
Climat: la France se réchauffe plus que prévu – Le Figaro

Les températures dans l’Hexagone pourraient augmenter en 2100 de 3,8 °C en moyenne par rapport au début du XXe siècle, si les émissions de gaz à effet de serre ne baissent pas drastiquement.
Pourtant parmi les plus modérés sur leurs prévisions du climat futur, des chercheurs du CNRM (Centre national de recherches météorologies) et du CNRS établissent que la température moyenne en France en 2100 pourrait connaître une hausse 50 % plus élevée que les précédentes estimations.
Ne sachant pas quelles quantités de gaz à effet de serre seront émises au cours du siècle, les chercheurs ont fait tourner leurs modèles avec quatre scénarios d’évolution des émissions. Dans le «scénario médian », où les émissions de gaz à effet de serre devraient stagner jusqu’en 2060 puis décroître, le réchauffement devrait atteindre 3,8 °C en France en 2100 par rapport aux températures du début du XXe siècle. Dans le scénario le plus optimiste, avec une baisse rapide et immédiate des émissions globales, le réchauffement national serait de 2,3 °C à la fin du siècle.
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À l’inverse, l’absence totale d’effort pour réduire les rejets de CO2 conduirait à + 6,7 °C en 2100. Dans tous les scénarios, la hausse des températures serait plus élevée l’été que l’hiver. Des étés très chauds et secs comme celui qu’on vient de vivre en France et des hivers plus cléments, qui poseraient des difficultés sérieuses pour l’agriculture, notamment une floraison plus précoce suivie par une période de gels comme ces deux dernières années, risquent de devenir la règle et même s’aggraver dans le futur.
Résultats «très anxiogènes»
Ces résultats ont été publiés le 4 octobre dans la revue Earth Systems Dynamics. Les chercheurs rappellent qu’en 2020, la température moyenne en France était déjà en hausse de 1,7 °C. C’est davantage que le +1,1 °C à +1,2 °C enregistré pour l’ensemble de la planète. La raison de cette différence est simple : le réchauffement est moindre sur les océans et autour de l’Équateur, mais il est plus marqué sur les terres émergées aux latitudes moyennes et encore davantage aux pôles.
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L’originalité de la prévision pour la France a été « d’utiliser les données apportées par les observations d’une trentaine de stations météorologiques depuis 120 ans », explique Aurélien Ribes, chercheur spécialisé sur le climat au CNRM et premier auteur de la publication. Ces observations ont été combinées aux modèles du climat les plus récents du Giec (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat). Il y a eu une bonne concordance entre les prévisions et les mesures, mais pas au cours des quarante dernières années, où les relevés de températures étaient plus élevés que celles prédites par les modèles.
Ce décalage s’explique par l’effet de la pollution atmosphérique, protectrice contre le réchauffement jusque dans les années 1980 avant la mise en place de stratégies publiques efficaces. « Cet impact des aérosols qui a limité le réchauffement dans une large partie du monde est connu depuis de nombreuses années, rappelle Aurélien Ribes. Mais il s’agit de la première étude d’attribution en France qui montre qu’il y a eu un effet “parasol” de ces polluants atmosphériques qui a masqué la quasi-totalité du réchauffement climatique lié aux émissions de gaz à effet de serre jusque dans les années 1980 dans l’Hexagone. »
La machine climatique a une énorme inertie. Même si nous arrêtions demain d’émettre des gaz à effet de serre, le réchauffement se poursuivra pendant vingt ou trente ans
Frédéric Hourdin, chercheur au CNRS au Laboratoire de météorologie dynamique
Ces nouveaux modèles ne sont pas assez précis pour donner une idée de ce qu’il va se passer région par région dans la France de 2100. Les chercheurs ont fait confiance « aux dizaines de modèles du Giec qui ont une définition de mailles d’environ 100 km de côté », précise Aurélien Ribes. En revanche, un prochain modèle du CNRM vise à diviser par 10 la taille de chaque maille pour prédire plus localement les impacts du réchauffement.
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Ces résultats « sont très anxiogènes, reconnaît Frédéric Hourdin, chercheur au CNRS au Laboratoire de météorologie dynamique, qui coordonne l’autre modèle français du climat. Ils donnent un avenir sombre de ce qui pourra se passer. Ils doivent nous convaincre avant tout de réduire nos émissions de gaz à effet de serre le plus tôt possible. La machine climatique a une énorme inertie. Même si nous arrêtions demain d’émettre des gaz à effet de serre, le réchauffement se poursuivra pendant vingt ou trente ans ».
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