
Clémentine Autain : « Les propos d’Adrien Quatennens vont rouvrir le débat » sur sa réintégration au groupe – Le Journal du dimanche

Adrien Quatennens a été condamné. Depuis, ses expressions publiques mettent mal à l’aise un certain nombre de députés Insoumis. Et vous ?
Je suis restée clouée au sol. Le lendemain de sa condamnation et de la décision de notre groupe à l’Assemblée nationale de le réintégrer dans quatre mois, Adrien Quatennens n’a pas su faire profil bas. Après une peine plutôt sévère pour violences envers sa femme et pour envoi malveillant de messages, il donne sa version des faits en mettant sévèrement en cause Céline Quatennens qui aurait, dit-il, un « sentiment de pleine puissance et de plein pouvoir ». Il raconte qu’elle est incohérente et qu’elle l’a menacé. Il insinue qu’elle agit pour de l’argent. Il enferme son épouse dans son propre récit. Autrement dit, filant le registre de la dispute amoureuse, il renverse les rôles de la victime et du coupable. Cette communication sonne comme une provocation. Il a réfuté méthodiquement tous les principes féministes. Il n’a tenu aucun compte du point d’équilibre trouvé démocratiquement au sein de notre groupe et des mots que nous avons posés.
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Son choix de défense individuelle pèse sur notre collectif politique
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N’a-t-il pas le droit de se défendre ?
Bien sûr Adrien Quatennens a le droit de se défendre et de dire sa vérité. Mais, comme nous avions délibéré en faveur de sa réintégration au sein du groupe, son choix de défense individuelle pèse sur notre collectif politique. Les conséquences sont d’ores et déjà délétères dans les mouvements féministes et dans la jeunesse, sans compter des départs groupés de LFI. Et la Nupes est mise à rude épreuve, nos partenaires appelant à une démission ou à une exclusion .
Cela remet-il en cause sa réintégration dans le groupe Insoumis ?
De fait, ses déclarations vont rouvrir le débat. Le groupe va forcément être amené à rediscuter vu l’onde de choc qu’il a suscitée, comme l’ont montré de nombreuses réactions de mes collègues et de groupes militants. À l’heure de MeToo, l’émancipation des femmes n’est pas un petit enjeu pour les Français et pour la gauche. Ne manquons pas d’exemplarité sur un combat majeur de notre mouvement.
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Il y a une forme d’indécence à saper ainsi notre crédibilité sur un sujet majeur pour nous
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Ces déclarations vous affaiblissent-elles collectivement ?
Voilà des mois que notre temps de parole et notre énergie s’épuisent considérablement dans cette affaire. Il revenait à Adrien Quatennens de prémunir autant que possible le mouvement d’une telle situation. Avec ses déclarations, il fragilise l’équilibre trouvé par le groupe, dans un moment où nous devons nous concentrer sur les urgences politiques, la bataille contre la vie chère, la réforme des retraites ou le réchauffement climatique. Il y a une forme d’indécence à saper ainsi notre crédibilité sur un sujet majeur pour nous.
Doit-il retourner devant les électeurs ?
Cette décision lui appartient. Nous ne pouvons pas le démissionner. Par ailleurs, une démission ne règle pas forcément les problèmes. Damien Abad a bien été réélu malgré toutes les révélations l’entourant, et bien plus graves que celles concernant Adrien Quatennens. Quelles avancées pour les droits des femmes ? Aucune. Abad est bien tranquille, bien au chaud sur les bancs de l’Assemblée parce qu’il a nié et que son camp, qui se permet de nous donner des leçons, estime que cela suffit pour qu’il soit absous.