Au revoir roi des pirates

Au revoir roi des pirates

Quand vous réunissez Ryan Murphy, Blumhouse et Stephen King, le mélange ne peut que réussir. Le téléphone de M. Harrigan est une nouvelle, figurant dans le recueil « si ça saigne » de Stephen King.

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Erreur de classification

Curieusement, le film est classé en film d’horreur, ce qu’il n’est pas vraiment. L’atmosphère est angoissante et l’histoire tient plus du fantastique que de l’horreur pure. Il n’y a pas de monstres, de tueurs ou de scènes sanguinolentes. Il est vrai que la famille du cinéma d’horreur est vaste et comporte une quantité impressionnante de sous-genres et de sous-catégories. Mais, même en tirant le fil, on a du mal à le classer en film d’horreur.

Cela tient d’abord à l’histoire et les fans de Stephen King verront peut-être un clin d’œil à une autre histoire fantastique : cœurs perdus en Atlantide. La comparaison est aisée, car on a l’élément fantastique, l’amitié entre un homme à l’hiver de sa vie et un jeune garçon, élevé par un parent isolé. On retrouve aussi cette trame dans Shining.

Mais, il est vrai que l’œuvre de Stephen King est parfois inclassable et se heurte à la taxonomie trop formatée du cinéma. Certaines de ses œuvres sont à la lisière de plusieurs mondes et comme ceux qui écrivent les critiques, ne sont pas forcément les plus armés pour les comprendre, cela donne des ratatouilles. Un peu comme le JDD qui, sur le second chapitre de Ça, disait que Jessica Chastain s’essayait au cinéma de genre.

Archéologie technique

Le point le plus fascinant du film, pour tout technophile qui se respecte, est le fameux iPhone. Dans le livre, parler d’un vieux téléphone portable n’est pas un problème. Il n’y a pas d’images, on peut inventer à peu près tout, au presque.

Les choses sont plus compliquées quand vous devez filmer un vieux téléphone portable, qui ne se fabrique plus depuis des années. Dans le livre et le film, on parle du tout premier iPhone, sorti en 2007. Si la boîte que l’on aperçoit dans le film ne paraît pas être celle d’origine, du moins, celle qui contenait le smartphone commercialisé en Europe, le téléphone de M. Harrigan est bien le tout premier iPhone commercialisé.

On ne peut être qu’épaté par le fait que le téléphone fonctionne encore et affiche une batterie pleine pour la séquence. On se demande aussi s’il y a eu un partenariat avec Apple. Il est probable que non, pour deux raisons. En premier, il n’y a nulle trace d’un partenariat commercial dans le générique du film. Par ailleurs, le réalisateur Rian Johnson, dans une interview à Vanity Fair, dit explicitement « Apple… ils vous laissent utiliser des iPhone dans les films, mais… et c’est crucial dans un film à suspense, les méchants ne peuvent pas avoir d’iPhone devant la caméra »

Enfin, selon MacGeneration, Apple aurait un droit de regard sur les produits, qui ne doivent pas être détruits à l’écran ni mettre en avant un défaut. Or, et vous le verrez si vous
n’avez pas lu le livre, les deux éléments sont présents dans le film. Il est
donc probable que la production ait dû partir à la chasse pour trouver
plusieurs iPhone de première génération pour tourner l’adaptation.

Manque de profondeur

Pour une raison qui échappe à toute logique, certains critiques qui se prétendent cinéphiles, mettent en avant une pseudo contradiction entre les propos de M. Harrigan et le fait qu’il se retrouve détenteur d’un iPhone. Évacuons le sujet : ces gens n’ont pas lu l’histoire d’origine. Notons au passage que la tirade dans laquelle il se lance dans la nouvelle est respectée à l’écran. Fondamentalement, M. Harrigan est technophobe par accident. Il ne voit pas l’utilité des nouvelles technologies, jusqu’à ce que Craig lui en mette un smartphone dans les mains et lui explique son fonctionnement.

De la même manière, l’iPhone n’est absolument pas la star du film ou de la nouvelle d’origine. C’est un accessoire dans le film et s’il n’y avait pas eu un aspect purement social, cela aurait tout aussi bien pu être un téléphone Android ou un BlackBerry. Tout est pensé pour s’imbriquer parfaitement et servir la véritable intrigue. Cette dernière n’est pas seulement une histoire de fantômes.

Imaginez que vous ayez la possibilité de vous venger des gens qui vous ont fait du mal, sans en subir les conséquences judiciaires, mais simplement morales. Vous êtes face à votre propre tourment intérieur, votre propre culpabilité. Craig est confronté à une dualité, à quelque chose de noir au fond de lui, qu’il doit affronter. Tant qu’il n’aura pas fait cet apprentissage, il ne pourra pas avancer. Dans l’histoire, c’est symbolisé par un téléphone portable, mais ça aurait tout aussi bien pu être une planche de OuiJa, une poupée ou même une entité inconnue, qui surgit tous les 27 ans, sous forme de clown.

Les connaisseurs n’ont pas manqué de noter la présence au casting de Jaeden Martell, qui incarnait Bill Denbrough, dans le remake de Ça. Chose curieuse, alors que ce n’est pas la même équipe de tournage, ni le même casting (à une exception près), ni la même production, on retrouve une patte artistique commune entre les deux films. Cela tient peut-être au thème : dans les deux cas, on est sur une histoire d’apprentissage, sur l’enfant qui entre dans l’âge adulte, en se confrontant à la noirceur du monde. Les ratés et Craig savent qu’il y a des choses mauvaises dans le monde, mais ils doivent attendre d’y être confrontés physiquement pour l’intégrer et pour grandir. En ce sens, les deux histoires sont presque des romans d’apprentissage, mais avec des éléments d’horreur au milieu.

Remerciements à Fanny Bouton et Axel Assouline pour leur expertise iPhone.  

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