AWS se lance dans la course aux ordinateurs quantiques supraconducteurs

AWS se lance dans la course aux ordinateurs quantiques supraconducteurs

Ce n’est un secret pour personne : le géant du cloud computing AWS entend bien s’imposer dans sur le marché de l’informatique quantique. Pour ce faire, la filiale d’Amazon vient d’annoncer l’ouverture d’un tout nouveau centre d’informatique quantique en Californie. Des universitaires et des ingénieurs de haut niveau y travailleront à la construction du propre ordinateur quantique supraconducteur de l’entreprise.

Située au nord-est de Los Angeles, à Pasadena, l’installation de deux étages et de 21 000 pieds carrés a d’abord été annoncée par AWS en 2019. Elle a été construite au cours des deux dernières années, en partenariat avec l’Institut de technologie de Californie (Caltech) voisin. Les chercheurs de Caltech feront partie de l’équipe technique du centre et dirigeront les efforts d’AWS pour construire un ordinateur quantique à grande échelle et tolérant aux pannes. Le nouveau bâtiment comprend des bureaux pour les équipes de recherche quantique, ainsi que des laboratoires équipés des outils spécialisés – allant des systèmes de refroidissement cryogénique au câblage – nécessaires à la construction de matériel quantique.

Avec le lancement de ce nouveau centre de recherche, Amazon réitère son ambition de jouer un rôle de premier plan dans le domaine de l’informatique quantique, qui devrait un jour libérer une puissance de calcul sans précédent. Les experts prévoient que les ordinateurs quantiques, lorsqu’ils seront construits à une échelle suffisante, auront le potentiel de résoudre des problèmes impossibles à exécuter sur des ordinateurs classiques, ce qui ouvrira d’énormes possibilités scientifiques et commerciales dans des domaines tels que la science des matériaux, les transports ou la fabrication.

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Priorité aux qubits supraconducteurs

Il existe plusieurs approches pour construire du matériel quantique, toutes reposant sur des méthodes différentes pour contrôler et manipuler les éléments constitutifs des ordinateurs quantiques, appelés qubits. AWS a annoncé que la société avait choisi de concentrer ses efforts sur le modèle des qubits supraconducteurs. Une méthode déjà utilisée par les équipes quantiques rivales d’IBM et de Google, entre autres.

AWS justifie ce choix en expliquant que les processeurs supraconducteurs ont un avantage sur les autres approches. « Les qubits supraconducteurs présentent plusieurs avantages, l’un d’eux étant qu’ils peuvent exploiter les techniques de microfabrication dérivées de l’industrie des semi-conducteurs », explique à ZDNet Nadia Carlsten, chef de produit au AWS Center for Quantum Computing. « Nous pouvons fabriquer un grand nombre de qubits sur une tranche de silicium et le faire de manière répétable, et cette évolutivité sera importante. »

La mise à l’échelle du matériel est l’un des principaux domaines d’intérêt de l’industrie quantique. La technologie n’en est encore qu’à ses débuts, la majorité des processeurs quantiques ne supportant que quelques dizaines de qubits. Le système quantique supraconducteur le plus avancé d’IBM, par exemple, est limité à 65 qubits. Reste que les ordinateurs quantiques capables de résoudre des problèmes ayant une valeur sociétale et commerciale nécessiteront des processeurs pouvant prendre en charge des millions de qubits. C’est l’objectif que s’est fixé AWS : l’entreprise promet une « approche audacieuse » qui permettra d’obtenir un système capable d’exécuter des algorithmes nécessitant des milliards d’opérations de portes quantiques.

« Un grand défi »

« Nous relevons un grand défi », reconnaît Nadia Carlsten. « Nous devons faire évoluer la taille des systèmes quantiques et apprendre de nouveaux moyens de contrôler ces systèmes plus grands. Nous devons également le faire de manière à maîtriser le bruit, afin que les taux d’erreur soient suffisamment bas pour permettre des calculs nécessitant un très grand nombre d’opérations. »

Il s’agit d’une gageure : les taux d’erreur constituent aujourd’hui l’un des principaux obstacles à la mise à l’échelle des ordinateurs quantiques. En effet, les qubits sont très fragiles et la moindre perturbation de leur environnement peut les faire sortir de l’état quantique spécial qui alimente les ordinateurs quantiques. Ce phénomène, connu sous le nom de décohérence, est responsable des taux d’erreur élevés qui entachent les calculs effectués par les processeurs quantiques existants. A titre d’exemple, rappelons que les ordinateurs classiques présentent des taux d’erreur de l’ordre d’une erreur par milliard d’opérations, tandis que les ordinateurs quantiques présentent une erreur toutes les 1 000 opérations.

De quoi faire émerger un domaine de recherche appelé “correction d’erreurs quantiques” (QEC), qui vise à protéger les informations quantiques de la décohérence. Cette pratique consiste à utiliser de nombreux qubits imparfaits (appelés “qubits physiques”) pour former un qubit contrôlable (appelé “qubit logique”), qui code l’information quantique et peut être utilisé pour détecter et corriger les erreurs. Si elle s’avère efficace, la correction d’erreurs quantiques entraîne en revanche une surcharge matérielle importante, car de nombreux qubits physiques sont nécessaires pour coder chaque qubit logique – chaque qubit “protégé” nécessite généralement 1 000 qubits physiques.

C’est pourtant ce domaine qu’AWS considère comme la clé de la résolution de nombreux problèmes de mise à l’échelle qui paralysent l’informatique quantique. « Nos équipes travaillent sur la mise en œuvre de la correction d’erreurs quantiques de manière efficace sur le plan matériel, de manière à réduire considérablement le nombre de qubits physiques nécessaires pour corriger ce qui doit l’être », explique Nadia Carlsten.

Des travaux purement théoriques

Au début de l’année, AWS a publié une ébauche de son plan d’attaque pour concevoir une nouvelle approche de la correction d’erreurs quantiques, avec l’objectif d’améliorer la correction d’erreurs avec moins de qubits physiques. AWS souhaite s’appuyer sur une architecture dans laquelle un peu plus de 2 000 composants supraconducteurs utilisés pour la stabilisation pouvaient produire une centaine de qubits logiques capables d’exécuter 1 000 portes.

Si le projet est purement théorique et que de nombreux défis restent à relever pour prouver que l’architecture pourrait prendre la forme d’un dispositif physique, la direction d’AWS se montre optimiste. « En réduisant le nombre de qubits physiques requis, nous réduisons également l’échelle des systèmes de support nécessaires pour contrôler le processeur. »

Du point de vue de l’ingénierie, cette approche fait donc d’un ordinateur quantique à grande échelle une proposition plus réaliste. L’initiative d’AWS en matière d’informatique quantique n’en est qu’à ses débuts, la plupart des travaux de l’entreprise dans ce domaine étant encore théoriques.

A terme, AWS souhaite que son matériel quantique soit disponible dans le cloud pour que les clients de l’entreprise puissent l’utiliser sur AWS Braket – une plateforme quantique entièrement gérée et basée sur le cloud, lancée en 2019, qui permet aux clients d’accéder aux ordinateurs de fournisseurs tiers de matériel quantique. Cela permettrait au géant du cloud de rattraper son retard sur IBM et Google, qui mettent tous deux déjà leur matériel quantique à disposition dans leurs propres cloud pour que les clients puissent l’utiliser. IBM a même commencé à déployer des ordinateurs quantiques en dehors du laboratoire et directement dans les centres de données de certains clients.

Source : ZDNet.com

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