Climat : Pourquoi ce sommet spécial de l’Onu ressemble-t-il fort à un conseil de discipline ? – 20 Minutes

L«Les engagements climatiques pris à Paris ne suffisent pas — DREW ANGERER / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP
  • L’Accord de Paris prévoit que les pays renouvellent ou révisent à la hausse leurs engagements climats d’ici à la fin 2020
  • Aucune copie n’a été rendue à ce jour et « le fossé se creuse entre le constat alarmant dressé par la science et les faibles engagements actuels des pays à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre », pointe Clément Sénéchal, de Greenpeace.
  • Ce lundi, Antonio Guterres tape du poing sur la table en convoquant un sommet spécial à New York dédié à cette question de l’ambition climatique.

C’est un sommet spécial qui ressemble fort à un conseil de discipline. Ce lundi, à New York, Antonio Guterres, le secrétaire général de l’Onu, convoque l’ensemble des chefs d’Etats et de gouvernement pour parler « ambition climatique ».

Son constat, qu’il rappelait encore fin août au G7 de Biarritz, est implacable. Non seulement les promesses faites par les pays pour réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) d’ici 2030 ne sont pas tenues. Mais elles sont aussi insuffisantes pour contenir l’augmentation moyenne des températures d’ici 2100 bien en dessous des 2°C [par rapport aux niveaux préindustriels] et autant que possible à 1,5°C. C’était pourtant l’engagement pris par la communauté internationale dans l’ Accord de Paris sur le climat signé à la COP21 en 2015.

L’euphorie est depuis retombée. Le sommet Action Climat de lundi suffira-t-il à lancer un nouvel élan ? 20 Minutes fait le tour des enjeux.

Qu’attend Antonio Guterres du sommet de ce lundi ?

Le secrétaire général de l’Onu a maintes fois annoncé la couleur : « je veux qu’on me dise comment nous allons mettre fin à l’augmentation des émissions d’ici à 2020, et réduire les émissions de façon drastique pour atteindre la valeur nette de zéro émissions d’ici le milieu du siècle », déclarait-il ces derniers jours encore.

Ce « comment » est détaillé dans les « contributions déterminées au niveau national » (NDC en anglais) ». En clair, ce sont les plans d’action établis par chaque pays pour réduire leurs émissions de GES, secteur par secteur, d’ici 2030 et ainsi remplir leur part du contrat de l’Accord de Paris sur le climat.

Le problème est que les actuels engagements des Etats nous conduisent bien plus vers un monde à +3°C d’ici la fin du siècle. C’est tout l’enjeu du sommet de lundi : que les Etats revoient à la hausse leurs ambitions climatiques.

Pourquoi les engagements des Etats ne sont-ils toujours pas en phase avec l’objectif des 2°C ?

L’essentiel de ces plans d’actions a été posé sur la table avant la COP21. « L’idée était justement de préparer le terrain à l’Accord de Paris en montrant qu’un grand nombre de pays étaient prêts à faire des efforts pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre », rappelle Lola Vallejo, directrice du programme climat de l’Iddri (Institut du développement durable et des relations internationales).

Sauf que, par définition, avant l’accord de Paris, il n’y avait pas d’objectif universel précis sur lequel s’appuyer. « D’une certaine façon, les pays pouvaient définir leur plan d’action climatique selon leur bon vouloir », indique Lola Vallejo. « Ils ont été faits un peu à l’aveugle, poursuit Clément Sénéchal, porte-parole “climat” pour Greenpeace France. Or, depuis 2015, la science a beaucoup progressé dans l’appréhension des conséquences du réchauffement climatique et de ce qu’il faut entreprendre pour les limiter au maximum. »

Le dernier rapport du Giec (Groupe d’expert intergouvernemental sur l’évolution du climat) a notamment fait grand bruit en octobre dernier. Il montrait que même limité à +1,5°C, le réchauffement climatique ne sera pas sans conséquence pour la vie sur Terre et il réitérait l’urgence d’atteindre la neutralité carbone* avant 2050.

Pourquoi fallait-il en passer par un sommet spécial ?

L’Accord de Paris prévoit que les pays renouvellent ou révisent à la hausse leurs engagements climat d’ici à la fin 2020. Autant dire que l’échéance arrive à grand pas. « Or aucune copie n’a encore été rendue à ce jour », lance Clément Sénéchal. Devant ce manque d’enthousiasme, Antonio Guterres a rajouté le sommet spécial de lundi à l’agenda climatique. « Ban Ki-Moon, son prédécesseur, avait fait de même en 2014 lorsque la communauté internationale ne parvenait pas à s’entendre sur un accord universel sur le climat pour remplacer le protocole de Kyoto** », raconte Lola Vallejo.

Lorsque l’heure est grave, c’est une façon de mettre la pression sur les chefs d’Etats et de gouvernement. « Le secrétaire général de l’ONU peut se permettre des choses que ne pourrait jamais faire un chef d’Etat, résume la directrice du programme climat de l’Iddri. Antonio Guterres a ainsi adressé une première lettre à tous les chefs d’État puis une autre encore à ceux du G7 dans lesquelles il expose ses attentes : « plus de nouvelles centrales à charbon à partir de 2020 », « la neutralité carbone en 2050 », « plus de subventions aux énergies fossiles » etc… 

Pourquoi fixer de nouveaux objectifs quand les engagements déjà pris ne sont pas tenus ?

Les émissions mondiales de gaz à effet de serre sont reparties à la hausse ces dernières années, augmentant de 1,6 % en 2017 et 2,7 % en 2018. « Les émissions françaises restaient en 2018, 4,5 % plus élevées que nos objectifs fixés », rappelait, ce mercredi, l’observatoire climat-énergie des ONG Réseau Action Climat et CLER. « Il faudra bien qu’un jour nos politiques publiques se mettent au diapason de nos engagements », fustige Clément Sénéchal.

Néanmoins, se fixer des objectifs à long terme reste capital. « C’est de ce cadre général que doit découler tout le reste, y compris les actions à entreprendre à court terme, insiste Lola Vallejo. L’erreur serait par exemple, pour un pays dépendant du charbon, de vouloir passer entièrement au gaz naturel. Certes, il aura réduit ses émissions de GES. Mais il aura aussi investi massivement dans des installations prévues pour durer 30 à 40 ans et qui l’empêcheront demain de basculer vers des énergies moins émettrices encore, lorsqu’il s’agira d’atteindre la neutralité carbone. »

Reste à savoir ce que l’on entend par « long terme ». Le sommet de lundi devrait se pencher sur deux horizons : 2050, date à laquelle l’Onu demande d’avoir atteint la neutralité carbone, et 2030, date jusqu’à laquelle les pays doivent faire courir leur plan d’action. « Les deux horizons sont importants, commence Clément Sénéchal, mais c’est bien des annonces sur les objectifs 2030 que dépendra la réussite de ce sommet spécial de l’Onu. »

Qu’attendre de la France à ce sommet ?

La bonne question est plutôt « qu’attendre de l’Union européenne ? » « Car la France et les autres pays de l’UE n’ont en effet qu’une NDC commune, négociée à Bruxelles et que chaque pays membre décline ensuite à son échelle », explique Lola Vallejo.

Jusqu’aux dernières élections, la commission européenne proposait de relever son objectif de réduction des émissions de GES à 45 % d’ici à 2030, contre 40 % pour l’objectif actuel. La nouvelle commissaire européenne [l’Allemande Ursula von der Leyen] s’est engagée, elle, à fixer un objectif de réduction de 50, voire 55 % d’ici à 2030.

Il lui reste à convaincre les 28 états membres. Or, les discussions patinent, « les pays du groupe de Visegrad (République Tchèque, Slovaquie, Hongrie et Pologne) – qui puisent une part importante de leur énergie dans le charbon- font bloc notamment », précise Clément Sénéchal.

Résultat : « il y a plein de choses positives qui émanent de l’UE sur les questions climatiques, commence Lola Vallejo. Mais elle n’est pas encore en mesure d’affirmer qu’elle se fixera l’objectif de neutralité carbone en 2050, ni de dire le niveau d’ambition de sa future NDC. Dommage. Il aurait été précieux que des pays déposent bien avant fin 2020 leurs nouvelles contributions pour espérer un effet d’entraînement. »

* La neutralité carbone est ce point d’équilibre entre la quantité d’émissions de gaz à effet de serre émise dans le monde et la capacité qu’à la Terre de capter et stocker du dioxyde de carbone.

**Signé en 1997 et entrée en vigueur en 2005, le protocole de Kyoto est le premier accord international de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

31 partages

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *