Bernard Laporte, président de la fédération française de rugby, placé en garde à vue – Le Monde

Bernard Laporte et Mohed Altrad, à Montpellier, le 19 février 2019.

A dix jours de briguer sa succession à la tête de la Fédération française de rugby (FFR), Bernard Laporte a été placé en garde à vue, mardi 22 septembre à Paris, à la brigade de répression de la délinquance économique (BRDE) dans l’enquête portant sur ses liens avec le groupe Altrad.

Le patron de ce groupe, Mohed Altrad, qui est également propriétaire du Montpellier Hérault Racing (MHR) et sponsor des Bleus, a, lui aussi, été placé en garde à vue par la police financière. Tout comme le patron du Mondial-2023, Claude Atcher, et deux hauts responsables de la Fédération, Serge Simon et Nicolas Hourquet.

Le patron du rugby français, 56 ans, est arrivé mardi matin dans les locaux de la BRDE à qui le parquet national financier (PNF) avait confié les investigations en 2017, ont confirmé des sources concordantes. Le vice-président de la FFR, Serge Simon, s’est aussi présenté à la BRDE mardi matin.

  • De quoi Bernard Laporte est-il soupçonné ?

Les enquêteurs cherchent à vérifier si le président de la FFR a favorisé le MHR en intervenant auprès de la commission d’appel de la FFR pour faire diminuer des sanctions contre le club, fin juin 2017. Le dossier portait sur le déploiement de banderoles hostiles à la Ligue par les supporteurs du MHR.

Bernard Laporte, ancien sélectionneur des Bleus (2000-2007), devenu ensuite secrétaire d’Etat chargé des sports de Nicolas Sarkozy (2007-2009), puis manageur de l’équipe de Toulon (2011-2016), s’est toujours défendu de toute intervention en faveur de Montpellier, même s’il a reconnu avoir téléphoné au président de la commission, Jean-Daniel Simonet

Des inspecteurs généraux du ministère des sports ont établi, dans un rapport transmis à la justice, que les décisions de la commission ont été « modifiées » entre les 29 et 30 juin 2017. Dans un premier temps, la commission d’appel aurait décidé de confirmer les sanctions prononcées par la Ligue (LNR), soit 70 000 euros d’amende et un match à huis clos, avant de passer à 20 000 euros d’amende et un sursis sur le match à huis clos.

Un coup de téléphone au président de la commission d’appel de la Fédération pour « donner un éclairage politique »

Dans une interview au Parisien, en août 2017, Bernard Laporte avait assuré qu’en appelant M. Simonet, il avait simplement souhaité lui « donner un éclairage politique » sur les tensions dans le rugby et qu’il fallait apaiser la situation au sein du rugby professionnel. Jean-Daniel Simonet, lui, a assuré aux inspecteurs du ministère des sports que sa commission n’en était qu’au stade d’une « hypothèse » de décision le 29, d’après lui trop sévère.

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Interrogé par le tribunal lors d’un procès en diffamation perdu par le patron de la FFR contre L’Equipe, le 9 mai 2019, Philippe Peyramaure, un des membres de la commission d’appel, avait livré un témoignage beaucoup moins consensuel.

D’après lui, M. Simonet l’avait appelé au matin du 30 juin pour lui raconter le coup de téléphone d’un Bernard Laporte « pas content », qui lui « avait dit, de manière plutôt brutale, qu’Altrad était un sponsor important de l’équipe de France [premier sponsor maillot], un soutien important pour la candidature » victorieuse de la France à l’organisation du Mondial-2023 « et qu’il fallait supprimer ces sanctions ». « C’est l’intérêt supérieur du rugby », aurait ajouté Jean-Daniel Simonet, selon cette version.

Mais c’est aussi aux conditions d’attribution du Mondial 2023 que les enquêteurs s’intéressent. Le Canard enchaîné a affirmé, en août, que « des responsables de la trésorerie de la FFR ont été entendus, ainsi que des membres de l’équipe marketing ».

  • Quels sont les liens entre M. Laporte, la fédération et M. Altrad ?

Le groupe Altrad, spécialisé dans les matériels de bâtiment, était devenu, en mars 2017, le premier sponsor du maillot du XV de France, avant de soutenir la candidature française, finalement victorieuse, pour l’organisation de la Coupe du monde de 2023.

En révélant l’affaire en août 2017, le JDD avait aussi mis au jour l’existence d’un contrat entre BL Communication, une société dirigée par Bernard Laporte, et Altrad Investment Authority pour un montant de 150 000 euros. Sous la pression, Bernard Laporte y avait renoncé.

Des perquisitions avaient eu lieu en janvier 2018 aux domiciles de M. Laporte et de M. Altrad, ainsi qu’au siège de la FFR.

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  • Pourquoi les auditions ont-elles lieu aujourd’hui ?

Les policiers avaient déjà entendu plusieurs protagonistes en 2019, notamment les trois membres de la commission d’appel de la FFR qui devaient juger le dossier le 29 juin 2017. D’autres auditions étaient prévues au début du printemps, mais le confinement a conduit à les repousser.

De ce fait, la convocation, et la garde à vue aujourd’hui de MM. Laporte et Altrad, ainsi que des trois autres personnes, surviennent alors que le président de la FFR achève son mandat (il avait été élu le 3 décembre 2016) et qu’il est dans la dernière ligne droite de sa campagne pour sa réélection. L’élection à la présidence de la FFR aura lieu le 3 octobre. M. Laporte y sera opposé à Florian Grill, l’actuel président de la Ligue Île-de-France.

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« Une véritable tentative de putsch dont la motivation des auteurs ne fait aucun doute »

Dans une lettre publiée mardi sur son compte Facebook, et adressée à l’ensemble des présidents des clubs de rugby, Bernard Laporte explique que sa convocation, si elle constitue « une étape logique et normale », ne revêtait « aucun caractère d’urgence » avant cette élection et qu’il en avait demandé le « report de quelques jours ».

Le président de la FFR voit dans le maintien de son audition « un dessein » : « me présenter à vos yeux comme coupable sans possibilité de me défendre et en faisant fi de la présomption d’innocence ». Et derrière ce dessein, il discerne la main du « monde professionnel » qu’il « dérange », assure-t-il. Il dénonce même « une véritable tentative de putsch dont la motivation des auteurs ne fait aucun doute. Tout ceci participe d’une véritable stratégie électoraliste assez nauséabonde ».

Le Monde avec AFP

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