Combativité, humour et sens de la fête : le parfum inimitable du mouvement de protestation libanais – Le Monde

Depuis le début du mouvement de protestation populaire contre la corruption de la classe politique, les manifestants rivalisent d’inventivité et d’ironie, dans la rue et sur les réseaux sociaux.

Par Publié aujourd’hui à 13h28, mis à jour à 13h56

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L’art de vivre à la libanaise donne au mouvement de protestation qui secoue le pays du Cèdre depuis bientôt deux semaines un style unique dans l’histoire des récentes révoltes arabes. Humour ravageur, résilience têtue, sens de la fête : tous ces traits du génie local se retrouvent dans les manifestations et dans le flot de publications qui les accompagnent sur les réseaux sociaux. C’est à croire que plus la situation se tend, plus la créativité des Libanais s’épanouit. Passage en revue de quelques perles et moments de grâce, glanés sur le terrain ainsi que sur Facebook et Twitter.

Le coup de pied fondateur

C’est l’image iconique de la révolution libanaise. Dans la soirée du jeudi 17 octobre, alors que les premiers rassemblements de colère se forment dans le centre de Beyrouth, en réaction à l’annonce d’une nouvelle taxe sur les appels par Whatsapp, l’un des gardes du corps du ministre de l’éducation s’attaque, kalachnikov au poing, à un groupe de manifestants qui bloque le passage. Dans la mêlée, une jeune femme inflige au malabar un coup de pied dans l’entrejambe qui le force à reculer.

La scène, digne d’un film de karaté, est filmée, téléchargée et regardée des centaines de milliers de fois. Sa force subversive la catapulte au rang d’image fondatrice de la révolte antigouvernementale libanaise. Rami Kanso, un designer graphique local, en a tiré une représentation stylisée qui est devenue à son tour virale.

La jeune effrontée, nommée Malak Alaywe Herz, s’est, de son côté, mariée. Et faute d’argent pour louer une salle, elle a célébré ses noces parmi les manifestants du centre de Beyrouth.

« Tous, mon mari compris »

Le slogan numéro un des manifestants est « kellon ya’ani kellon » (tous, ça veut dire tous), une injonction dégagiste, qui appelle à la démission de tous les membres du gouvernement, sans exception. Reprise du nord au sud du Liban, elle a aussi été détournée par bon nombre de Libanais, dont le second degré, en période de tensions, est comme une seconde peau. L’épouse anonyme qui brandit cette affiche a écrit dessus : « Tous, ça veut dire tous et mon mari en fait partie. »

La pancarte que tient, pour sa part, le manifestant ci-dessous détaille, parti par parti, la refonte de la classe politique à laquelle aspirent les protestataires : « Je veux Dieu [Allah en arabe] sans son parti [hezbo] », est-il écrit dans un pied de nez au Hezbollah, le parti-milice chiite. « Je veux de l’espoir [amal] sans le mouvement [harakat] », une allusion au mouvement Amal, une autre formation chiite. « Je veux de la force [quwa] sans les Forces [quwat] », une référence aux Forces libanaises, une faction de droite chrétienne. Et ainsi de suite pour tous les autres membres du gouvernement.

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