Ben Ali, la mort en exil du raïs – Le Parisien

La nouvelle est tombée quatre jours après le premier tour de la présidentielle tunisienne : Zine el-Abidine Ben Ali, qui a occupé le palais de Carthage de 1987 à 2011, est mort à Djeddah, en Arabie saoudite, où il vivait en exil depuis près d’une décennie. Il a succombé à une longue maladie. « Ce n’est pas une bonne année pour les présidents », commente, un peu sarcastique, un vieux Tunisien. Le 25 juillet, Béji Caïd Essebsi avait lui aussi disparu subitement, provoquant une présidentielle anticipée.

Ben Ali et Essebsi avaient en commun d’avoir grandi sous Habib Bourguiba, le père de l’indépendance tunisienne. Mais alors qu’Essebsi s’est attaché dans ses fonctions à assurer la « transition démocratique » de son pays, son prédécesseur laissera le souvenir d’un despote affairiste.

Des débuts scolaires poussifs

Zine el-Abidine Ben Ali, né en 1936 dans une famille modeste de la petite ville côtière de Hammam Sousse, avait d’abord connu des débuts scolaires poussifs. Son double engagement dans le parti Néo-Destour au pouvoir et dans l’armée, va lui permettre de se rattraper. Il sera diplômé de l’École spéciale militaire de Saint-Cyr puis d’instituts militaires aux Etats-Unis. Passionné d’électronique, il obtient également un diplôme d’ingénieur.

Très vite le jeune militaire va se spécialiser dans le renseignement puis la sécurité. Il épouse Naïma, la fille du général Kefi, l’un de ses premiers supérieurs, dont il divorcera des années plus tard pour convoler en secondes noces avec Leïla Trabelsi, une coiffeuse plus jeune de vingt-et-un an.

L’ascension de Ben Ali est rapide malgré quelques accrocs : après avoir dirigé la sécurité militaire puis la sûreté nationale, il est un moment éloigné à l’étranger avant d’être rappelé en 1984. Les « émeutes du pain » inquiètent le palais de Carthage. Bourguiba, dont le régime s’est durci, nomme Ben Ali ministre de la Sûreté nationale puis ministre de l’Intérieur en 1986. Fatale erreur de jugement : un an plus tard Ben Ali écarte le vieux président à la faveur d’un « coup d’Etat médical ».

Des espoirs douchés par la poussée des islamistes

Son arrivée à la tête de l’Etat soulève d’abord de grands espoirs dans la population. Mais après deux années de relative libéralisation du pourvoir, les élections (présidentielle et législatives) de 1989 marquent la poussée des islamistes. Ben Ali referme aussitôt la parenthèse.

Au début des années 90, Ben Ali, soutenu par les Occidentaux et la France, restreint les libertés individuelles, supprime de fait le multipartisme et met en place un système de corruption généralisée. Appuyé par son clan et celui des Trabelsi, il va bientôt capter jusqu’au quart des actifs tunisiens.

Malgré une croissance économique forte, qui varie entre 5 et 8 %, la pauvreté sévit notamment dans la Tunisie de l’intérieur, oubliée par le développement, tandis que le régime réprime de plus en plus durement les oppositions politiques et sociales.

Condamné par contumace, il ne reviendra jamais en Tunisie

En 2008, les émeutes de Gafsa sont un nouveau signal d’alerte dont ne tient pas compte Ben Ali. Le 17 décembre 2010, un jeune Tunisien désespéré, Mohamed Bouazizi s’immole par le feu et donne le signal de la révolution. Le printemps arabe déclenché en Tunisie est une lame de fond qui forcera Ben Ali à quitter le pays le 14 janvier 2011. Exilé en Arabie saoudite dans une luxueuse demeure, il ne reviendra jamais en Tunisie où il est plusieurs fois condamné par contumace. Plusieurs de ses neveux purgent encore des peines de prison. Le raïs déchu devrait être enterré, ce vendredi, en terre saoudienne à Djedda.

Lors du premier tour de la présidentielle, la candidate Abir Moussi a tenté de surfer sur un début de nostalgie de l’ère Ben Ali, qui est en fait une aspiration à plus de sûreté. Elle a recueilli moins de 5 %.

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