Castaner sous la pression des policiers en colère – Le Figaro

Christophe Castaner danse sur un volcan et les policiers n’entendent pas laisser retomber la pression. Quels que soient leur grade et leur direction d’appartenance, ils se disent ulcérés par les propos tenus lundi par le ministre de l’Intérieur qui, au nom de la «tolérance zéro», a évoqué des sanctions en cas de «suspicion de racisme avéré» et a annoncé la fin de la méthode dite de «l’étranglement». Soucieux d’éteindre l’incendie qu’il a lui-même déclenché, l’hôte de Beauvau a tenté de déminer. Dès jeudi, devant des syndicats de gardiens et gradés chauffés à blanc par la base, il aurait regretté, selon un participant, une «communication mal préparée» et promit que les décisions disciplinaires ne viseraient que les «faits avérés et caractérisés». Dans cet exercice de contrition forcée, un participant l’a décrit comme «hésitant» et «embarrassé».

Vendredi soir, après avoir reçu cette fois les représentants des officiers et des commissaires de police, le ministre a confirmé dans un communiqué conjoint avec son secrétaire d’État Laurent Nuñez l’interdiction de la technique de l’«étranglement», que les policiers nomment le «contrôle de tête». «Elle a été jugée dangereuse par le groupe de travail conjoint dirigé par les directeurs généraux de la police et de la gendarmerie nationales, chargé en janvier dernier par le ministre de l’Intérieur de passer en revue l’intégralité des gestes et techniques d’intervention des forces de l’ordre», est-il écrit.

Par conséquent, «cette technique (…) ne sera plus enseignée dans les écoles de police. Elle ne l’est déjà plus en gendarmerie ou dans les rangs de l’administration pénitentiaire» indiquent Christophe Castaner et son secrétaire d’État Laurent Nuñez. Un groupe de travail «sera chargé d’ici le 1er septembre de déterminer les techniques et moyens matériels de substitution» sachant qu’une «prise en arrière», effectuée cette fois «sans pressions artérielle», reste autorisée. Il est également prévu la généralisation des caméras-piétons, «dont la technologie doit monter en gamme», et l’expérimentation territoriale du pistolet à impulsion électrique (PIE) dernière génération.

Cela suffira-t-il à calmer la tempête? Dans les rangs règne une bronca d’une rare intensité. Vendredi, sur l’avenue des Champs-Élysées que des cordons de sécurité ont jusqu’ici bouclé chaque week-end pendant des mois pour éviter l’arrivée des «gilets jaunes», une vingtaine de camionnettes blanches siglées des syndicats de police ont progressé dans un concert de klaxon jusqu’à la place Beauvau, derrière une banderole affichant: «Pas de police, pas de paix». Du jamais vu. À Nice, à Lille et à Lyon, mais aussi dans les Hauts-de-Seine, du Val-de-Marne ou encore devant la préfecture de Seine-Saint-Denis, des fonctionnaires en colère ont déposé leurs menottes au sol. Une manière symbolique de dire, jusque sous les fenêtres du ministère de l’Intérieur, qu’ils entendaient mettre entre parenthèses la chasse aux voyous et les interpellations. Et ne plus répondre qu’aux appels «urgents et importants». Une forme de service minimum à peine déguisé dans une profession où le droit de grève est interdit.

Rumeurs de remaniement

Déjà critiqué pour ses sermons déontologiques en mars dernier, puis par la polémique des masques lors du confinement, Christophe Castaner est fragilisé par cette fronde qui intervient alors qu’enflent les rumeurs de remaniement et que de nouvelles manifestations contre les «violences policières» sont prévues samedi.

Démonétisé au regard d’un certain nombre d’interlocuteurs, celui qui est censé endosser le costume de premier flic de France peine d’autant plus à convaincre que les syndicats se tournent vers l’Élysée. «Nous attendons d’être reçus par Emmanuel Macron car c’est bien sous son impulsion que le ministre a fait preuve d’une telle fébrilité et qu’il a lâché ses troupes en rase campagne face à la tentative d’importation par l’extrême gauche et les indigénistes d’un mouvement venu des États-Unis», a taclé Patrice Ribeiro, patron du syndicat Synergies-Officiers, avant même de se rendre à la réunion place Beauvau. «On est venu dire au président Macron qu’il doit soutenir, respecter, considérer sa police. La police n’est pas raciste, la police est républicaine (…), elle ne choisit pas sa délinquance, elle ne choisit pas la couleur de la délinquance», s’est quant à lui agacé Fabien Vanhemelryck, secrétaire général du syndicat Alliance, à deux pas de l’Élysée. Là d’où, à la veille d’une allocation présidentielle très attendue dimanche, les organisations professionnelles attendent des réponses au plus vite.

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *