Blue Mind-Linagora: la Cour de cassation casse un arrêt d’appel

 

(Image pxhere.com)

Depuis près d’une décennie, le litige lancé par Linagora contre Blue Mind et ses fondateurs (ex-dirigeants d’une entreprise rachetée par Linagora en 2007, avec entre autres un conflit sur le droit et la durée à la concurrence) occupe maints juristes et tribunaux. Nouveau rebondissement, cette fois au niveau de la plus haute instance du droit civil en France, en faveur de Blue Mind. Les amateurs de suspense noteront qu’après un arrêt de cour d’appel, le 1er juin 2021, qui renversait un jugement de première instance, c’est un nouveau retournement – à cela près qu’il n’y a pas d’instance au-dessus de la Cour de Cassation, donc pas nouvelle inversion possible. Depuis le début des hostilités en 2013, Linagora a entamé des actions pour contrefaçon, violations de clauses de non-concurrence et garantie d’éviction lors d’une cession (point sur lequel porte l’arrêt de cassation de cette semaine).

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Évaluation à revoir

L’arrêt du 10 novembre 2021 de la Cour de cassation (publié en ligne), en formation plénière de la chambre commerciale, financière et économique, porte sur un arrêt d’appel du 1er décembre 2020 de la cour d’appel de Paris (auquel faisait suite l’arrêt de juin 2021, la cour d’appel ayant refusé un sursis à statuer dans l’attente de la procédure contre l’arrêt de décembre 2020) – rappelons que la Cour de cassation juge en droit (et pas sur le fond), et c’est pourquoi un arrêt retoqué par elle doit revenir en cour d’appel ensuite. Dans l’arrêt de juin, Pierre Baudracco et Pierre Carlier, cofondateurs en 1997 d’Aliasource, vendue en mai 2007 à Linagora, avaient été condamnés à verser un total de 457.000 euros à Alexandre Zapolsky, son entrerprise Linagora et deux autres entités liées.

La Cour de cassation «ordonne la réouverture des débats sur l’évaluation de l’indemnité due par
M. Baudracco et M. Carlier à la société Linagora au titre de l’éviction partielle et invite les parties à faire part de leurs observations sur le calcul du montant du chiffre d’affaires généré par la clientèle détournée» «et ordonne la réouverture des débats sur l’évaluation du préjudice subi par la société Linagora Grand Sud-Ouest résultant d’une perte de chiffre d’affaires» (le calcul de près d’un demi-million d’euros est ainsi à revoir).

Sur la question de la non-concurrence, la Cour de cassation écrit que «si la liberté du commerce et la liberté d’entreprendre peuvent être restreintes par l’effet de la garantie d’éviction à laquelle le vendeur de droits sociaux est tenu envers l’acquéreur, c’est à la condition que l’interdiction pour le vendeur de se rétablir soit proportionnée aux intérêts légitimes à protéger».

L’arrêt de cassation souligne, pour casser l’arrêt d’appel, la question de la durée:

«En se déterminant ainsi, après avoir constaté que M. Baudracco avait créé la société Blue Mind plus de trois ans après la cession des actions, que M. Carlier n’avait rejoint cette société que quatre ans après la cession et que les contrats en cours lors de la cession étaient à durée déterminée, sans rechercher concrètement si, au regard de l’activité de la société dont les parts avaient été cédées et du marché concerné, l’interdiction de se rétablir se justifiait encore au moment des faits reprochés, la cour d’appel a privé sa décision de base légale.»

Linagora condamnée aux dépens

Côté indemnisations, la Cour de cassation «remet, sur ces points, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Paris, autrement composée». Elle condamne aux dépens les sociétés Linagora et Linagora Grand Ouest, et les condamne au titre de l’article 700 du code de procédure civile (pour les frais de justice) «à payer à M. Baudracco et M. Carlier la somme globale de 3.000 euros».

Dans les moyens (arguments) produits par les avocats de Pierre Baudracco et Pierre Carlier, la SARL Munier-Apaire, ces avocats font valoir la durée des contrats (en résumé, une fois les contrats à durée déterminée entre l’entreprise A et ses clients expirés, l’entreprise B peut contracter avec ces clients), ou encore, coups de griffe des avocats (mais les moyens ci-dessous, «subsidiaires», ne sont pas entrés en ligne de compte, l’arrêt de cassation indiquant porter «sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs»):

«Si la perte de la clientèle alléguée n’avait pas pour cause l’insatisfaction des clients avec la qualité des prestations fournies par GSO ou l’absence de toute participation de cette dernière aux appels d’offres lancés par les clients ou encore le pillage par la société Linagora des plus gros clients de GSO en sorte que la perte de la clientèle alléguée, plusieurs années après la cession, avait en réalité pour cause le fait du cessionnaire et de sa filiale.»

«Il en ressortait que les exposants n’avaient commis aucun débauchage et qu’il lui incombait [à la cour d’appel] de rechercher, comme elle y était invitée, si le départ massif de 53 salariés de GSO
– dont seulement 6 avaient rejoint la société Blue Mind – avait pour cause le climat délétère qui régnait au sein de GSO en raison des méthodes de management brutales employées par Linagora de sorte que la cessionnaire était seule responsable de cette éviction.»

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