Brexit : la montée de la violence verbale inquiète les responsables politiques – Le Monde
La brutalité du débat, alors que la situation au Parlement paraît bloquée, entraîne une multiplication des messages haineux visant particulièrement les élus pro-européens.
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« Je n’ai pas peur des futures élections, j’ai peur d’être blessée ou même tuée. » Jess Philipps, députée, a posté ce tweet le 25 septembre, juste après un débat très brutal à la Chambre des communes, le premier entre l’opposition et le chef du gouvernement britannique Boris Johnson après que ce dernier a été humilié par un arrêt de la Cour suprême ayant jugé illégale sa suspension du Parlement.
L’élue travailliste de 37 ans fait partie de ces femmes politiques britanniques particulièrement attaquées sur les réseaux sociaux. Comme Yvette Cooper, Anna Soubry ou Laura Sherriff, elle reçoit quantité de messages haineux, dont des menaces de mort. Mais depuis ces échanges acrimonieux avec le premier ministre à Westminster, son angoisse et celle de ses collègues, ont encore augmenté.
« Allez crever dans le caniveau, c’est ce qui arrive à ceux qui ne font pas le Brexit » : c’est le type de courriel que Jeff Philipps a reçu ces derniers jours, utilisant la même expression que celle utilisée par Boris Johnson, au début du mois. Le 26 septembre, un homme a été arrêté par la police après lui avoir hurlé « fascistes » et avoir essayé de briser les vitres de sa permanence, à Birmingham.
Tout aussi perturbante, cette longue suite de tweets postée le même jour par Ellie Cooper, fille d’Yvette Cooper et d’Ed Balls, deux poids lourds de la gauche britannique : « J’ai peur quand je vois les emails que [reçoit ma mère], l’accusant d’être une menteuse et une traîtresse. J’ai eu peur quand notre maison a été équipée avec des alarmes, des verrous spéciaux et des dispositifs pour vérifier les courriers. J’ai peur parce que le 16 juin 2016 [jour de la mort de Jo Cox, députée travailliste assassinée par un néonazi], deux enfants ont dit au revoir à leur maman avant qu’elle ne parte pour sa permanence et ils ne l’ont jamais revue. J’ai peur tous les jours que la même chose arrive à ma mère. »
Un débat « toxique »
Depuis le référendum sur le Brexit, la politique britannique a largement perdu sa réputation de stabilité et ses manières policées. Et ces derniers jours, elle a franchi un palier dans la violence verbale, la rhétorique agressive de Boris Johnson faisant polémique. Du moins, dans le camp des « Remainers », partisans de l’Europe, et des plus modérés des élus conservateurs.
Mais au congrès annuel des tories, qui s’est ouvert dimanche 29 septembre à Manchester, la garde rapprochée du premier ministre s’est plutôt employée à justifier le vocabulaire de son chef. Et au lieu de s’excuser, ce dernier a même remis le couvert dans les colonnes du Sunday Telegraph, qualifiant d’« abject acte de capitulation » la loi parlementaire l’obligeant à décaler la date du Brexit en cas d’absence d’accord avec Bruxelles.