Comment Castaner s’entend-il avec ses flics ? – Le Parisien

Jeudi 3 octobre au soir, Christophe Castaner apprend de nouveaux éléments sur Mickaël Harpon. Agacé, il téléphone à des huiles de la préfecture de police, convaincu qu’on lui a menti quelques heures plus tôt, avant sa prise de parole. À 16h30, alors que l’informaticien vient de tuer quatre de ses collègues, le ministre de l’Intérieur évoquait un fonctionnaire n’ayant « jamais présenté de difficulté comportementale ».

À cet instant, selon nos informations, il n’a alors eu qu’un briefing oral par Didier Lallement, le préfet de police, lui-même briefé par la hiérarchie de la direction du renseignement de la préfecture (DRPP), le service de Harpon. « Castaner a pris pour argent comptant les premières informations, souligne une source policière. Il aurait dû faire preuve de prudence. » « Comme à la Pitié-Salpêtrière avec le personnel soignant, il semble avoir été pris par l’émotion des policiers. Il ne tire pas les leçons de ses erreurs », confie une autre source.

Le ministre s’est donc pris les pieds dans le tapis, bien aidé par une remontée d’informations lacunaires. Il est pourtant difficile de croire que personne dans la hiérarchie de la DRPP n’ait été au courant des propos de Harpon après Charlie Hebdo, de son souhait de « ne plus avoir certains contacts avec les femmes »… Comment expliquer aussi que personne n’ait parlé au ministre du blâme reçu par l’informaticien en 2012?

«La question de la loyauté dans son entourage se pose»

Selon des sources concordantes, Françoise Bilancini, patronne de la DRPP, qui connaissait Harpon pour avoir fait appel à ses compétences en informatique et pensait l’homme sans problème ni passif, n’aurait pas pris la peine de se renseigner auprès de ses collègues, ni de consulter son dossier disciplinaire. Elle l’aurait reconnu dans un rapport que le ministre de l’Intérieur a évoqué ce dimanche sur TF1. « De telles omissions n’auraient pas eu lieu sous Sarkozy ou Cazeneuve, qui savaient taper du poing sur la table, estime Yves Lefebvre, du syndicat Unité SGP. La question de la loyauté dans son entourage se pose. »

Malgré ce raté, le ministre n’est pas apparu offensif lors de son interview télévisée. Même si les jours de la directrice de la DRPP semblent comptés, Christophe Castaner a préféré mettre en avant les enquêtes en cours plutôt que d’annoncer couper des têtes. Il faut dire que des fusibles, les ministres de l’Intérieur d’Emmanuel Macron, en ont déjà fait sauter : le préfet de Lyon après une attaque au couteau à Marseille, des commissaires dans l’affaire Benalla, le préfet de police de Paris après un samedi des Gilets jaunes.

« On met aujourd’hui la faute sur les hommes de la DRPP, déplore un commissaire. C’est trop facile… » « Les collègues trouvent sa réponse insuffisante », estime un autre.

«On a besoin d’actes»

Christophe Castaner se retrouve fragilisé. Au point de perdre la confiance de policiers bienveillants avec leur ministre? « L’affaiblissement de la parole du ministre nous inquiète », reconnaît Jean-Paul Mégret, du syndicat indépendant des commissaires. Castaner est-il encore assez fort pour tenir ses promesses? « Il est dans les cordes, avoue Yves Lefebvre. Mais il peut se relever et les engagements viennent de plus haut. » « Il a un bon contact avec les policiers, estime aussi Fabien Vanhemelryck, secrétaire général du syndicat Alliance. Mais on a besoin d’actes. On le jugera sur ça. »

Des actions, les syndicats en attendent aussi pour que le drame de la PP ne se reproduise pas. « On a besoin de savoir si le gouvernement réfléchit à un texte pour lutter contre la radicalisation dans la police », questionne Fabien Vanhemelryck. « On doit pouvoir écarter des profils inadéquats en couvrant juridiquement ceux qui enclenchent la démarche », appuie David Le Bars, du Syndicat des commissaires de la police nationale.

Beaucoup de policiers sont pour l’heure réticents à signaler leurs collègues de peur d’être taxés de discrimination ou d’islamophobie. L’élaboration d’un tel texte, réclamé en interne, ne manquerait pourtant pas d’entraîner des débats passionnés. Trop pour un ministre déjà affaibli ?

Leave a Reply

Discover more from Ultimatepocket

Subscribe now to keep reading and get access to the full archive.

Continue reading