Ce que l’on sait de l’action de Marina Ovsiannikova, la femme qui a dénoncé la guerre en Ukraine en plein jour – franceinfo

Les images de sa pancarte “No War” ont fait le tour du monde depuis lundi soir. Marina Ovsiannikova a surgi sur le plateau du JT de la première chaîne publique russe, brandissant un message de contestation clair à la guerre en Ukraine. Un acte fort, risqué, loué pour sa bravoure, dans un pays où l’information est strictement contrôlée, en particulier depuis l’invasion de l’armée russe en Ukraine. Marina Ovsiannikova a été immédiatement arrêtée et elle a été jugée, mardi 15 mars, pour avoir diffusé sur internet, parallèlement à son irruption lors du journal télévisé, une vidéo dans laquelle elle dénonce l’entrée des troupes russes en Ukraine et regrette d’avoir relayé la “propagande du Kremlin”. Franceinfo vous résume ce que l’on sait de cette Moscovite de 43 ans, de son action et de ses suites.

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Une irruption à une heure de grande écoute

La journaliste et productrice Marina Ovsiannikova, employée de la chaîne publique pro-Kremlin Pervy Kanal (Channel One à l’international), la plus puissante du pays, a fait irruption, lundi soir, sur le plateau du principal programme d’information du soir, Vremia, un rendez-vous quotidien suivi par des millions de Russes, rapporte le journal américain New York Times*. 

Alors que la célèbre présentatrice Ekaterina Andreïeva est en train de parler, on voit Marina Ovsiannikova surgir derrière elle avec une pancarte sur laquelle on peut lire : “Non à la guerre. Ne croyez pas la propagande. On vous ment, ici”“Les Russes sont contre la guerre”, est-il également écrit sur cette affiche, sur laquelle le drapeau de l’Ukraine et celui de la Russie sont dessinés.

Imperturbable, la présentatrice, en poste depuis une vingtaine d’années, continue de parler quelques secondes pendant que la protestataire lance “Arrêtez la guerre”, puis la chaîne s’empresse de lancer un reportage sur les hôpitaux, mettant fin au direct sur le plateau.

“Une enquête interne est en train d’être menée” sur cet “incident”, a laconiquement déclaré Pervy Kanal dans un communiqué, peu après l’irruption de Marina Ovsiannikova. Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a lui qualifié son geste d’acte de “hooliganisme”. “La chaîne et ceux qui doivent s’en occuper, s’en occupent”, a-t-il commenté. “Après être apparue à l’antenne”Marina Ovsiannikova a été arrêtée”, a annoncé l’ONG OVD-Info, qui tente de mener un “suivi des persécutions politiques en Russie”.   

Des regrets d’avoir participé à “la propagande du Kremlin”

Marina Ovsiannikova, 43 ans, est née à Odessa, en Ukraine, d’un père ukrainien et d’une mère russe. Selon les informations disponibles sur son profil Facebook, elle est mère de deux enfants mineurs et vit à Moscou, où elle a étudié à l’Académie de l’économie nationale russe. Elle est aussi passée par l’université d’Etat du Kouban, une fac du sud-ouest du pays, à 360 km de la frontière ukrainienne.

Employée ces dernières années comme productrice pour la chaîne d’Etat Pervy Kanal, Marina Ovsiannikova a fait la promotion de “la propagande du Kremlin”, comme elle l’a elle-même expliqué dans une vidéo enregistrée en amont de son intervention et diffusée parallèlement sur Twitter. “Pour cela, j’ai très honte maintenant, déclare-t-elle. J’ai honte d’avoir permis à des mensonges d’être relayés sur les écrans de télévision, d’avoir participé à zombifier le peuple russe”. Selon elle, “ce qui arrive en Ukraine est un crime. La Russie est un pays agresseur”, avec un responsable : “Vladimir Poutine”

Dans cette vidéo, la nouvelle égérie des opposants au régime russe porte un collier, aux couleurs des deux pays, russe et ukrainien, en symbole de sa revendication de paix. 

Elle risque jusqu’à 15 ans de prison

Alors que son avocat, Daniil Berman, assurait mardi qu’il n’avait toujours pas pu rencontrer sa cliente, une audience, liée à la diffusion de sa vidéo sur internet, a finalement eu lieu dans un tribunal de Moscou. Marina Ovsiannikova a été jugée pour avoir manifesté illégalement. Reconnue coupable d’avoir commis une “infraction administrative”, elle devra payer une amende de 30 000 roubles (environ 250 euros au taux actuel).

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“Ma vie a beaucoup changé, c’est sûr. Je suis contente d’avoir exprimé ce que je pensais. Plus important, il y a maintenant une nouvelle tendance : d’autres journalistes suivent mon exemple”, a-t-elle déclaré à l’issue de l’audience. Lors d’une brève déclaration à la presse ensuite, elle a dit vouloir avant toute chose “se reposer” après cette épreuve “très difficile”“Il s’agit de jours très difficiles dans ma vie, j’ai passé près de deux jours sans sommeil, l’interrogatoire a duré quatorze heures”, a-t-elle expliqué. 

“Je n’ai pas eu le droit de parler avec mes proches, ni eu accès à une assistance juridique et c’est pourquoi j’étais dans une position très difficile.”

Marina Ovsiannikova

dans une déclaration à la presse

Son avocat dit désormais redouter qu’elle soit jugée pour son irruption sur le plateau du JT du soir. Elle pourrait être condamnée pour publication d’“informations mensongères” sur l’armée russe, un crime passible d’une peine maximale de 15 ans de prison. L’utilisation du mot “guerre” par des médias ou des particuliers pour décrire l’intervention russe en Ukraine est en effet passible de très lourdes poursuites.

La France lui propose “une protection”

Le message de Marina Ovsiannikova a rapidement eu un large écho dans le monde, comme en témoignent les dizaines de milliers de commentaires laissés sur son profil Facebook. En France, elle a reçu le soutien de la Première dame, Brigitte Macron. “Solidarité et admiration totale devant son courage et tout ce qu’elle a été capable de faire”, a déclaré la femme du chef de l’Etat mardi, lors d’un déplacement à Epinay-sur-Seine (Seine-Saint-Denis).

De son côté, Emmanuel Macron, qui visitait un centre accueillant des réfugiés ukrainiens dans le Maine-et-Loire, a affirmé condamner très fermement tout enfermement de journaliste, comme toute manipulation”. Il a précisé que la France allait proposer “une protection, soit à l’ambassade soit aussi une protection consulaire” à Marina Ovsiannikova.

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