Bouygues Telecom et SFR dédommagés par l’Etat suite à l’imbroglio Huawei

Bouygues Telecom et SFR dédommagés par l'Etat suite à l'imbroglio Huawei

Comme nombre de pays occidentaux, la France a récemment renforcé ses mesures pour encadrer plus strictement le recours par les opérateurs nationaux à du matériel Huawei, dans le cadre du déploiement des réseaux 5G. Premiers touchés par ce tour de vis : les opérateurs Bouygues Telecom et SFR, tous deux partenaires historiques de la firme de Shenzhen – soupçonnée par Washington et ses alliés de collusion avec le gouvernement chinois. Vent debout contre ces mesures, qui leur font craindre un gros manque à gagner suite à la désinstallation forcée de leurs équipements siglés Huawei, les deux opérateurs se font entendre depuis plusieurs mois pour réclamer une indemnisation des pouvoirs publics.

« Si nous étions (…) dans l’obligation d’utiliser un autre équipementier que Huawei, dans les zones où nous avons des équipements 4G Huawei actuels, nous serions obligés de les démonter et de réinstaller des équipements, ce qui a un effet de coût et de délai », expliquait au printemps dernier Martin Bouygues, le PDG du groupe Bouygues. Après avoir annoncé le retrait de 3 000 antennes de téléphonie mobile Huawei d’ici à 2028 dans les zones très denses, la direction de Bouygues Telecom avait finalement porté l’affaire devant le Conseil d’Etat par l’intermédiaire de trois saisines. Un dossier également porté par SFR, dont le nombre d’antennes Huawei à retirer en zones très denses serait encore plus important, selon certaines informations de presse.

Alors que le gouvernement avait fermé la porte à toute indemnisation pour SFR et Bouygues Telecom, le Conseil d’Etat pourrait avoir un avis différent. Selon L’Express, le rapporteur public a demandé ce vendredi à la plus haute instance administrative de transmettre cette question au Conseil constitutionnel. Si la décision du Conseil d’Etat n’est pas encore connue, les conclusions du rapporteur public ouvrent tout de même la porte à un dédommagement par l’Etat des pertes subies par Bouygues Telecom et SFR suite à la désinstallation programmée de leurs équipements Huawei, pour un manque à gagner chiffré à plusieurs centaines de millions d’euros par les deux opérateurs.

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Des restrictions supplémentaires à venir

Reste que le Conseil d’Etat s’en est pour le moment tenu aux conclusions du gouvernement, en rejetant plusieurs requêtes analogues durant l’été, et en rejetant tout débat sur la question après la finalisation de l’appel d’offres pour l’octroi des fréquences 5G, – qui s’est clos la semaine passée. Un calendrier respecté par Bouygues Telecom et SFR, pour qui l’heure est désormais à la bataille juridique. Et peu importe si le secrétaire d’Etat au Numérique, Cédric O, affirmait en septembre qu’il « n’y a pas de négociation avec les opérateurs sur une compensation financière » pour le démontage des antennes Huawei à l’horizon 2028, assurant qu’il « n’est pas prévu, en aucun cas, qu’il y ait des indemnisations des opérateurs pour les décisions qui ont été prises » au sujet de Huawei.

Pour rappel, le gouvernement a adopté en fin d’année dernière une batterie de mesures pour encadrer strictement l’activité des équipementiers avant le déploiement des premiers réseaux 5G sur le territoire. Ces mesures s’inscrivaient dans le cadre d’une loi de sécurisation des réseaux mobiles, plus connue sous le nom de loi “anti-Huawei”. Celle-ci soumet de fait la présence de tel ou tel équipement ou de tel ou tel logiciel sur les réseaux mobile de nouvelle génération à une autorisation préalable, délivrée par Matignon dans un délai de deux mois sur la base d’une recommandation de l’Anssi.

« Les opérateurs qui n’utilisent pas Huawei, nous les incitons à ne pas y aller, car c’est un peu le sens naturel des choses. Ceux qui l’utilisent déjà, nous délivrons des autorisations dont la durée varie entre trois et huit ans », expliquait alors Guillaume Poupard, le président du gendarme français de la cybersécurité, alors que l’exécutif publiait également un arrêté fixant la liste des appareils encadrés par cette loi dite “anti-Huawei”.

Un an plus tard, cette liste – qui comprend notamment les « appareils assurant l’authentification et l’autorisation d’accès au réseau des équipements terminaux » ou ceux « assurant l’acheminement des communications des équipements terminaux vers des réseaux tiers » – pourrait de nouveau évoluer, restreignant un peu plus le recours par les opérateurs à du matériel fabriqué par Huawei. De quoi rendre ce régime de sanctions encore plus contraignant pour SFR et Bouygues Telecom. C’est pourquoi ces derniers réclament, comme cela se fait dans d’autres pays, un dédommagement pour les aider à se tourner vers d’autres équipementiers. A l’instar d’Ericsson et de Nokia, les deux concurrents européens de Huawei, qui pourraient bien profiter de la mauvaise passe du géant chinois pour pousser un peu plus leurs pions auprès des opérateurs français.

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