Brexit : en finir avec un mauvais feuilleton – Blog Le Monde

Editorial. En trois ans et demi, le débat au Royaume-Uni s’est envenimé au point de nourrir l’antiparlementarisme. Il est urgent maintenant d’admettre la réalité du Brexit.

Publié aujourd’hui à 11h47 Temps de Lecture 2 min.

Editorial du « Monde ». Pirouettes, volte-face et coups de Trafalgar. En trois ans et demi, le Brexit a donné lieu à d’innombrables rebondissements, au point que le divorce ­entre le Royaume-Uni et l’Union européenne oscille entre vaudeville et psychodrame. Le « Super Saturday » programmé par Boris Johnson, samedi 19 octobre, devait marquer la fin de cet interminable et lamentable feuilleton. Le débat parlementaire organisé en urgence, un samedi pour la première fois depuis la guerre des ­Malouines en 1982, moins de quarante-huit heures après la publication du nouvel accord de séparation, devait permettre au premier ministre de concrétiser par un vote éclair l’élan né d’une négociation à l’arraché avec l’Union européenne (UE).

Las, 322 députés (contre 306) ont douché les espoirs de M. Johnson en adoptant l’amendement Letwin, qui suspend le vote parlementaire sur l’accord, jusqu’à ce que la loi destinée à le transposer dans le droit britannique ait été approuvée. Ce faisant, par le jeu de la loi Benn, elle aussi imposée à M. John­son par Westminster, ils ont contraint le premier ministre à solliciter un report de la date butoir du Brexit fixée par l’UE au 31 octobre, une échéance qu’il a juré de ne pas dépasser. Pour souligner son désaccord, il a adressé à Bruxelles une sèche demande de report non signée, accompagnée par une lettre paraphée et aimable manifestant son refus du même report qui, selon lui, « nuirait » à la fois au Royaume-Uni et à l’Europe.

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A dix jours de l’échéance fatidique, le paysage politique britannique a atteint un summum de confusion, qui marque un nouveau et inquiétant degré dans la dégradation de la plus vieille démocratie du monde. Le premier ministre contredit officiellement le Parlement, qui, de son côté, confirme son incapacité à sortir du conflit politique qui paralyse le pays.

Situation surréaliste

Le camouflet de samedi résulte largement des concessions spectaculaires de M. Johnson sur l’Irlande du Nord. La frontière douanière qu’il a acceptée avec le reste du Royaume-Uni passe mal. La rebuffade des députés s’explique aussi par leur défiance à l’égard d’un premier ministre qui, en édulcorant les promesses faites par Theresa May d’un alignement sur les règles européennes, compromet les chances de conclusion d’un futur accord de libre-échange avec l’UE.

Cette situation surréaliste place à son corps défendant l’UE en position d’arbitre d’une querelle britannique. Si l’Europe – à l’instar d’Emmanuel Macron – rechigne à accorder un report du Brexit, elle conforte la menace d’un « no deal » et aide Boris Johnson à faire adopter l’accord. Si les Vingt-Sept laissent ­entendre au contraire qu’ils céderont, ils donnent des gages à l’opposition. Prudemment, Bruxelles ne devrait pas prendre position avant les prochaines étapes prévues à la Chambre des communes : lundi, M. Johnson devait tenter d’obtenir un vote sur l’accord, puis mardi sur la loi d’application.

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Juste après le référendum de 2016 dont le résultat était serré, il était tentant, pour les proeuropéens, de souhaiter que les Britanniques se ravisent. Mais, en trois ans, l’opposition travailliste n’a même pas vraiment tenté de retourner la situation. Le débat s’est envenimé au point de se focaliser sur un affrontement entre les députés et le « peuple » que Boris Johnson exploite et qui nourrit l’antiparlementarisme. C’est pourquoi il est urgent d’en terminer avec ce mauvais feuilleton et d’admettre la réalité du Brexit. D’autant que, même si Westminster finit par ratifier l’accord, la route cahoteuse du divorce sera encore longue : l’avenir des relations entre Londres et les Vingt-Sept reste à écrire.

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Le Monde

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