Brexit : Dominic Cummings, âme damnée de Boris Johnson – Le Parisien

Jamais on n’avait autant parlé d’un homme de l’ombre à la Chambre des communes. Dans le chaudron vert du Parlement, le nom de Dominic Cummings, 47 ans, conseiller spécial de Boris Johnson, est sur toutes les lèvres. « Un anarchiste qui empoisonne l’atmosphère politique », dénonce l’ex-Premier ministre conservateur John Major, qui appelle à le mettre à la porte.

« M. Cummings semble diriger le pays à la place de Boris Johnson… » lâche Dominic Grieve, l’un des conservateurs rebelles, récemment exclu du parti. Dans les manifestations pro-démocratie, même combat. Des dessins montrent l’homme chauve, à la doudoune sans manches, comme un marionnettiste, tirant sur les fils d’un Premier ministre blond et ventru.

Des manifestants anti-Brexit protestent contre la politique de Boris Johnson et de son conseiller spécial, le 4 septembre à Londres. /AFP/Isabel Infantes
Des manifestants anti-Brexit protestent contre la politique de Boris Johnson et de son conseiller spécial, le 4 septembre à Londres. /AFP/Isabel Infantes  

Il faut dire que c’est ce fils d’un industriel pétrolier et d’une enseignante pour enfants handicapés qui a mis au point l’une des armes les plus efficaces de la campagne Vote Leave (pour le Brexit) en 2016 : un bus rouge, flanqué d’un message selon lequel 390 millions d’euros (M€) par semaine pourraient revenir au système de santé britannique, une fois le divorce consommé.

Lui encore qui aurait inventé le slogan « Take back control » (Reprenez le contrôle). Lui, enfin, qui aurait imaginé les mesures chocs utilisées aujourd’hui par Boris Johnson pour passer outre les réticences du Parlement sur le Brexit : nomination de Lords favorables à la sortie de l’Union européenne, suspension du Parlement

« Il parle russe, il a des connexions »

Une stratégie qui en dit long sur le respect pour les élus de cet homme originaire de Durham (nord-est de l’Angleterre), qui se vante de n’appartenir à aucun parti, et que l’on soupçonne même de n’avoir jamais voté conservateur. En 2018, il répond négativement à une commission parlementaire qui le convoque pour son enquête sur la campagne en faveur du Brexit.

« Refuser de témoigner devant le Parlement, c’est inacceptable », s’indigne Tom Brake, député, et porte-parole du parti libéral-démocrate sur le Brexit. Le conseiller pro-Brexit et anarchiste se retrouve condamné pour outrage au Parlement, sanction purement symbolique.

Il s’agissait pourtant de mettre au jour le rôle de la start-up Cambridge Analytica, accusée d’avoir volé les données personnelles de Britanniques avant le référendum pour leur envoyer de la propagande ciblée, et d’avoir entretenu des liens avec la Russie. « Il parle russe, il a des connexions », accuse, soupçonneuse, une militante anti-Brexit.

Dominic Cummings, ici le 5 septembre, est connu pour toujours avoir une chemise froissée./AFP/Isabel Infantes
Dominic Cummings, ici le 5 septembre, est connu pour toujours avoir une chemise froissée./AFP/Isabel Infantes  

De fait, Dominic Cummings s’exprime dans la langue de Dostoïevski et a passé trois ans dans le pays pour monter une compagnie aérienne, juste après ses études supérieures. De quoi susciter la controverse.

De petites mains ministérielles terrifiées

Les ennemis du stratège ne se trouvent pas seulement sur les bancs de la Chambre des Communes. Il a longtemps conseillé Michael Gove, grand rival de Boris Johnson, et s’est retrouvé maintes fois en porte-à-faux avec les professeurs et les fonctionnaires au ministère de l’Education, les qualifiant de « blob », référence à un film où une amibe (un blob) finit par dévorer le monde.

Le révolutionnaire, admirateur de Bismarck et Sun Tzu, supporte mal qu’on freine sa volonté réformatrice. La presse britannique décrit des petites mains ministérielles terrifiées. Dominic Cummings a même renvoyé manu militari une conseillère du ministère de l’Économie, sans prendre la peine d’avertir son ministre de patron.

En cause ? Des contacts supposés avec l’ex-ministre Philip Hammond, l’un des conservateurs rebelles mobilisés contre la sortie sans accord de l’Union européenne. C’est lui, aussi, qui aurait fomenté l’exclusion des conservateurs rebelles avec pour conséquence de faire perdre sa majorité au gouvernement.

Bien que diplômé d’Oxford, Dominic Cummings n’a rien d’un conseiller traditionnel. Des journalistes le décrivent, en plein débat au Parlement, errant dans les couloirs de Westminster dans son habituelle chemise froissée, un verre à la main. Un animal politique non identifié, qui semble bien avoir emmené le Royaume-Uni en mer inconnue…

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