Brexit : Johnson veut des élections mi-décembre – Les Échos

D’accord pour vous accorder plus de temps afin d’examiner comme il se doit le projet de loi de retrait, le texte crucial qui traduit l’accord de divorce avec Bruxelles dans le droit britannique. Mais à condition que vous votiez lundi une motion fixant des élections législatives anticipées au 12 décembre. C’est le marché qu’a proposé jeudi soir Boris Johnson aux députés pour sortir de l’impasse du Brexit. Beaucoup y verront évidemment un chantage, destiné à faire pression sur les parlementaires.

« Si les députés veulent vraiment plus de temps pour étudier cet excellent accord, ils peuvent l’avoir, mais ils doivent accepter des élections générales le 12 décembre. Voilà la marche à suivre », a indiqué le Premier ministre britannique à l’occasion d’une interview accordée à l’issue d’un conseil des ministres extraordinaire à la BBC.

Mise sous pression des députés

L’objectif du Premier ministre est de faire pression sur les députés pour qu’ils aillent au bout de leur travail parlementaire dans un délai court, avec comme date butoir la dissolution de la Chambre des communes, a-t-il dit. Soit aux alentours du 6 novembre, en comptant ensuite cinq semaines de campagne électorale d’ici au 12 décembre. « Pour que le Brexit ait lieu, je pense que le Parlement doit être raisonnable », a-t-il indiqué.

Pour que le Brexit ait lieu, je pense que le Parlement doit être raisonnable.

S’il parvient à leur faire achever le travail parlementaire nécessaire pour donner vie au Brexit d’ici là, il espère évidemment en récolter les fruits devant les électeurs. Pour certains commentateurs cependant, la manoeuvre du Premier ministre signifie avant tout qu’il a décidé que des élections rapidement, et avant un deal qui risquait d’être détricoté par les Communes, étaient la meilleure stratégie à suivre pour son parti. Le gouvernement menaçait d’ailleurs hier soir de ne pas remettre à l’agenda du Parlement le projet de loi de retrait tant que des élections prochaines n’étaient pas actées. Au risque que la chambre devienne pendant quelque temps une chambre « zombie » qui n’aurait plus rien ou presque à examiner…

L’annonce de Boris Johnson  ne change pas les plans immédiats de Bruxelles . Comme prévu, les représentants permanents des 27 se réuniront ce vendredi pour étudier la demande de report du Brexit au 31 janvier. Jeudi, la future présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, a affirmé que la probabilité qu’un nouveau report soit accepté lui « semble très bonne ». La question qui divise les Etats membres tient plus à la durée du report. Les partisans, comme l’Irlande et l’Allemagne, d’un report jusqu’au 31 janvier, y sont majoritaires.

Majorité des deux tiers

La tenue d’élections générales à la mi-décembre serait a priori un événement assez conséquent pour justifier encore plus un tel report auprès des Européens, analyse à chaud un proche des discussions. Reste à savoir si ce nouveau rebondissement est de nature à infléchir la position de ceux, minoritaires et emmenés par Paris, qui défendaient ces derniers jours un report plus court pour maintenir un maximum de pression sur les parlementaires britanniques. Elle pourrait en pratique leur offrir une porte de sortie.

Rien ne dit cependant que Boris Johnson obtiendra un feu vert des députés lundi. Jeremy Corbyn, le chef du parti travailliste, a indiqué jeudi soir qu’il attendrait la décision des Vingt-Sept sur la demande de report du Brexit, avant d’appeler à voter pour ou contre le projet. Le Scottish National Party et les Lib Dems, qui sont pourtant plus enclins que le Labour à vouloir des élections, ont eux aussi accueilli très fraîchement la proposition. Il est probable que l’opposition pose au minimum des conditions. Pour un expert de l’Institute of Government, la perspective d’élections anticipées pourrait même être contre-productive et dissuader Westminster d’accepter sous la contrainte le projet de loi de retrait.

Pour que des élections aient lieu, il faut une super majorité de 434 voix, soit une majorité des deux tiers (il y a 650 députés). Elle serait atteinte si les conservateurs, les Libéraux démocrates, et le SNP écossais votaient en ce sens, avec… un tiers des élus Labour.

Alexandre Counis, Nicolas Madelaine, Derek Perrotte (Correspondant à Londres, envoyé spécial à Londres, bureau de Bruxelles)

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