Ce que l’on sait de l’enquête pour agression sexuelle contre Valéry Giscard d’Estaing – Franceinfo

Une journaliste allemande affirme que l’ex-chef de l’Etat lui a touché les fesses à plusieurs reprises, à l’occasion d’une interview dans son bureau, en décembre 2018.

Le parquet de Paris a ouvert, lundi 11 mai, une enquête pour agression sexuelle contre l’ancien président de la République Valéry Giscard d’Estaing. Cette décision intervient après une plainte déposée par une journaliste allemande qui accuse l’ex-chef de l’Etat, âgé de 94 ans, de lui avoir touché les fesses lors d’une interview réalisée dans son bureau fin 2018.

Quelles sont les accusations ?

Ann-Kathrin Stracke, journaliste de 37 ans à la chaîne de télé publique allemande WDR, a écrit au parquet de Paris, le 10 mars, pour dénoncer les gestes qu’elle reproche à Valéry Giscard d’Estaing.

Les faits se seraient produits le 18 décembre 2018 pendant un entretien avec Valéry Giscard d’Estaing, à l’occasion du 100e anniversaire de la naissance d’Helmut Schmidt, ex-chancelier allemand qu’il a côtoyé au cours de son mandat à l’Elysée (1974-1981). Ann-Kathrin Stracke était alors accompagnée d’un caméraman et d’une preneuse de son. “Après l’interview, j’ai demandé à pouvoir faire une photo avec monsieur d’Estaing et mes collègues. Cette photo a été prise par son assistante qui était dans la pièce. J’étais debout à gauche de VGE et, pendant la photo, il a mis sa main sur ma taille gauche, qui a ensuite glissé plus loin vers mes fesses et est restée là”, a-t-elle déclaré à l’AFP.

“Très surprise et désapprouvant ces atteintes qui m’ont mise extrêmement mal à l’aise, j’ai tenté de repousser la main de M. Giscard d’Estaing, sans toutefois y parvenir”, affirme la journaliste dans sa plainte, révélée par Le Monde et le quotidien allemand Süddeutsche Zeitung.

La situation se serait répétée juste après, à l’occasion d’une seconde photo, puis à nouveau quelques minutes plus tard, alors que l’actuel membre de l’Académie française lui montrait des anciennes images de lui aux côtés d’autres chefs d’Etat ou de sa famille. “J’ai encore essayé de le repousser, mais je n’ai pas réussi”, précise Ann-Kathrin Stracke.

Pour sortir de cette situation “très dégradante”, elle affirme avoir obtenu l’aide de son caméraman qui a cherché à faire diversion, en renversant un abat-jour et en plaçant une chaise entre l’ancien président et sa collègue. Au moment de quitter l’appartement, la journaliste raconte, selon Le Monde, que Valéry Giscard d’Estaing lui aurait fait des baisers appuyés sur les joues”, en lui susurrant des mots en allemand au creux de l’oreille : “träumen Sie süss” (“faites de beaux rêves”).

Comment a réagi la journaliste ?

De retour à Cologne, au siège de la WDR, Ann-Kathrin Stracke a fait part de son récit à son employeur et la direction a mandaté un cabinet d’avocats pour recueillir son témoignage et celui de ses collègues. Son caméraman confirme le récit de sa collègue, qualifiant la situation d’“étrange” et l’attitude de VGE d'”inappropriée, venant d’un ancien chef d’Etat”. La preneuse de son, quant à elle, a refusé de témoigner, sans explication, selon Le Monde.

En juin 2019, un cabinet d’avocats français sollicité par la chaîne a envoyé une lettre au bureau de Valéry Giscard d’Estaing. “Madame Stracke a été extrêmement choquée par vos agissements. (…) Nous ne saurions tolérer que nos collaborateurs soient confrontés à de telles situations et espérons donc vivement qu’un tel comportement ne se répétera envers aucun d’entre eux à l’avenir”, est-il écrit dans ce document, dont le cabinet de l’ancien président a accusé réception quatre semaines plus tard.

Pourquoi a-t-elle attendu plus d’un an pour porter plainte ?

Plus d’un an s’est écoulé depuis le jour de l’interview lorsque Ann-Kathrin Stracke a décidé de porter plainte devant la justice française, puis décidé de rendre l’affaire publique. “Dans un premier temps, explique-t-elle au Monde, je n’ai pas pensé porter plainte, d’autant que je n’avais aucune idée de la façon dont fonctionne la justice française.”

La journaliste allemande Ann-Kathrin Stracke a décidé de rendre l\'affaire publique.
La journaliste allemande Ann-Kathrin Stracke a décidé de rendre l’affaire publique. (WDR / AFP)

La journaliste dit s’être sentie encouragée par le mouvement #MeToo de libération de la parole des femmes pour combattre le harcèlement sexuel. Avec cette plainte, elle espère susciter un “débat de société sur le harcèlement sexuel et plus de courage pour s’exprimer et nommer les choses”. “J’ai décidé de raconter mon histoire parce que je pense que les gens doivent savoir qu’un ancien président français a harcelé sexuellement une journaliste, en l’occurrence moi, après une interview”, a-t-elle déclaré à l’AFP.

Que répond l’ancien chef de l’Etat ?

Mis en cause, l’ancien président de la République a choisi de ne pas répondre à ces accusations, ni publiquement, ni auprès de la plaignante ou de ses avocats. La lettre envoyée en juin 2019 par les avocats de la WDR est restée sans réponse.

Interrogé par Le Monde et le Süddeutsche Zeitung, le directeur de cabinet de Valéry Giscard d’Estaing affirme que l’ex-chef de l’Etat ne garde “aucun souvenir de sa rencontre” avec Ann-Kathrin Stracke. “Si ce qui lui est reproché était vrai, il en serait bien sûr navré, mais il ne se souvient de rien”, ajoute Olivier Revol. Ce collaborateur se dit d’autant plus “étonné” que ce serait la première fois, selon lui, que l’ancien président serait visé par ce type d’accusations.

Sachant que sa journaliste allait publiquement révéler l’histoire, la WDR a de nouveau contacté en avril le bureau de Valéry Giscard d’Estaing pour lui demander des explications. “Le 4 mai, l’avocat de M. d’Estaing a annoncé que le bureau de l’ancien président n’avait pas connaissance des accusations criminelles et ne répondrait donc pas”, a indiqué la chaîne à l’AFP.

Que va-t-il se passer maintenant ?

L’enquête ouverte par le parquet de Paris pour des faits d'”agression sexuelle” a été confiée à la brigade de répression de la délinquance contre la personne (BRDP), qui va mener des investigations. Valéry Giscard d’Estaing pourrait ainsi être appelé à s’expliquer. Contacté par l’AFP, l’avocat de l’ancien chef d’Etat n’a pas souhaité faire de commentaire.

“Je suis heureuse d’apprendre que le ministère public a enregistré ma plainte pénale et a décidé d’ouvrir une enquête”, a réagi Ann-Kathrin Stracke. “Je suis, bien entendu, à la disposition de la justice française dans le cadre de cette enquête”, a-t-elle ajouté.

La journaliste devrait pouvoir continuer à bénéficier du soutien de son employeur. “La WDR a accompagné et soutenu Ann-Kathrin Stracke depuis que l’incident a été connu, même lorsqu’elle a décidé de porter plainte”, a déclaré une porte-parole de la chaîne.

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