Brexit: Paris prêt au «combat» pour ses pêcheurs face à Londres – Le Figaro

La France a saisi un chalutier britannique et a lancé un avertissement verbal à un deuxième, provoquant la colère du Royaume-Uni qui va convoquer l’ambassadrice de France.

De notre correspondant à Londres

«Ce n’est pas la guerre, c’est un combat.» Après l’annonce de mesures de rétorsion pour «défendre les droits des pêcheurs français» face aux Britanniques, la ministre de la Mer, Annick Girardin, s’est défendue de vouloir déclencher les hostilités générales. Mais le «combat» s’est durci ce jeudi avec le déroutage d’un navire de pêche britannique. Et les relations franco-britanniques ne cessent de se dégrader.

Après la saisie par la France d’un chalutier et l’avertissement verbal lancé à un deuxième, le gouvernement de Boris Johnson a dénoncé un acte «décevant et disproportionné». Les deux navires, spécialisés dans la coquille Saint-Jacques, ont été contrôlés par la gendarmerie maritime française en baie de Seine. L’un d’eux, le Cornelis Gert Jan, a été dérouté sur Le Havre. Selon Paris, il ne figurait pas sur les listes de licences accordées au Royaume-Uni par la Commission européenne et la France. Londres affirme au contraire que le bateau était en règle. Le propriétaire de ce chalutier écossais a estimé qu’il s’agissait d’un «malentendu» et dénoncé une manœuvre politique.

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Mesure de rétorsions

Cette passe d’armes au large a suivi de peu l’annonce par la France de l’entrée en vigueur d’une première salve de mesures de rétorsions le 2 novembre, en l’absence de progrès sur le dossier. Au menu, l’interdiction de débarquement de produits de la mer britanniques dans les ports français désignés (au nombre de six) ainsi que le renforcement des contrôles sanitaires, douaniers et de sécurité des navires britanniques. La riposte est aussi élargie avec un contrôle plus serré des camions à destination et en provenance du Royaume-Uni, notamment à Calais. Une deuxième salve pourrait comporter «des mesures énergétiques qui ont trait à la fourniture d’électricité pour les îles anglo-normandes». «Maintenant, il faut parler le langage de la force parce que je crains que, malheureusement, ce gouvernement britannique ne comprenne que cela», a déclaré le secrétaire d’État français aux Affaires européennes, Clément Beaune.

Pour l’heure, le gouvernement britannique semble hésiter entre la canonnade et l’apaisement. Pour Boris Johnson, le sujet est sensible. D’un côté, la pêche fut le symbole de la souveraineté retrouvée dans la bataille du Brexit avant que les pêcheurs ne se sentent trahis par l’accord final. Et «BoJo» n’a sans doute guère envie de perdre la face. De l’autre, l’ire des pêcheurs anglais risque de s’accroître s’ils ne peuvent écouler le produit de leur labeur sur le continent. Par ailleurs, les contrôles sur les camions menacent d’aggraver encore les problèmes des chaînes d’approvisionnement britanniques, une perspective fâcheuse à l’approche de Noël.

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L’ambassadrice de France convoquée

S’il a averti que les mesures françaises feraient l’objet «d’une réponse appropriée et calibrée», le gouvernement Johnson a appelé à «rester calme et à aller vers une désescalade». La «porte reste toujours ouverte» a ajouté le ministre de l’Environnement, George Eustice, devant le Parlement. Jean Castex a répondu qu’il était «ouvert aux discussions» à condition que Londres «respecte ses engagements». Le gouvernement britannique a finalement décidé de «convoquer l’ambassadrice française», Catherine Colonna, regrettant «le langage de confrontation qui a été constamment utilisé par le gouvernement français sur cette question». Les Britanniques affirment que des licences de pêche ont été accordées à 98 % des bateaux européens qui en ont fait la demande.

Paris affirme de son côté que près de la moitié des demandes de licence effectuées par les pêcheurs français n’ont toujours pas été satisfaites. Un problème qui concerne des bateaux de petit tonnage pêchant dans la zone côtière de 6 à 12 milles au large de la Grande-Bretagne et des îles Anglo-Normandes.

Ce nouveau bras de fer intervient alors que les discussions tendues se poursuivent à Londres sur le protocole nord-irlandais. Mercredi, Boris Johnson a averti que si des «progrès rapide» n’étaient pas enregistrés, les conditions seraient réunies pour déclencher l’article 16, qui permet unilatéralement de le suspendre. Montrant une fois de plus qu’il ne boude pas le rapport de force…

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