Circulaire Castex: création d’une mission logiciel libre et communs numériques à la DINUM

Jean Castex le 15 juillet 2020. Photo: Florian David / Wikimedia Commons / CC by-sa

Le Premier ministre Jean Castex a diffusé une circulaire, datée du 27 avril 2021 (PDF sur le site Acteurs publics, la circulaire n’est pas encore au Journal officiel), sur la «politique publique de la donnée, des algorithmes et des codes sources». Comme son titre l’indique, elle porte largement sur la politique de données ouvertes.

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“Renforcement” de l’usage du logiciel libre

Jean Castex, qui confirme son annonce de début février, cite le rapport du député Eric Bothorel «remis en décembre 2020 [qui] a souligné la nécessité de redoubler nos efforts dans un contexte de transformation numérique croissante de nos sociétés.

Dans ce contexte, comme j’en ai pris l’engagement à l’occasion du comité interministériel de la transformation publique du 5 février 2021, je souhaite que le gouvernement porte une ambition renouvelée en matière d’exploitation, d’ouverture et de circulation des données, des algorithmes et des codes sources publics au profit des usages, des chercheurs, des innovateurs et de l’ensemble de nos concitoyens.»

«Cette ambition renouvelée implique, en outre, un renforcement de l’ouverture des codes sources et des algorithmes publics, ainsi que de l’usage du logiciel libre et ouvert (…).»

«Une mission dédiée à l’animation et la promotion interministérielles en matière de logiciel libre et de communs numériques sera mise en place au sein de la DINUM [Direction interministérielle du numérique] et créera le portail interministériel code.gouv.fr. Vos administrations pourront s’appuyer sur cette mission, ainsi que sur l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information [ANSSI] pour les enjeux relatifs à la cybersécurité, pour les accompagner dans l’ouverture de leurs algorithmes et de leurs codes sources.»

Quels moyens réels aura cette mission?

(Très) lentement, mais sûrement? L’April a réagi en voyant dans cette circulaire «un premier pas dans la bonne direction».

«La circulaire précise que l’ambition de cette politique publique implique ‘un renforcement de l’ouverture des codes sources et des algorithme publics, ainsi que de l’usage de logiciel libre et ouvert’. Une déclaration avec laquelle il est difficile d’être en désaccord… mais qui était déjà l’ambition d’une circulaire de 2012 du Premier ministre Jean-Marc Ayrault sur ‘le bon usage du logiciel libre dans les administrations’. Depuis il ne semble guère y avoir eu de rupture en termes de pratiques dans les directions des systèmes d’information des administrations, du moins pas de manière systémique, pas plus qu’à la suite de la loi pour une République numérique de 2016.

L’April rappelle donc la nécessité d’un principe politique et normatif fort: la priorité au logiciel libre. Une priorité qui doit guider l’action des administrations et servir de pilier à une stratégie globale sur l’utilisation, la publication et la contribution aux logiciels libres.»

Quant à la future mission autour du Libre, «une telle mission ne pourra produire d’effets utiles sans moyens dédiés, particulièrement des moyens humains. Le rapport parlementaire [Bothorel] recommandait d’ailleurs que la mission ‘pourrait être constituée par exemple d’un responsable et de deux à trois chargés de mission (3 à 4 ETP)’ (ETP = équivalent temps-plein). L’officialisation de la création de cette mission est donc de bon augure, mais il faudra être particulièrement vigilant quant aux moyens réellement accordés et veiller à ce qu’il ne s’agisse pas d’une simple nouvelle compétence attribuée par décret à la DINUM à moyen constant, sinon l’ambition affichée restera lettre morte.

L’April voit également comme un signe encourageant l’annonce de la mise en place d’un site code.gouv.fr, mis en œuvre par la mission précitée. À condition bien sûr, comme l’appelait l’April lors des travaux de la mission Bothorel, qu’il s’agisse d’une véritable forge logicielle publique, accueillant les codes sources produits par les administrations et librement accessible, et non pas d’un simple portail listant les liens vers des codes hébergés sur des forges extérieures.»

La Défense et l’Education nationale très attendues

Les différents ministères (hormis celui de la Transformation et de la Fonction publique, qui doit en faire plus), relève l’association libriste, «devront élaborer d’ici le 15 juillet une feuille de route pour détailler la stratégie de leurs propres ministères, qui sera publiée d’ici le 15 septembre 2021. Feuilles de route qui devront ‘intégrer systématiquement des objectifs relatifs au pilotage, à l’ouverture, à la circulation et au partage des données, des algorithmes et des codes sources’. Il sera, à ce titre, particulièrement intéressant de voir comment le ministère des Armées ou de l’Éducation nationale, pour ne citer qu’eux, parviendront à concilier ces objectifs avec leur dépendance historique très forte à certains éditeurs de logiciels privateurs, Microsoft en tête. Nous attendons d’ailleurs toujours la publication d’une étude sur la mise en place du poste de travail entièrement libre qui serait menée au sein du ministère des Armées.

À ce titre, l’April rappelle qu’il existe déjà de très bonnes initiatives au sein même de l’administration qui peinent visiblement à être amplifiées. Ainsi, mentionnons à titre d’exemple le Socle Interministériel des Logiciels Libres (SILL) ou la politique de contribution au logiciel libre de l’État… mise en place par des agents de la DINUM.»

L’April relève au passage le refus du ministère de la Santé de rendre public le code source du Health Data Hub, refus qui vient d’être validé par la Commission d’accès aux documents administratifs: la CADA a rejeté la demande d’accès du collectif SantéNathon aux codes sources du Health Data Hub. Conclusion de l’April: «La circulaire donne des signes encourageants, certes, mais l’inertie actuelle au sein de l’État où l’opacité et les fonctionnements en silos semblent toujours être la règle nous incite à la réserve tant que des décisions concrètes ne seront pas prises. Un premier pas dans la bonne direction qui doit donc être confirmé.»

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