Carnival Row : steampunk, fées, Cara et Orlando !

Carnival Row, est une série entre fantastique et merveilleux, à la rencontre de plusieurs genres, mais pourrait-elle être le vôtre, de genre ?

Cet article sera essentiellement sans spoiler afin de vous permettre de savoir si cette série Prime Vidéo pourrait vous intéresser.

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On pourrait voir une déclinaison du genre fantasy dans Carnival Row et j’en profite pour vous encourager à voir la vidéo que j’ai consacrée à Dark Crystal le 30 août. Depuis, tous les épisodes m’ont confirmé à quelle point cette série Netflix est un génial prolongement de l’univers créé par le film de 1982.

Carnival Row : une création originale

Revenons à Carnival Row qui a un grand mérite initial, celui d’être une création originale dans tous les sens du terme, ce qui implique une prise de risque pour tous ceux impliqués dans la mise en œuvre de cette série.

Carnival Row n’est donc pas une adaptation et la série nous propose un univers de fiction qui pioche dans le steampunk, le féerique, le mystère policier, la peinture sociale avec même quelques accents « lovecraftiens » (de HP Lovecraft, l’écrivain d’horreur.)

Si vous n’êtes pas familiers avec certains de ces termes, je vais y revenir, mais pour faire simple, imaginez l’équivalent d’une Londres victorienne en pleine révolution industrielle dans laquelle sont arrivés de nombreux immigrants d’origines féeriques tels que des faunes, des centaures, des kobolds ou encore les fées elles-mêmes.

Carnival Row : trop de genres pour une seule série ?

Au milieu de tout ça, on trouve une intrigue policière, des secrets personnels, des amours contrariées et des manipulations politiques.
Je ne suis pas le premier à le souligner, mais il faut bien reconnaître que Carnival Row essaie sans doute d’être trop de choses à la fois et ne parvient pas à convaincre dans toutes ses tentatives.

Pourtant, l’essentiel est bien là pour moi avec un univers crédible et magnifiquement rendu à l’écran, mais aussi un peu d’émotion qui sonne juste ainsi que des parcours personnels intéressants et de véritables évolutions pour certains personnages, notamment secondaires.

Si je parle de personnages secondaires, c’est parce que la richesse de la série provient souvent d’eux plutôt que des deux rôles principaux tenus par Orlando Bloom et Cara Delevingne.

Orlando Bloom, Cara Delevingne et, surtout, les autres !

De mon point de vue, Orlando Bloom n’a jamais été un acteur très intéressant, mais je dois dire que dans Carnival Row, il tient peut-être son rôle et son interprétation les plus solides. Il Interprète Rycroft Philostrate, un inspecteur de police de la Burgue, cette version fictive de Londres.

Du côté de Cara Delevingne, qui joue Vignette Stonemoss, une fée fraîchement arrivée dans la cité, je dirais que c’est correct sans plus, au niveau d’Orlando Bloom en résumé, sachant que le rôle n’exploite pas forcément au mieux un potentiel d’actrice dont j’ignore en réalité les limites.

On peut d’ailleurs regretter certains aspects du rôle de Vignette qui manque au final d’impact sur la trame centrale et semble être surtout présente pour le « je t’aime moi non plus » avec Philostrate.

Je dois bien avouer qu’on aurait sans doute pu obtenir un rendu final bien plus poignant avec deux têtes d’affiche plus percutantes, mais, pour que ce soit clair, je n’ai jamais pensé qu’Orlando et Cara gâchaient la série, juste qu’ils assuraient tout juste le job, ce qui n’est déjà pas si mal.

Dans les rôles secondaires, on a des performances très réussies de Jared Harris, évidemment, mais aussi de Tamzin Merchant, David Gyasi, Andrew Gower ou encore Simon McBurney. Il y a aussi Indira Varma de Rome ou encore Game of Thrones, mais j’ai été moins convaincu par la véracité du personnage.

Carnival Row : une série steampunk ?

Après cette digression sur les acteurs, revenons à ce monde si particulier que j’ai pu qualifier de « steampunk ». Pour tenter de résumer le steampunk, je ferai quelques raccourcis que les spécialistes, j’espère, me pardonneront.

Le steampunk est avant tout un genre littéraire qui propose une version du monde en plein révolution industrielle de la vapeur notamment, mais avec des éléments de science plus développés et fantasques et souvent en mettant en scène des personnages fictifs célèbres ou historiques fantasmés.

Carnival Row n’est ni la League des Gentleman Extraordinaire, je parle de la BD d’Alan Moore bien sûr, pas du film, ni La Cité des Enfants Perdus de Jeunet, mais j’espère que vous situez mieux ce qu’est le steampunk, dont le nom est d’ailleurs un détournement du genre cyberpunk que j’aurais sans doute l’occasion d’évoquer une autre fois.

De Jules Verne à Dishonored

Pour les plus jeunes, je citerais aussi deux jeux vidéo assez récents comme Dishonored ou encore The Order 1886. Parmi les inspirations du Steampunk, on trouve notamment les passionnants romans de Jules Verne, par exemple de la Terre à la Lune.

Carnival Row y fait un clin d’œil à peine voilé au travers du livre qui facilite les premiers échanges entre Philostrate et Vignette, puisqu’il y est question d’un voyage vers la lune dans un obus tiré par un canon géant.

La grande particularité de Carnival Row consiste évidemment à ajouter un ingrédient particulier au Steampunk, à savoir les peuples féeriques.

Et les Fées dans tout ça ?

C’est un cocktail qu’on retrouvait déjà dans un jeu de rôle papier des années 90 qui m’a toujours fait rêver sans que j’ai jamais l’occasion d’y jouer, le fameux Castle Falkenstein. On pourrait presque parler d’un genre « steamfae » du coup, tant la présence de ces races non-humaines est importante dans la définition de l’univers de Carnival Row.

Les fées justement, parlons-en ! Dans Carnival Row, les peuples féeriques sont finalement très (trop) terre à terre. Il n’y a que très peu de magie autour d’eux, à quelques exceptions près, heureusement.

Carnival Row, les fées sans logis

Sans aucun doute possible, ces peuples sont là pour incarner une minorité d’immigrants mal tolérés par la population du Burgue, sachant qu’ils n’ont pas vraiment d’autre choix que de quitter leurs terres natales et notamment Tirnanoc qui est tombée entre les mains des humains du Pacte.

On reconnaîtra dans Carnival Row quelques références au folklore plus traditionnel des fées avec justement Tirnanoc qui renvoie à Tir Na Nog, la terre de l’éternelle jeunesse des mythes celtiques irlandais.

On peut aussi entendre des fées évoquer Titania, la reine des fées dans le songe d’une nuit d’été ou encore le terme « Puck » qui désigne les faunes en argot, sachant que Puck est aussi un personnage de la pièce de Shakespeare, même s’il s’agit d’abord d’une sorte de lutin du folklore celte.

Allégorie historique et politique

Le Pacte peut faire vaguement penser à la triple Alliance de la première guerre mondiale, mais ce qui est clair, c’est que les fées sont massacrées et pourchassées dans un véritable génocide qui emprunterait davantage aux camps tristement célèbres de la deuxième guerre mondiale.

C’est un aspect qui reste très secondaire durant la première saison, même si un flash-back permet d’un peu mieux explorer la guerre qui a opposé la Burgue au Pacte pour le contrôle des territoires féeriques.

Comme je l’évoquais, le propos de Carnival Row est éminemment politique sur la question des migrants et du racisme qui a tendance à cantonner les féeriques dans des tâches et positions subalternes.

Certains trouveront la parabole un peu trop forcée, pourtant on y retrouve aussi la réalité de la lutte des classes de l’ère industrielle et ces mondes quasi parallèle entre les travailleurs et les possédants.

Carnival Row n’est pas Game of Thrones

Du côté des machinations politiques, disons qu’on retrouve l’aspect le plus brouillon et parfois le plus gênant de Carnival Row, surtout quand un personnage important, mais introduit tardivement, ne cesse de nous rappeler qu’il n’est qu’une déclinaison peu inspirée du Littlefinger de Game of Thrones en multipliant les références au chaos.

Ceci dit, l’interprète n’est pas dénuée d’un certain charme, donc à voir pour la suite.

Heureusement, il y a des personnages qui ne sont pas uniquement définis par leur race, notamment Agreus, un faune qui a fait fortune et tente de se faire accepter par la haute bourgeoisie humaine, mais sans jamais pourtant courber l’échine.

Racisme et acceptation sociale

Les relations mondaines délicates entre ce faune nouveau riche et des frères et sœur en perte de fortune donnent certains moments parmi les plus pertinents et intenses de la saison, même s’ils sont surtout là pour nourrir un univers sans lien direct avec la trame de l’intrigue principale.

On a aussi la lente montée en puissance d’un courant extrémiste religieux parmi les faunes, une thématique qui pourrait être au centre de la deuxième saison.

Carnival Row en plein mythe de Cthulhu ?

J’ai aussi parlé de HP Lovecraft et oui, même si ça peut surprendre, ce Carnival Row fleure bon le tentacule pas frais surgit des profondeurs.
HP Lovecraft est un écrivain dont l’œuvre a eu une grande influence sur l’horreur et l’épouvante, on en retrouve notamment des traces dans la mythologie de Stephen King.

En l’occurrence, les Dieux anciens et enfouis plus ou moins liés à certains cultes et pratiques magiques des fées semblent avoir quelques accointances avec le panthéon cyclopéen et indicible de cet écrivain qui se distinguait aussi et malheureusement par un racisme maladif.

Un élément qui n’a pas échappé aux scénaristes de Carnival Row qui se feront un malin plaisir de détourner certains éléments dans la façon de distribuer ce pouvoir occulte dans la première saison.

Carnival Row reste une enquête avant tout

Enfin et surtout, Carnival Row reste une enquête menée par notre cher Orlando avec un chapeau melon vissé sur la tête, le tout filmé dans les rues de Prague, en plein hiver. Et oui, ils se sont bien gelé les miches.

Tout commencer avec une histoire en mode Jack l’éventreur. Certains regretteront que ce fil narratif soit réglé vite fait, mais pas moi.
J’ai trouvé rafraîchissant au contraire qu’on ne reste pas trop longtemps bloqué sur ce type de traque vue et revue et déjà traitée de fort belle manière dans d’autres œuvres.

Sur le fond, je dois reconnaître que la structure de l’intrigue, et ce qu’elle implique sur le long terme pour le destin de son personnage principal, se révèle particulièrement classique en suivant les fameuses étapes du parcours du héros.

Carnival Row, entre originalité et déjà-vu

Le résultat, Carnival Row, est donc issu de ce mélange improbable entre originalité de l’univers et grand classicisme du scénario, sachant que le mélange est justement au cœur de son récit. Même s’il reste un vaste panel de possibilités pour la suite, il faut reconnaître une nouvelle prise de risque de la série qui apporte une véritable conclusion à la plupart des pistes lancées durant cette première saison.

Espérons donc que l’attrait de l’univers et de ses personnages soit suffisant pour convaincre les spectateurs de revenir.

Une chronique sociale avant tout ?

Après tout, l’objectif même de Carnival Row consiste à nous dépeindre des tranches de vie de cet univers si proche et si différent du nôtre, un objectif directement inscrit dans les noms de ses héros.

En effet, en anglais « Vignette » correspond à une anecdote, une scène de vie quotidienne, tandis que le nom Philostrate est notamment dans l’histoire celui d’un rhéteur du deuxième siècle connu pour avoir décrit 65 tableaux de scènes mythologiques.

Est-ce suffisant pour en faire une série mythique, loin de là, mais qui sait ce que nous réserve la suite ? Je vous invite donc à lui laisser une chance et à vous forger votre propre opinion sur cette série différente.

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