Au procès Troadec, un réquisitoire contre l’effroi – Le Monde

Au tribunal de Nantes, le 23 juin 2021, au deuxième jour du procès Troadec.

Deux voix se répondent, se conjuguent, saturent l’espace de la cour d’assises. Celle de Charlotte Gazzera, droite, tendue, vive, mordante, du haut du pupitre de l’accusation. Celle de Stéphane Cantéro, fougueux et bouillonnant, depuis le prétoire. Elles convergent vers un seul objectif : convaincre la cour et les jurés de Loire-Atlantique, qui jugent l’affaire Troadec, de prononcer le maximum de la peine encourue par les deux accusés.

Contre Hubert Caouissin, la réclusion criminelle à perpétuité, avec vingt-deux ans de sûreté. « Un meurtre aggravé est punissable de la réclusion criminelle à perpétuité. Vous jugez ici un meurtre aggravé suivi d’un premier crime. D’un deuxième crime. D’un troisième crime. D’un quatrième crime », a énoncé Stéphane Cantéro, l’un des deux avocats généraux. Contre sa compagne Lydie Troadec, trois ans d’emprisonnement sans aménagement de peine pour les deux délits – « recel de cadavres » et « modification d’un lieu de crimes » – qui lui sont reprochés.

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Effroi collectif

Le réquisitoire à deux voix prononcé mardi 6 juillet est autant exorcisme qu’exutoire. Face aux meurtres de Pascal, Brigitte, Charlotte et Sébastien Troadec dans leur pavillon d’Orvault (Loire-Atlantique) la nuit du 16 au 17 février 2017, Charlotte Gazzera convoque l’effroi collectif qu’ils ont suscité.

Celui du « jour d’après » vécu par une famille « privée de corps, privée de deuil », par un quartier « qui réalise que le voisin grognon auquel on ne disait pas forcément bonjour a été tué avec les siens pendant qu’on dormait », par une agglomération « déjà marquée par une tragédie familiale [l’affaire Dupont de Ligonnès], qui a l’impression que l’histoire se répète », par une région « qui ne pouvait pas concevoir que le fantasme de la caisse d’or tombée de la cargaison pendant la deuxième guerre mondiale [que Lydie Troadec et Hubert Caoussin imaginaient entre les mains de Pascal] déchaînerait de telles passions familiales ». Charlotte Gazzera les dépose devant la cour et les jurés, comme autant de témoins horrifiés qu’elle leur demande d’emporter dans leur délibéré. « L’atrocité des crimes commis doit prendre le dessus sur les motivations profondes de celui qui est passé à l’acte », dit-elle.

A l’horreur d’Orvault, quatre experts psychiatres ont donné un autre nom, le « délire à deux, la contagion mentale. L’idée de l’un devient celle de l’autre ». « La psychiatrie n’en a jamais connu d’aussi parfait que celui-là », avait observé le docteur Michel Dubec, chargé avec ses confrères Daniel Zagury, Roland Coutanceau et Paul Bensussan d’examiner les accusés. Entendus vendredi 2 et lundi 5 juillet, tous ont conclu à l’altération du jugement pour Hubert Caouissin, trois d’entre eux ont posé le même diagnostic sur Lydie Troadec.

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