Bilan de la COP26 : “Par rapport aux autres conférences, les pays ont discuté de choses concrètes”, salue une – franceinfo
Quel bilan pour la COP26 ? Les 196 pays réunis depuis quinze jours à Glasgow (Ecosse, Royaume-Uni) se sont mis d’accord, samedi 13 novembre, sur une série de déclarations finales pour accélérer la lutte contre le réchauffement climatique. La conférence a également été marquée par plusieurs accords thématiques, sur la déforestation ou le méthane.
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Pour analyser les avancées et les blocages de ce nouveau sommet climatique, franceinfo a interrogé Sandrine Maljean-Dubois, directrice de recherche au CNRS au sein du Centre d’études et de recherches internationales et communautaires (Ceric), observatrice expérimentée du processus climatique.
Franceinfo : que retenez-vous de cette COP26 ?
Sandrine Maljean-Dubois : Ce qui me semble majeur, par rapport aux autres COP, c’est que les dirigeants de la planète se soient mis à discuter de choses concrètes, comme la fin des énergies fossiles [pétrole, charbon, gaz, premières sources de gaz à effet de serre]. Cela peut paraître fou, mais c’est la première fois qu’il y a ces discussions jusqu’à la déclaration finale. La formule retenue est beaucoup plus en retrait que dans les premières versions du texte, cela a été un peu détricoté, mais le sujet est sur la table.
Avant ce sommet, vous expliquiez que vous seriez très attentive aux ambitions de réduction des émissions de gaz à effet de serre, actuellement insuffisantes. Quel bilan faites-vous sur ce point ?
Le résultat est plus positif que je l’imaginais. Le processus joue son rôle, ce n’est certainement pas assez, mais c’est mieux. Avant la COP21, nos engagements nous menaient vers 4,5°C, au moment même de la COP21, c’était 3,5°C. Avant la COP26, nous étions à 2,7°C. Il faut attendre de voir les évaluations mais si on finit à 2,2°C ou 1,8°C [Le chiffre cité par l’Agence internationale de l’énergie], ce sera un progrès. Surtout que dans la décision, il y a l’idée que les pays retransmettent une contribution nationale [l’outil par lequel un Etat annonce ses réductions d’émissions] modifiée, plus ambitieuse, dès l’année prochaine.
Après, il reste le problème de la mise en œuvre. Que des engagements forts soient déjà pris, c’est une première exigence, la deuxième, c’est la mise en œuvre. De ce point de vue, on n’y est pas, même si lors de cette COP, on s’est mis à discuter de la fin des énergies fossiles.
Pendant cette COP, de nombreux accords parallèles, hors du processus classique, ont été annoncés, comme sur le méthane ou la déforestation. Quelle est leur valeur ?
On pouvait les lire comme des engagements politiques pas vraiment engageants et pas contrôlés, ce qui est le cas. Mais finalement, je trouve que cela a insufflé de l’ambition à toute la COP, donc c’est positif. La décision finale en rend compte, par exemple pour le méthane. Ils ont permis de rentrer dans les choix énergétiques, de rendre le processus plus concret. Il n’y a pas de contrôle, mais les Etats doivent rendre des comptes devant leurs opinions publiques, cela verrouille les choses.
Quels sont les points problématiques de cette COP26 ?
Je n’ai pas encore vu la décision sur l’article 6, sur les marchés carbone, qui peut potentiellement poser problème. Pour le reste, j’ai plutôt l’impression que c’est un paquet équilibré, qui progresse sur tous les sujets. Personne n’est content, mais c’est bon signe, cela veut dire qu’on a atteint un compromis. Sur les financements, ce n’est cependant pas satisfaisant pour les pays du Sud, mais les discussions vont continuer.
De nombreux pays et ONG regrettent la décision sur les pertes et dommages. Est-ce que vous pouvez expliquer ce point ?
Ce sujet revient de COP en COP et devient un point difficile. L’atténuation, c’est la réduction des émissions de gaz à effet de serre. L’adaptation, ce sont les mesures pour s’adapter au changement climatique. Les pertes et dommages sont présentés comme un autre volet, même si on peut considérer que cela fait partie de l’adaptation.
C’est parti d’une volonté des Etats insulaires du Pacifique, qui voulaient une sorte de guichet qui permette d’avoir une aide d’urgence et au long cours, par rapport à toutes les conséquences climatiques lentes comme la montée des eaux. Les pays du Nord ont résisté, résisté et finalement, c’est entré dans les textes en 2010. Plus le changement climatique devient une réalité, plus la question monte. Là, il y a eu l’insertion dans les textes de la mention de “facility”, d’un mécanisme financier, puis cela a été remplacé par un “dialogue”. Forcément, pour les pays du Sud, ce n’est pas la même chose : le sujet est encore reporté.
Beaucoup de médias ont présenté cette COP comme celle de “la dernière chance”. Est-ce que vous partagez cette vision des choses ?
Je pense que c’est dangereux. On répète cela depuis Copenhague en 2009, donc, c’est un peu contre-productif. Ce n’était pas la COP de “la dernière chance”, mais il y avait beaucoup d’attentes.
Une nouvelle COP sera organisée en 2022. Quels seront les enjeux ?
Avec cette COP de Glasgow, le manuel de l’accord de Paris sera complet. A quoi va désormais servir le processus ? A voir si les Etats tiennent leurs engagements, grâce au cadre de transparence et à continuer de pousser pour le relèvement de l’ambition. Ce sera le menu de la prochaine COP, puis de celles d’après.