macron n’a jamais pris corps et ce dès les premiers instants du confinement, jusqu’à la présentation du plan de déconfinement. 

Le coronavirus s’est aussi immiscé au sommet de l’État, entraînant une série de tensions entre le président de la République et son premier ministre. Un duo exécutif qui avait réussi jusque-là, en dépit de certaines tensions, à se préserver des pièges de la Vème République

Cap sur le 11 mai et mise sous pression d’Édouard Philippe

Une divergence en début de crise pourrait avoir entraîné un craquèlement de la confiance entre le président de la République et son premier ministre. Retour à la date du 15 mars 2020 : le premier tour des élections municipales. Quelques jours plus tôt, Emmanuel Macron s’était exprimé pour la première fois sur la crise du coronavirus en évoquant les premières mesures de confinement. Qu’en est-il alors du scrutin ? A l’époque Édouard Philippe n’y est pas favorable, à titre personnel. Selon François Bayrou, Emmanuel Macron lui était en faveur du report du premier tour des élections. Mais finalement, le président décidera de les maintenir. Un élément sur lequel, le chef de l’Etat avait jugé bon de revenir lors de son entretien au Point

L’autre date-clé sera celle du 11 mai et plus précisément l’allocution dans laquelle le président de la République dévoile les prémices d’un déconfinement. Sans entrer dans les détails techniques et la mise en pratique concrète d’une telle opération, le président de la République a ainsi fixé le cap, laissant au premier ministre le soin d’élaborer le plan qui en découle. Certains y voient un compte-à-rebours enclenché pour Édouard Philippe. Le premier ministre “a été littéralement mis devant le fait accompli, ce qui explique aussi l’improvisation du gouvernement dans les heures qui ont suivi”, confiait un initié de Matignon à La Tribune. Mais un conseiller de Matignon veut couper court à toute polémique : “Du bullshit”, d’après lui. “Il n’y a pas de premier ministre mis au pied du mur”, ajoute-t-il dans Le Monde.

Une brèche existe-t-elle ? L’Élysée se défend de tout flottement dans sa communication. “C’est un réglage permanent, les questions du déconfinement sont si complexes qu’il y a parfois des imprécisions. Eh bien nous les clarifions, c’est comme ça. Et le chef de l’État est aussi à l’écoute de la demande sociale qui s’exprime ce qui peut l’amener à corriger parfois le message comme il l’a fait sur la question du déconfinement de nos anciens, c’est son rôle“, confie-t-on au Parisien. “Le Président a fait le choix de clarifier les responsabilités : il donne le tempo, tandis que le premier ministre et le gouvernement gèrent la crise. Le président soutient le premier ministre, mais il le challenge aussi”, estime un proche d’Emmanuel Macron.

Couacs dans la communication à répétition

Le point culminant de ces tensions a eu lieu il y a quelques jours. Alors que Matignon planche avec assiduité sur l’élaboration du plan de déconfinement, Emmanuel Macron s’entretient avec les élus locaux, personnes clés dans la mise en pratique des mesures. L’Élysée balaie alors la possibilité de faire un déconfinement par région. Mais de son côté, Édouard Philippe assure aux présidents de région que l’option adoptée sera “par région”. “L’Élysée rajustera, dans la soirée, sa position pour éviter un sentiment de cafouillage”, note Le Figaro.

“Le Président n’hésite pas à prendre des risques. Matignon a une démarche plus technique, plus précautionneuse, ce sont des différences de culture”, explique un historique de la campagne de Macron au journal. Ces couacs laissent alors émerger la possibilité de deux lignes au sommet de l’État, même si dans les couloirs de Matignon, on refuse de reconnaître l’existence de tensions. “C’est plus tendu qu’on ne le pense entre eux deux”, concède néanmoins un habitué de Matignon dans Le Figaro.

La crise du coronavirus a de fait placé Édouard Philippe au premier rang. Un exercice inédit dans lequel le Premier ministre a su prendre ses marques. “Il est dans une lessiveuse, mais il reste très précis. Quand il rentre dans un dossier, il le connaît sur le bout des doigts”, analyse un membre du gouvernement dans Le Monde. Selon le député LaREM Guillaume Chiche, “l’heure de vérité” a sonné pour le premier ministre. “Le président a décidé de le mettre en responsabilité. C’est son moment politique. Il doit gérer à fond la crise et il le fait bien“, explique-t-il au quotidien du soir.

Gouvernement d’union nationale, Philippe vers la sortie ?

Autant de compliments adressés au premier ministre. Mais cela pourrait aussi sonner la fin de son travail à Matignon, si la politique reprend ses droits. Emmanuel Macron prépare activement le jour d’après. “S’il faut donner le sentiment d’une nouvelle période, Édouard Philippe peut en être victime. Le premier ministre est un airbag pour le président de la République, un prestigieux accessoire. On peut avoir besoin de le garder ou pas, indépendamment de ses mérites“, analyse un habitué de Matignon. 

Un rappel à la réalité et au fonctionnement de la Ve République. Le Parisien évoquait la possibilité pour Emmanuel Macron de mettre en place un gouvernement d’union nationale, composé de personnalités issues de différentes sensibilités politique. 71% des Français seraient favorables à la constitution d’un gouvernement d’union nationale pour affronter la crise du coronavirus et ses conséquences, selon un sondage Ifop pour La Lettre de l’Expansion.

Une nouvelle hypothèse qui donne des idées à certains. “Le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, se positionne clairement pour récupérer Matignon”, peut-on lire.  “À droite, ils sont tous au taquet pour entrer au gouvernement ! Larrivé, Aubert, Abad, Retailleau, Muselier, Pécresse, Morin… Mais je pense que l’Élysée fait du poker menteur pour appâter les uns et les autres… sans jamais rien leur donner, ironise une figure de LR cité par La Tribune. C’est devenu Tinder : l’application pour former un gouvernement”. Et le Président dans tout cela ? “Est-ce une manière de conforter un peu plus Emmanuel Macron, de faire taire les critiques, ou au contraire d’anticiper une voie de sortie d’ici 2022 ?“, questionne-t-on dans La Tribune

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