Bioéthique : le grand oui des députés à la PMA pour toutes – Libération

«Merci pour ce grand moment de démocratie.» C’est ainsi que la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, a salué, un poil emphatique mais très brièvement, le vote solennel du projet de loi bioéthique en première lecture à l’Assemblée. La victoire est de fait conséquente dans un hémicycle bondé : 359 voix pour et 114 contre. Saluée par de copieux applaudissements et une standing ovation dans les rangs de La République en marche et de la gauche. Ainsi s’achève le premier round du parcours d’un texte qui va, avant tout, ouvrir la PMA à toutes, quels que soient leur régime matrimonial et leur orientation sexuelle.

Une fois n’est pas coutume, chaque groupe parlementaire avait laissé à ses ouailles une liberté de vote pour se prononcer sur des sujets qui convoquent parcours personnel et valeurs intimes. Cela s’est vu. Sur tous les bancs, les votes se sont partagés. Parmi les marcheurs, 250 ont voté pour, 8 contre et 25 se sont abstenus. Au sein des Républicains, plus gros pourvoyeurs d’opposants (75 contre), 12 députés ont tout de même approuvé le texte – dont Maxime Minot, le seul de sa famille à se lever lors de la séance d’applaudissements – et 15 se sont abstenus. Les trois groupes de gauche ont, eux, massivement apporté leur soutien au texte. A noter : les frontistes ont presque tous voté contre (comme Marine Le Pen) sauf deux qui se sont abstenus, tandis que l’ex-LREM Agnès Thill, arrivée trop tard voilà quinze jours pour s’opposer à l’article premier sur la PMA pour toutes, a cette fois pu appuyer sur le bouton.

«Ligne de crête étroite»

Si le projet de loi a été adopté après 80 heures de débat en séance publique et 50 heures d’examen en commission, le show final a été expéditif et pas si… chaud. Co-responsable du groupe LREM sur ce texte, Aurore Bergé a ouvert les interventions par une petite envolée sur «l’honneur de notre Assemblée que d’offrir la PMA à toutes», tout en se gardant bien de verser dans le triomphalisme : «Certains considèrent que nous sommes allés trop loin, d’autres nous reprochent un excès de prudence, j’y vois notre capacité à tenir notre ligne de crête étroite. Il n’y a pas d’un côté de l’hémicycle ceux qui auraient tort, et de l’autre ceux qui auraient raison. Il n’y a pas de victoire, pas de défaite.»

Du côté des députés LR, on affichait pourtant une triste mine et une liste de récriminations : contre la «PMA sans père», «la réforme soi-disant tranquille de la filiation» et une «révision des lois de bioéthiques à marche forcée». «Est-ce que la société va porter préjudice aux enfants ?», a enchaîné Thibault Bazin (LR), mécontent des discussions à temps compté sur les articles les plus scientifiques et techniques. Chiffon rouge agité depuis trois semaines, le mot GPA a encore une fois été prononcé dans l’hémicycle. Pourtant absente du texte et déminée par Aurore Bergé, qui a estimé que cette pratique «percute nos fondements éthiques».

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Non loin du Palais-Bourbon, dans un café voisin, la Manif pour tous – qui se fait désormais plutôt appeler «Marchons enfants !» – avait pris soin de convoquer la presse juste avant le vote. Pour tenter de convaincre que la partie n’était pas finie. «Nous n’en sommes qu’au début. Ce vote ne signifiera pas que c’est fait», veut croire Ludovine de La Rochère et ses camarades qui n’ont pas mégoté sur les phrases chocs («Les enfants ne sont plus reçus, ils sont exigés») et appellent déjà à des piquets de mobilisation en en province le week-end du 30 novembre-1er décembre avant une grande manif parisienne le 19 janvier.

«Le chemin est tracé pour l’avenir»

L’écho n’est guère parvenu jusqu’à l’hémicycle où la gauche a – et c’est exceptionnel – joint ses voix à celles de la majorité. Laquelle a applaudi Jean-Luc Mélenchon (LFI) qui, après avoir déclamé «nous avons été des défricheurs, des arpenteurs», a fait savoir qu’il voterait pour. Six ans après le vote du mariage pour tous, le PS n’a pas manqué de rappeler l’héritage qui lui est dû. «Le combat gagné en 2013 a fait avancer l’histoire et reculer l’intolérance», a rendu hommage Marie-Noëlle Battistel. Les socialistes ont approuvé le projet de loi, à deux voix près, non sans relativiser «un texte même imparfait qui ouvre de nouveaux droits. Nous préférons une avancée même lente à l’immobilisme», reprend Battistel.

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Même dans les rangs LREM, quelques frustrations et déceptions se sont fait sentir à mesure qu’ont été retoquées les tentatives menées par quelques députés d’ouvrir le texte – notamment sur la reconnaissance des enfants nés par GPA. Butant sur la liberté de vote affichée, l’impératif de s’en tenir à un texte présenté comme «équilibré» par le gouvernement a laissé des traces. «On fait ce qu’on avait promis sur la PMA, mais sur le reste, on n’est pas allé plus loin», débriefe une des députées LREM les plus offensives. Sur la même ligne, Jean-Louis Touraine, également co-rapporteur du texte, préfère s’en tenir «au résultat» : «Ce qui a été obtenu est bien. Les trois quarts de ce qui n’a pas été accordé, car considéré comme trop progressiste, le sera dans cinq ans… et peut-être même avant. Rappelez-vous il y a huit ans, c’était un non ferme sur la question de l’accès aux origines, et là c’est passé comme une lettre à la poste. Le chemin est tracé pour l’avenir.»

Catherine Mallaval , Laure Equy

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