Brexit : Corbyn sous pression pour clarifier sa position – Les Échos
Boris Johnson n’est pas le seul à devoir résoudre, sur le Brexit, la quadrature du cercle. Le chef de l’opposition travailliste, Jeremy Corbyn, est lui aussi sous pression sur ce dossier. Car il lui faut à la fois avoir une position suffisamment claire pour apparaître comme une alternative crédible en cas d’alternance, et suffisamment vague pour éviter de s’aliéner une partie de ses électeurs. Les militants travaillistes veulent profiter de la grande conférence annuelle du parti qui s’ouvre ce week-end à Brighton pour le contraindre à clarifier son discours. Au risque de mettre à bas toute sa stratégie.
Dans une tribune publiée mardi par le « Guardian » , le leader répète comme pour la protéger la ligne officielle du Labour : il promet d’organiser un nouveau référendum sur le Brexit s’il parvient à prendre le pouvoir à l’occasion des prochaines élections, qui pourraient avoir lieu dès novembre ou décembre. Il précise qu’il permettra aux électeurs de choisir entre le « Remain » et le nouvel accord de divorce qu’il entend conclure avec Bruxelles, qui laisserait le pays « dans une nouvelle union douanière avec l’UE et une relation étroite avec le marché unique ». Il s’engage à respecter quoi qu’il arrive le résultat de ce « People’s vote ». Mais il refuse de dire pour quel camp il voterait. Au grand dam des militants du parti, dont l’immense majorité voudrait le voir prendre fait et cause pour le « Remain ».
Plus de 80 motions
Pour le pousser à sortir de sa neutralité, ils ont déposé plus de 80 motions qui seront débattues à Brighton dans les jours qui viennent. Ces 400 pages de textes, venant parfois de circonscriptions pro-Corbyn, appellent le parti à faire campagne pour le « Remain » à l’occasion d’un nouveau référendum, voire à renoncer purement et simplement au Brexit en révoquant l’article 50, qui régit la sortie d’un pays de l’UE. Pour ajouter à la pression, plusieurs caciques du parti ont déjà prévenu qu’ils voteraient pour un maintien dans l’UE en cas de nouveau référendum, à l’image de plusieurs ministres du cabinet travailliste « fantôme » : John McDonnell (Economie), Keir Starmer (Brexit), Emily Thornberry (Affaires étrangères) ou encore Diane Abbott (Intérieur).
37 % d’électeurs travaillistes pour le « Leave »
La direction du parti, avec laquelle le bras de fer s’annonce musclé, pourrait bloquer certaines de ces motions avant même qu’elles ne soient discutées. Mais elle ne pourra pas empêcher le débat. Il pourrait aboutir à la mise au vote de motions de synthèse, susceptibles de faire évoluer la ligne du Labour.
Une telle issue serait potentiellement une catastrophe pour l’équipe de Jeremy Corbyn. Si elle veut éviter de s’engager pour le « Remain », ce n’est pas seulement parce que ce dernier (même s’il a soutenu ce camp en 2016) reste un eurosceptique patenté. Une telle position risque aussi de déplaire aux 37 % d’électeurs travaillistes, soit 3 millions de personnes, qui ont voté pour le « Leave » en 2016. Une crainte que partage Len McCluskey, le leader pro-Brexit du puissant syndicat Unite, dont la voix pèse lourd à l’intérieur du parti.
Rester vague lui permet, à l’inverse, de présenter le Labour comme « le seul parti national prêt à faire confiance au Peuple britannique » en lui donnant de nouveau voix au chapitre. Une manière de répondre à la pression des Libéraux démocrates, qui pourraient gagner du terrain grâce à un discours clair : ils promettent tout simplement de renoncer au Brexit s’ils arrivaient au pouvoir.